L'affaire Léonarda a mis au jour une tragédie quotidienne de l'Ecole : l'absentéisme. La République suppose une Ecole forte, capable de transmettre les valeurs de l'humanisme aux jeunes citoyens qu'elle accueille. Or, malgré les tentatives réitérées de décrets en circulaire, l'absentéisme scolaire est de plus en plus lourd, et commence à toucher des enfants de plus en plus jeunes.
La procédure implique -une fois que les courriers de l'établissement aux familles sont demeurés inefficaces- un signalement auprès de la Direction académique (ex Inspection académique) après que l'absentéisme a été dûment constaté : 20 demi-journées d'absences pendant un trimestre sont un seuil inquiétant. Un fois ce signalement fait, la direction académique adresse un courrier aux parents leur demandant de se mettre en règle avec la Loi. Puis le temps passe. Si rien ne se produit, un nouveau courrier est adressé, avec menaces... et l'année se termine.
Je témoigne qu'ainsi, des enfants de 15ans ont passé une année chez eux, sans mettre le moindre orteil au Lycée. Ce qui n'a pas empéché la famille de percevoir les diverses prestations liées à la scolarité (prime de rentrée, aides diverses... J'ai fait interrompre le paiement des bourses en janvier). Comme cet absentéisme devient une gangrène, le Ministère inspiré propose aux établissements des "aides" qui se traduisent :
- par la mise en place des PPRE (programme personnalisé de réussite éducative) théoriquement destinés aux écoles et aux collèges, on les propose aux lycées. Il s'agit d'adapter l'enseignement aux capacités de l'élève afin de lui faire acquérir un minimum de savoirs ("le socle commun"). Ce programme élaboré par les enseignants est présenté à l'élève et sa famille... lorsqu'ils daignent se déplacer !
- par l'envoi d'un GOS dans l'établissement (groupe opérationnel de suivi). Composé d'inspecteurs et de chefs d'établissmeent, il fait une espèce d'audit pour expliquer aux enseignants comment enseigner, et adapter le contenu de leurs cours de manière à ne pas "effrayer" les élèves.
Ces mesures, parfaitement inutiles, voire vexatoires, ne sont que de l'agitation et visent à montrer qu'on s'intéresse au décrochage. Elles supposent toujours que le responsable du décrochage est l'Ecole, non la famille !
La Loi de mars 2007 sur la prévention de la délinquance prévoit dans chaque commune la création d'un "conseil des droits et devoirs des familles" sous la présidence du maire, il vise à rappeler aux familles la nécessité de la fréquetation scolaire assidue, et peut proposer des aides (sociales, éducatives) voire suspendre -en dernière instance- les prestations sociales. Ce texte n'est appliqué que dans quelques communes de France (une dizaine!) ; certaine DASEN bourguignonne est même hostile au travail des établissements avec la Municipalité. Or ce que ce texte promeut enfin semble une évidence : l'absentéisme est un phénomène social pas scolaire, et doit à ce titre être pris en charge par la collectivité.
Léonarda a totalisé 21 demi-journées d'absence en quelques semaines : elle a pulvérisé le record de 20 demi-journées pour un trimestre. Léonarda était absentéiste, lourdement, et en toute impunité : l'établissement a bien respecté la procédure, la direction académique aussi, des courriers sont partis, etc... Mais l'Etat s'est donné tous les moyens pour se rendre impuissant à faire respecter la Loi. Or, dès qu'on prend des accommodements avec le respect des Lois, toute dérive est permise, et le fiasco final en témoigne. Demander que cette jeune fille poursuive sa scolarité en France est certes généreux et conforme aux principes de la République : mais elle refusait d'aller à l'école ! sa famille était, comment dire ? peu sensible aux principes républicains. Bienvenue à Léonarda et à tous les enfants mais à l'Ecole de la République.
A partir du moment où l'Etat est incapable d'exiger et de faire appliquer l'obligation de scolarité, l'Ecole est privée des moyens indispensables à sa mission : former les futurs citoyens. Ce ne sont donc plus les valeurs de la République qui prévalent, et tous les dérapages sont à craindre.