Près de chez moi, en Alsace, un couple de cigognes avait élu domicile en haut d’un poteau EDF. Elles habitaient là depuis toujours, avant 1948 peut-être, depuis aussi longtemps que je me souvienne en tout cas.
Au printemps dernier, à la demande d’un voisin se plaignant de déjections dans sa piscine et avec les conseils avisés d’un "spécialiste" du nom de Juif (ça ne s’invente pas !), elles furent délogées, leur maison détruite, leur nid transporté bien plus loin sans qu’on les informât de leur changement d’adresse. Mais de toute évidence elles voulaient rester au pays, n’étant certes pas sous les bombes mais à leur échelle ce n’était pas mieux…
Alors à deux reprises et malgré l’installation d’espèces d’antennes, des pointes destinées à les empêcher de revenir dans leur maison, elles reconstruisirent celle-ci, et à nouveau elle fut démolie. Inlassablement elles y sont revenues, juste à temps d’ailleurs pour la couvaison. Un voisin au grand cœur leur installa un poteau tout neuf, équipé d’un panier métallique, dans son jardin, mais c’était de l’autre côté de la rue et elles voulaient rester chez elles où elles passèrent le reste de la saison, installées tant bien que mal au milieu des tiges métalliques.
Cet hiver je ne les vis plus, mais comme elles passent le plus clair de leur temps à chercher leur pitance, cela ne m’a pas inquiété outre mesure.
Mais leur maison à nouveau a été détruite, et en plus de l’antenne a été installé une espèce de hérisson métallique…
Aujourd’hui, je les ai revues. Enfin, elles ou leur descendance peut-être, je ne suis pas très physionomiste…Elles m’ont paru désemparées, immobiles dans le nouveau logement proposé par le voisin, ayant pourtant bien essayé de replacer quelques branches sur leur ancien poteau…
Ne peut-on vraiment foutre la paix, aux gens comme aux animaux ?
La gorge nouée, une larme de compassion, et d’impuissance aussi, a coulé le long de ma joue…
Guilain LANTIN