Chemin du 16 août 2020
Blue breizh blues
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Le bleu breizh a ceci de particulier qu’il ne possède pas vraiment de matricule ou de référence en catalogue. Vous trouverez bien ici ou là, chez Merlin ou Valentine un RAL 5010 baptisé breton, plutôt marine, approchant le bleu roi, satiné ou brillant, à tirer au rouleau sur quelques volets de littoral et portes ancestrales. Mais ce classement ma foi, me paraît bien abusif.
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En Bretagne en effet, le bleu est partout, doux, tendre, clair, sombre, brut. Il est divers, été comme hiver, variant, chatoyant, fluctuant, mouvant, flottant. Il n’a rien d’immuable et de prétentieux. Il ne s’affiche jamais de manière exclusive et impérieuse, ne vous traite pas de haut, n’impose pas ses vues, vous avez le choix. Rien à voir avec le bleu Klein qui vous inonde et vous noie, ou le bleu Matisse qui vous coupe, vous découpe, le bleu Magritte, transparent, qui vous envoie en l’air ou encore le bleu fouillis mais fouillé, buissonnant et buissonnier, de l’américaine Joan Mitchell que j’ai pu découvrir à Landerneau chez l’épicier Leclerc devenu galériste en son territoire finistérien.
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Non, non, le bleu breton est pluriel, plaisant, sans prétention, éclatant sous nos yeux comblés de confinés récents, qui prenons enfin le temps d’observer .
A l’aube par exemple, quand je traverse à vélo le hameau de Kersiguénou, et ses petites maisons de pêcheurs, voici l’agapanthe qui se dresse avec élégance devant la pierre millénaire : sourire floral, voisin du mauve, émouvant et aérien, rayonnant, tanguant, valsant, tige et vertige... Fière, altière, bien balancée, elle salue les premiers rayons d’Est sous les contrevents aux bleus multiples et les rideaux blancs brodés, ajourés.
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Plus loin, juste avant la boulangerie où m’attend l’odeur chaude du far au sarrasin, et de la brioche aux raisins, c’est une blue beauty qui me hèle, une bretonne tradi, vintage mais sexy, sans la coiffe, engageante, opulente, pas du tout «highway to hell», but bluebell girl du pays bigouden, fertilisée au chouchen, trésor des trottoirs et des parterres, maquillée indigo, style bi, indéfini, genre « salut mec, je me présente, je suis la belle Hortense, avec moi c’est direct au paradis, j’ai des formes, je fais dans le bleu, mais pas dans le bleu-bite garçon, dans le bleu au balcon, débordant, rebondi, plantureux, potelé, prospère, plein poumons, tu montes chéri ? ».
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Hortense, souvenez-vous, je vous en ai déjà parlé, longuement, un été passé, voluptueuse, ronde et fessue, avec sa variante, l’hortensia bleu, à l’aise, balèze, dans le sol acide et schisteux de la péninsule bretonne, touffe azurée en bord de chaussée, saphir d’armorique, travelo à pétales célestes, en boule ou demi-boule, Hortense, nom de bleu, bisous, bisous, toujours sur le chemin !
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Et puis vient midi. Pour moi, c’est régulièrement l’heure du grand bain, la plongée turquoise en eau salée. La mer d’Iroise, translucide, modifie sa palette au rythme des rides et des vagues, émeraude dans le haut de ses rouleaux, or-bleu et bulles blanches dans l’éclatement de ses bigoudis à surfeurs. Certains jours, quand l’océan joue aux huiles, vous rectifiez la position, et flottant sur le dos, orteils droits vers le ciel, vous immergez le regard dans l’éther céruléen, vous comptez les moutons qui s’alignent là-haut, et vous dormez presque, cajolé, bercé, caressé par un roulis gentil, retourné à la félicité foetale, à la jouissance totale, rajeuni, ragaillardi, rendu à la source ...
Gérard dirait : « on n’est pas bien là, paisibles, à la fraîche, décontracté du gland ? »
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Eh oui, le bleu breton apaise, n’en déplaise à Brigitte, à Tino, ou à Charles qui chantèrent la Méditerranée, coquillages, golfes clairs et Saint-Tropez !
Bref, des bleus armoricains, je pourrais vous en citez plein. Mais je serais taxé de chauvinisme. Alors pour conclure, à destination de la bleusaille qui déjà me raille, (si, si, je le sens bien), j’ajouterai que sur ma plage abandonnée, quand descend l’heure bleue, celle que l’on situe entre coup de chien et loups de mer, l’immersion du soir vaut tous les édens artificiels : c’est le moment d’apesanteur, entre deux eaux, entre le bleu couchant de surface et le bleu nuit des fosses marines.
Après quoi, au pied de la falaise, il faut allumer les bûches, sortir la distillerie, et s’injecter un petit blue-velvet entre les oreilles... A toi, Isabella :
https://www.youtube.com/watch?v=QP-X1eZLEtQ
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