Les millions de salariés qui se sont mobilisés le 7 septembre contre le projet de réforme des retraites présenté par le gouvernement, n'ont pas été entendus. Ce projet a été voté en première lecture par l'Assemblée nationale le 15 septembre, à la suite d'un débat précipité et tronqué qui trahissait clairement une volonté politique de passer en force. Désormais les enjeux sont donc clairs. Serons-nous assez déterminés pour faire reculer le gouvernement et obtenir le retrait de son projet ?
Sur le fond les différentes mobilisations ont permis de gagner en clarté dans la lecture du projet du gouvernement, au point de rendre progressivement inaudible son argumentaire ou, pour mieux dire, ses éléments de langage. Les salariés ne combattent pas une réforme inévitable, mais qu'ils n'auraient pas comprise ou qu'ils jugeraient seulement « impopulaire ». Ils ont, au contraire, parfaitement compris que cette réforme est tout à la fois inefficace et injuste :
Repousser l'âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans et reculer l'âge du taux plein à 67 ans, tout en continuant d'augmenter la durée des cotisations est, du point de vue financier, une solution à court terme (au-delà de 2018, le financement n'est plus assuré) et, du point de vue social, une solution scandaleuse puisqu'elle revient, pour l'essentiel, à faire financer les retraites par ceux qui ont commencé à travailler le plus tôt, ainsi qu'à pénaliser tous ceux et surtout toutes celles (une femme sur trois) qui ont eu des carrières interrompues ou incomplètes.
Au-delà des clivages syndicaux, et parfois même politiques, un consensus paraît alors se dessiner sur les solutions à apporter. Le besoin de financement de notre système de retraite par répartition passe, d'une part, par une augmentation du taux d'emploi (en particulier des jeunes) et, d'autre part, par une mise à contribution du capital (largement exonéré). Les options proposées peuvent varier (augmenter les salaires, taxer le capital...), mais au fond elles exigent toutes une autre répartition des richesses produites entre le capital et le travail.
Mais la répartition des richesses, qui est le point à tenir pour tous les travailleurs est justement celui sur lequel le gouvernement entend ni céder ni négocier. L'utilisation, la manipulation, du fameux« argument démographique » n'a d'ailleurs jamais eu d'autre fonction que de l'occulter. Le problème dès lors n'est pas de s'affecter d'une quelconque posture - « souple » et « réformiste » ou « dur » et « radical » - mais d'admettre que, de fait, il ne peut y avoir d'autre revendication, claire et immédiate, que celle qui exige le retrait du projet gouvernemental, avant que celui-ci ne soit définitivement voté.
Beaucoup se sont alors étonnés de la confusion et de la timidité des mots d'ordre des organisations syndicales, à l'exception semble-t-il de F.O. et de Solidaires. Pourquoi ne pas exiger le retrait, pourquoi après le succès du 7 septembre enchaîner seulement le 23, avec une date si tardive ? Les réponses demeurent incertaines. La plus désolante, « la trahison », n'est peut être pas la plus douteuse, mais elle n'avance à rien. La peur d'avoir à engager une crise politique majeure n'est pas à écarter. Mais pourquoi faudrait-il céder à un tel chantage ? C'est le président Sarkozy lui-même qui a déterminé les enjeux et fait monter les enchères. Demander le retrait de la réforme, ce n'est nullement fixer le coût politique qu'il devra payer s'il donne satisfaction. Différer et attendre 2012 serait plus raisonnable, pensent enfin quelques-uns. Mais outre que le pari est plus qu'incertain, il est particulièrement dangereux. C'est aujourd'hui qu'il faut défendre les retraites parce que c'est aussi maintenant, tout de suite, qu'il faut défendre une démocratie sociale qui ne cesse d'être bafouée et méprisée. Un mandat présidentiel n'offre pas les pleins pouvoirs, il ne donne pas le droit d'imposer sans concertation, sans négociation possible avec les salariés et leurs représentants, des réformes non annoncées ou programmées, et même non amendables par l'opposition. L'acte électif perd de son sens si, au nom d'une sorte de légitimisme aveugle, il sert de caution à une dévitalisation de la démocratie.
Le blocage doit être levé. Les revendications sont claires et partagées. Le sens de la grève est de les faire aboutir et non pas seulement de témoigner d'une humeur ou d'une protestation. Il n'y a pas de raison dès lors qu'une grève s'arrête aussitôt après avoir commencé; sa reconduite jusqu'à satisfaction de la revendication est de principe. Le prix à payer peut sans doute être jugé lourd, mais il est à mettre en regard avec le coût de la réforme elle-même qui prendra 4 mois de travail par an aux salariés qui y seront soumis.
N'attendons pas les consignes de centrales syndicales hésitantes et affaiblies pour montrer notre détermination. Dans nos entreprises, dans nos établissements, sur nos lieux de travail réunissons-nous pour décider rapidement de la reconduction de la grève dès le 24 septembre.