Et aussi des Mamans, des Papas et des Rejetons. Pour simplifier on dira:
- Maman = Âme
- Papa = Esprit
- Rejeton = Corps
les Mamans et les Papas étant toutes et tous d'anciens ou actuels Rejetons, ça ne simplifie peut-être pas tant les choses. On verra.
Je ne sais pas vous mais moi je vis dans un monde étrange, un monde où les gens n'arrêtent pas de changer le sens des mots, un monde où on n'arrête pas de changer les choses sans que ça ait le moindre effet sur les choses, vraiment un monde étrange. Par contre, changer le sens des mots a un effet, car si les mots sont des choses, les sens des mots, euh… Ah ben si, les sens des mots c'est des choses aussi. Mais bon, c'est pas des choses du même genre. Euh… Là je ne suis pas sûr, parce que je vis dans un monde où on ne cesse de vouloir changer le genre des choses, et le genre des êtres aussi. Ça n'a pas tellement plus d'effet sur les choses, ni sur les êtres, pour le dire mieux, ça a exactement le même effet, aucun. Enfin si, ça a un effet, mais très superficiel. Vous connaissez l'expression Green Washing? Littéralement ça signifie “lavage vert” ou “nettoyage vert”. J'ai toujours vécu dans un monde où on change le sens des mots mais dans mon jeune temps il y avait une certaine cohérence, du moins une cohérence superficielle; avec le “lavage vert” et le “changement de genre” c'est quelque peu plus compliqué.
Dans mon jeune temps, on avait Coluche, un rigolo très rigolo (pas le genre Bigard ou Palmade, des rigolos pas rigolos, eux, sans vouloir être méchant mais ne craignant pas de le paraître, deux cons, un gros con et un maigre con mais c'est la seule différence). Il avait un sketch sur les publicités pour la lessive, pour les détails cherchez sur Internet mais franchement je vous déconseille, les détails n'ont aucune valeur, quand on se perd dans les détails on rate l'essentiel.
Un sketch sur la publicité pour lessive donc, comme quoi la nouvelle lessive Tromblon «lave plus blanc». Ah d'accord! Dit Coluche, mais alors, l'ancienne version lavait “moins blanc”? Ah mais non! Que dit le lessivier, elle lave blanc mais la nouvelle lave plus blanc. Bon, se dit, et nous dit Coluche, “moins blanc que blanc” j'imagine, c'est genre gris clair, mais “plus blanc que blanc” c'est quoi? Transparent?
Le “lavage vert” j'essaie d'imaginer: on lave, et quelle que soit la couleur de départ celle d'arrivée c'est vert? En version optimiste j'appellerais ça teindre, et non pas laver, en version pessimiste, ça ne serait pas quelque chose comme salir? En version française quasi-officielle on dit «écoblanchiment» – c'est tellement proche de l'officiel que mon correcteur orthographique trouve le mot acceptable. D'accord. En version longue ça s'écrit «blanchiment écologique». Ce qui est parfait, moi je suis pour, les lessives écolos c'est cooooool!!! Mais non, pas du tout: ce mot est censément produit par des partisans de l'écologie politique et selon eux le “blanchiment écologique” c'est pas cool.
Changer le genre des choses et des êtres est très facile, par exemple au lieu de dire “une fourmi” ou “un scarabée” on dit “un fourmi” et “une scarabée”, et le reste va avec, “un fourmi roux”, “une scarabée verte”, “le fourmi est un travailleur acharné”, “la scarabée est une travailleuse intermittente”. Facile de chez facile, de changer le genre des choses et des êtres! Enfin, presque. Là je donnais des exemples où on voit tout de suite le genre, mais avec «les fourmis vivent dans la forêt» et «les scarabées sont polyglottes», c'est quoi leur genre? En français écrit on a une méthode, par exemple “fourmi” est d'un genre, “fourmie” d'un autre genre, “scarabé” d'un genre, “scarabée” d'un autre genre. À l'oral ça ne fonctionne pas mais à l'écrit si. Il y a bien l'aide des mots qui indiquent le genre d'un autre mot, “un fourmi” / “une fourmie”, “une scarabée” / “un scarabé” mais quand plusieurs entités vivent ou sont quel est leur genre? Et il y a la question des mots exclusifs ou excluants, estafette ou planton, individu ou personne, un seul genre. C'est exact, on peut faire comme pour les fourmies et les scarabés, cela dit quel est le genre d'une réalité pointée par salmigondis et par billevesée? Tiens ben j'y pense, quel est le genre d'un réalité, d'une réalitée?
J'ai toujours vécu dans un monde étrange où l'on ne cesse de changer le sens des mots, mais il est plus étrange aujourd'hui que dans mon jeune temps. À l'époque on ne se posait guère la question du sexe des mots et du genre des êtres ou entités, un planton est de genre masculin pour le mot, de sexe indéterminé pour la personne, une estafette, de genre féminin pour le mot, de sexe indéterminé pour l'être. Enfin, on supposait que c'était le cas. Depuis, on a transformé les personnes en éléments d'une sorte de grammaire, une grammaire curieuse avec une infinité de genres pour certaines, aucun genre pour certaines (parfois les mêmes), avec des genres indéterminables, et les mots en êtres sexués, ou non, ou ambivalents, androgynes ou hermaphrodites – faudrait penser à utiliser gynandres et aphrodermès, pour que ce ne soit pas toujours les mêmes qui soient les premiers et toujours les mêmes qui soient les dernières. Et depuis mon jeune temps est advenu une chose encore plus étrange, du moins de mon point de vue: la variation indétectable du genre. Ça ne concerne que des mots d'un certain genre et d'une certaine forme, le genre masculin et la forme avec un “r” finale, ou une “r” finale, comme on veut. Non qu'on ne puisse le faire pour des mots d'autre genre ou d'autre forme, ça advient parfois mais c'est rare: on peut envisager “une plantonne” et “un estafet”, ça marche très bien, syntaxiquement. De l'autre bord ça n'a pas grand intérêt: quand les réalités désignées ont au moins quarante-trois genres et les mots au plus trois ou quatre sexes (enfin, trois sexes et un non-sexe), comment accorder la grammaire de la réalité (plus ou moins) observable et la grammaire des mots?
Le cas mentionné des finales en “r” me semble particulièrement étrange. Bon, à l'écrit ça marche puisque le principe est d'ajouter un “e” à la fin mais à l'oral? Sans un mot qui indique le sexe du mot, c'est difficile, en français un “e” à cette position est rarement prononcé:
Dominique Tromblon, professeure à l'école des mines déconfites
ou
Dominique Tromblon, professeur à l'école des mines de plomb
Ça fait pareil. Certes on peut prononcer la dernière lettre, genre “professeureu” mais justement ça n'est pas heureux: quand le “e” finale est prononcé ce qui, sauf dans des vers réguliers à syllabes comptées, arrive rarement, il est léger, à peine esquissé; là non, il faut insister un peu lourdement pour bien montrer que ce n'est pas une erreur, un “e” intempestif – par exemple quand on ajoute un “e” à la finale “eur” à l'oral dans une séquence comme “le rêveur réplique” ou “le receveur préempte” – je donne de mauvais exemples mais il est courant d'ajouter un “e” pour éviter ces rencontres de “r” successifs ou parce qu'on a un nombre important de consonnes successives. L'étrange dans cette histoire est ceci: cette pratique “genre” (du verbe “genrer”) bien moins que celles antérieures, dans mon jeune temps toujours si la personne qui vous soignait était une dame on parlait de la doctoresse, un joli mot, et non de la docteureu, un mot malheureux, ou pire, de la docteur; on peut faire pareille pour les enseignantes du secondaire et du supérieur en disant par exemple professeuse – ah ouais je vois déjà le truc, ouais mais non mais professeuse ça fait genre “fesseuse pro”. Et alors, professeur ça ne fait pas “fesseur pro”? En plus, dans mon jeune temps du moins, les professeurs de collège de tout genre étaient parfois des pros de la fessée. Ah ouais, je me rappelle pour doctoresse: paraît que les finales en “esse” sont dévalorisantes. D'accord, alors “duchesse”, “comtesse” et “princesse” c'est dévalorisant? Remarquez, on pourrait adopter la méthode pour ces cas, au lieu de “duchesse” on dirait “duque” mais bon, la prononciation lourde “duqueu” ça ferait transgenre, une dame avec une queue; pour comte on ferait le contraire, on supprimerait le “e” final pour une personne genre sans “e” à la fin mais si du coup on ne prononce pas le “t” devenu final, je ne suis pas certain que se faire traiter de “monsieur le con” ravirait les destinataires du compliment.
Je lis cette pratique nouvelle comme inverse de ce qu'elle est censée produire: elle accentue la secondarisation du féminin grammatical pour accentuer la secondarisation du féminin sexuel. Les Mamans restent à leur place, après les Papas voire même après les Rejetons: une dame qui vous soigne n'est plus un être ayant son propre nom, “doctoresse”, mais une simple extension du “docteur”. Considérez le cas du féminin pour “auteur”: la logique de la langue indiquait, en rapport aux mots “éditrice”, “réalisatrice”, “compositrice”, etc., le mot “autrice” et non “auteure”, d'abord préféré (depuis, “autrice” s'est diffusé mais non encore imposé). Et la logique nouvelle résulte en l'inverse, des mots existants et anciens avec des formes variées propres au genre grammatical féminin, tel “doctoresse” disparaissent au profit de mots qui nous disent clairement, le féminin est une extension secondaire du masculin.
Comme on dit, «trop de genre tue le genre», la vielle sentence «Diviser pour mieux régner». Dans mon jeune temps toujours, les années 1970, il y avait comme on a dit plus tard pour désigner l'inverse, une convergence des luttes: le but des militants de causes diverses dont celles de ce qui devint les “genres” était l'indifférenciation, non la différenciation, les gouines et pédés ne réclamaient pas qu'on “reconnaisse leur différence”, elle était assumée, elles et ils réclamaient que cette “différence” ne soit pas un motif de distinction, genre “chacun chez soi”, un corporatisme du “genre”. Pour les tenants du “diviser pour régner” c'était un problème, et ils trouvèrent la réponse ordinaire dans ces situations: quand on ne peut empêcher les revendications, on les appuie en les sectorisant: les femmes, les nègres, les “gays”, les lesbiennes, les bicots, les employés (les salariés), et toute les autres racailles, on va les diviser dans leurs catégories, et les inciter à mettre en avant leurs cas particuliers, non plus la lutte de toutes et tous vers un même but, ne plus faire de différences, mais de chacun et chacune pour un but très limité, Ma Pomme en premier, Ma Pomme seulement, contre le but de toutes les autres pommes.
Les Mamans, les Papas et les Rejetons, donc. Ou aussi, les Âmes, les Esprits et les Corps. Quand les mots perdent leur sens premier pour en acquérir un parfois contradictoire, souvent contradictoire de celui initial, une chose à faire et d'aller voir du côté de l'étymologie. En français de 2025 (au 1° décembre 2024 on peut se permettre d'anticiper un peu) “âme” et “esprit” ne sont pas strictement des synonymes mais ça y tend. Pour le Larousse:
ESPRIT: «Principe de la vie psychique, intellectuelle ; capacités intellectuelles, intelligence»;
ÂME: «Principe de vie, de mouvement et de pensée de l'homme, différent de l'esprit, conçu comme activité intellectuelle et fréquemment opposé au corps, du moins dans la tradition judéo-chrétienne».
Pour le Robert:
ESPRIT: «1. Le principe pensant en général (opposé à l'objet de pensée, à la matière). ==> intellect; pensée […].
2. Principe de la vie psychique, affective et intellectuelle (chez une personne). ==> âme, conscience, moi»;
ÂME: «1. Principe spirituel de l'être humain, conçu dans la religion comme séparable du corps, immortel et jugé par Dieu» […].
2. Principe de la sensibilité et de la pensée (opposé au corps) […]. ==> Conscience, esprit».
Pour le Wiktionnaire:
ESPRIT: «1. Substance incorporelle et immatérielle.
2. (Mythologie) Âme désincarnée douée de pensée et de vie.
3. (Philosophie) Principe de la pensée et de la réflexion»;
ÂME: «1. Principe de la vie chez un être humain.
2. (Religion) Partie immatérielle de l’homme, opposée au corps.
3. (Philosophie) (Par extension) Principe du sentiment, de la pensée, de la volonté dans l’homme, conscience morale».
Il vaut alors de consulter la totalité des articles «esprit» et «âme» du Trésor de la langue française (le TLF) pour comprendre comment ces deux mots finirent par signifier “vie psychique” et “principe pensant“ en partant de deux mots signifiant “souffle”. Au fait, pourquoi deux mots pour une même signification? Vraisemblablement parce qu'à l'origine ils ont deux significations distinctes – les synonymes stricts sont très rares et le plus souvent résultent d'une généalogie distincte, comme “âme” et “psyché”, devenus des synonymes presque stricts en français , l'un venant du latin, l'autre du grec. Pour “âme” et “esprit”, la différence se situe dans l'origine du souffle: “intérieur” pour le premier (l'expiration), “extérieur“ pour le second (le vent). On peut supposer, on doit supposer qu'il y a un rapport de réciprocité entre les deux: l'inspiration est plus ou moins – plutôt plus – une incorporation du vent, et l'expiration retourne au vent ce qui vient du vent. D'ailleurs, les verbes disant ce mouvement de va-et-vient, inspirer et expirer, dérivent du verbe qui signifie “souffler” quand on parle du souffle du vent.
Les Mamans sont des Âmes parce que sont des Corps, précisément, des Corps qui produisent des Corps, les Rejetons, et leurs transmettent leur propre souffle, donc leur Âme; les Papas sont des Esprits et possiblement des Corps (censément ce sont des anciens Rejetons, les Mamans aussi mais là c'est indiscutable, tout Rejeton vous le certifiera), bien que la question se pose: sont-ils réellement d'anciens Rejetons, ou sont-ils autre chose? En théorie un Rejeton résulte de la Rencontre d'un Papa et d'une Maman mais si pour la Maman le lien avec le Rejeton est certain, et si est certain qu'elles sont Âme et Corps, pour les Papas on ne peut pas être sûr, d'autant qu'il arrive que des Mamans produisent des Rejetons sans qu'il y ait eu Rencontre avec un Papa, ou du moins un Papa ex-Rejeton, donc Corps et Âme. Il paraît que le Souffle du Papa suffit, il émet une sorte de vent – c'est comme ça qu'on sait que c'est un Esprit – et hop! La Rencontre a eu lieu. Perso je suis dubitatif, mon expérience le dit que l'on a beau souffler sur n'importe quoi ou n'importe qui, personne n'appelle ça une Rencontre, sauf chez les rebouteux.
Pourquoi je raconte ça déjà? Je ne me rappelle plus trop. Ah oui! L'Âme, le Corps et l'Esprit. Il n'y a pas longtemps je me suis pensé, “mâle” est un cas particulier de “femelle”. Pour préciser, je me le suis pensé autrement que dans un texte déjà ancien, «L'homme est une femme comme les autres» (initialement publié le 21 janvier 2018 dans cette page; republié dans le recueil Élucubrations & autres coquecigrues; autres formats, et autres documents, sur cette page). Enfin, autrement, pas tant que ça quand je relis la conclusion de ce texte:
«Et voilà. Cela dit, je pense réellement que l'homme est une femme comme les autres, que l'homme considéré comme être humain de sexe masculin est un cas particulier de la femme comme être humain de sexe féminin, pour la raison très objective qu'on a de longue date et un très grand nombre de fois vu des femmes donner naissance à des hommes mais jamais l'inverse, sauf dans les romans et les contes, et les romans et les contes, et bien, ce n'est pas la réalité».
Vous croyez à l'Immaculée Conception? Moi oui. Enfin non, je n'y crois pas, croire ce n'est pas mon style, ou je sais, alors ce n'est pas de la croyance, ou je ne sais pas, en ces cas j'évite de croire. Il y a un terme “scientifique” pour Immaculée Conception: parthénogenèse. C'est la même chose: la “conception par les vierges”. Ah non, pas la même chose: c'est la réalisation par les vierges. La conception c'est bien mais si on ne sait pas réaliser ça ne sert à rien, les vierges femelles savent passer de la conception à la réalisation, les vierges mâles non – sauf dans les romans et les contes, et les romans et les contes (voir ci-avant). L'article de Wikipédia propose ceci:
«La parthénogenèse (des mots grecs παρθένος, parthénos, vierge, et γένεσις, génesis, naissance) est la division à partir d'un gamète femelle non fécondé. C'est un mode de reproduction monoparental comme l'autofécondation qui nécessite quant à elle l’intervention des deux gamètes, mâles et femelles, apportés par le même individu hermaphrodite. Elle appartient aux modes de reproduction sexuée car elle nécessite l'intervention d'un gamète, mais étant donné l'absence d'apport de matériel génétique d'un autre individu, le résultat s'apparente à la reproduction asexuée. Ce phénomène s'observe naturellement chez certaines espèces végétales et animales, mais peut également être provoqué artificiellement.
Dans le règne végétal, la parthénogenèse (on parle alors d'apomixie) est assez commune, avec ou sans autre mode de reproduction, sauf parmi les plantes à fleurs (angiospermes), la fleur enveloppant l'organe de reproduction sexuée femelle (mais l'un n'empêche pas l'autre). Dans le règne animal, la parthénogenèse se rencontre dans de nombreux taxons comme les nématodes, les polychètes, les oligochètes, les némertiens, les arthropodes (dont les insectes comme l'abeille et les pucerons), les gastrotriches et chez les vertébrés, certains reptiles (dragon de Komodo), oiseaux (dinde) et poissons».
La distinction entre parthénogenèse et autofécondation n'est pas si claire: les fourmis et les abeilles pratiquent-elle l'une ou l'autre? L'article cite les abeilles pour la parthénogenèse, or dans leur cas et celui des fourmis on a un apport de gamètes “mâles” avec cette curiosité,: le “mâle” est génétiquement femelle, et son patrimoine génétique est le même que celui de la femelle fécondée, d'où le caractère indéterminé de la situation: parthénogenèse ou autofécondation? Perso, je penche pour autofécondation avec ceci que si le stock génétique est le même, les individus et les gamètes diffèrent par la forme. La forme, non le contenu: la fille, devenue un fils par sa forme, féconde une autre fille avec un contenu venant de la mère et en tout point semblable. Une sorte de variante du clonage. Enfin, pas en tout point semblable, c'est impossible, lors de la méiose il y a une redistribution des gènes, très faible mais non nulle, ça ne se passe pas de la manière très simple qu'on explique le plus souvent, la moitié du stock génétique venant du Papa d'un côté, la moitié venant de la Maman de l'autre côté, et les deux moitiés qui se recollent pile-poil en deux moitiés bien séparées chez le Rejeton, c'est même l'intérêt du truc, de transformer une gentille fille en un moins gentil garçon, ça renouvelle le stock; comme dit l'article de Wikipédia, «par le brassage des gènes qu'elle permet [la méiose] joue un rôle essentiel pour la diversité des espèces». Ouais, faut voir: les bactéries ne pratiquent pas la chose et question diversité des espèces elles sont plutôt bien servies:
«Il [en] existe environ 10.000 espèces connues à ce jour, mais la diversité réelle du groupe est probablement supérieure. L'estimation du nombre des espèces oscillerait entre 5 et 10 millions».
On ne prête qu'aux riches, certains supposent jusqu'au milliard d'espèces, mais même cinq à dix millions ça va, question diversité des espèces; on le voit, la méiose n'est pas la seule méthode efficace. Remarquez, les bactéries connaissent aussi les joies du mélange des patrimoines, ou des matrimoines, disons, des transgenretrimoines ou des neutrimoines, d'autre manière encore, mais n'en parlons pas ici, chez les Bactéries il n'y a pas vraiment de Mamans et de Papas, c'est plus ou moins toutes des Mamans qui jouent parfois au Papa et à la Maman. Plus ou moins des Âmes sans Esprit mais qui ne manquent pas de spiritualité – d'humour – pour autant. Et aussi des Corps, sans ça pas de Rejetons.
Il y a plusieurs cas qui donnent à penser, en ce qui concerne la différence entre individus mâles et femelles: les fourmis et abeilles, les tortues, les dragons de Komodo et quelques autres lézards, les pucerons, les punaises de lit. Pour les fourmis et abeilles on a vu – au fait, devenir mâle n'est peut-être pas ce que peut souhaiter le plus un de ces insectes: les abeilles mâles vivent environ le tiers du temps, les fourmis mâles au mieux le dixième du temps que vivent les “neutres“ (en fait des femelles qui ne maturent pas, mais au moins chez les fourmis, pour le bien du groupe on peut les “activer” si nécessaire – pas assez de femelles actives, de “pondeuses”. Je suppose qu'il en va de même pour les abeilles). Les pucerons (les “puceronnes”?) c'est proche mais différent: d'abord toutes les femelles sont prolifiques, à un point tel que les nouvelles générations sont “enceintes” dans le ventre de leurs mères avant même d'être adultes, “matures”; se reproduisant par parthénogenèse elles sont toutes “femelles”, mais au cours du cycle de vie d'une lignée il y a un moment de reproduction sexuée, du coup elles font comme les abeilles et les fourmis, certaines se “transforment en mâles”. Je connais le système formel des abeilles et fourmis mais sans avoir cherché à en connaître les détails, je suppose qu'elles font comme les pucerons: l'un des chromosomes sexuels est supprimé ou inactivé, et hop! Un mâle. Comme qui dirait que contrairement aux apparences un mâle est un individu qui a quelque chose en moins que quelque chose en plus…
Les punaises de lit c'est encore plus curieux. Je préfère ne pas vous raconter, les détails sont horribles, lancez la recherche
punaise de lit reproduction
dans votre moteur de recherche favori, vous en saurez tout. L'intéressant chez ces bestioles est l'indétermination: les mâles sautent sur tout ce qui bouge et ressemble vaguement à une femelle de leur espèce, du fait ils pénètrent (ils perforent) indifféremment les mâles (un fois sur deux), les femelles (trois fois sur dix) ou n'importe quel insecte (une fois sur cinq), et parfois les mâles “deviennent femelles”, enfin à moitié, ils sont alors “hermaphrodites”, pas exactement ça mais ça y ressemble, en tout cas ça résulte en le fait que les mâles sont aussi reproducteurs au sens exact, ils réalisent de nouveaux individus, comme le ferait une femelle. Très étrange comme système et comme résultat…
Les vertébrés, spécialement ceux aériens, c'est vachement plus complexe que les invertébrés, ben malgré tout pas tant que ça, on le constate avec certains lézards et spécialement, comme dit, certaines lignées de dragons de Komodo: reproduction parthénogénétique. Par contre, il y a un accouplement. Disons qu'elles donnent dans le porno soft: on fait les gestes mais – et pour cause – sans pénétration, sans quoi le processus de parthénogenèse ne se déclenche pas. Les tortues, et bien, c'est comme pour les pucerons, une question de contexte. On ne sait pas précisément quel est le déclencheur pour les pucerons, peut-être la température, ou la luminosité, ou la durée des périodes diurnes; en revanche on sait pour les tortues: la température. Si la température moyenne, à un certain moment de leur développement dans l'œuf, dépasse un certain niveau, ça sera un mâle, en-dessous ça sera une femelle – ou l'inverse, je ne sais plus. Ce qui peut parfois poser problème. Censément, dans un nid la position des œufs va jouer un rôle, ceux les plus profondément enfouis seront d'un genre, ceux les plus haut d'un autre. Par ces temps de réchauffement climatique les œufs les plus enfouis sont de plus en plus souvent dans la zone de température haute qui détermine le genre, du coup on a seulement des femelles ou des mâles. J'espère pour les tortues que les femelles sont déterminées par les températures hautes, parce que ça peut se résoudre manière lézard, par la parthénogenèse; avec seulement des mâles ça risque de résulter en la fin des tortues.
Selon l'article de Wikipédia, la parthénogenèse mammifère “naturelle” dite rudimentaire, c'est non:
«Dans ce cas de parthénogenèse, le développement parthénogénétique commence, mais ne termine jamais comme chez les mammifères, ou très rarement comme chez certains oiseaux ou invertébrés».
Mais celle artificielle, ça n'est pas toujours non, dit la section «Mammifères» de l'article:
«Chez les mammifères, la parthénogenèse est difficile, et sans doute impossible dans la nature, en raison notamment du phénomène d'empreinte, qui fait que la chromatine de l'ovule et celle du spermatozoïde sont différentes. Dès 1939, Gregory Pincus réussit la parthénogenèse de la lapine, avec 1 succès pour 200 tentatives».
Vous savez quoi? Si on peut parvenir en laboratoire, même difficilement, à réaliser une parthénogenèse efficiente, l'hypothèse “impossible dans la nature” est douteuse. Mais ça n'a pas d'importance dans le cadre de ce billet, qui tente simplement de mettre en évidence, et bien, ce qui est de l'ordre de l'évidence:
- La vie est femelle;
- Les mâles sont des accidents de la nature.
Raison pourquoi les mâles, notamment, notablement ceux humains, sont souvent si acharnés à vouloir exercer leur contrôle sur les femelles: ils ont le sentiment assez justifié que la nature peut sans grand problème se passer de cet accident. Comme qui dirait, l'Esprit est apparemment très capable de concevoir, totalement incapable de réaliser, tant que l'Âme est présente l'avenir du Rejeton est assuré, mais si on ne doit compter que sur les Forces de l'Esprit pour perpétuer la réalisation des Rejetons ça finira mal, c'est certain…
Ah oui! Le coût de la vie! Et bien, elle coûte beaucoup, spécialement quand on doit la reproduire, donc autant consacrer son énergie au confort des Âmes plutôt qu'à celui des Esprits, et pour cela il faut remettre l'Esprit à sa place: la dernière.