Ah comme les journalistes aimeraient qu’on les aime, qu’on sente leur utilité, qu’on s’en remette à eux comme à des guides ! D’où leur tropisme, face aux nouveaux moyens de trouver des informations que propose l’émergence du Net, à tant aimer pointer du doigt les fakenews, à animer des ateliers sur la vérification des informations, à gérer des rubriques dédiées de chasse à la fausse information … Tropisme que l'on retrouve quand on parle d'Éducation aux médias au sein de l'Éducation Nationale...
Ce sont bien pourtant des journalistes eux-mêmes qui osent pointer le doigt sur ce qui suscite le désaveu des citoyens pour les grands médias « meanstream », comme dirait qui veut les vilipender. « Mauvais traitement » : tel est le titre du communiqué de la SDJ de France 3 Rédaction Nationale qui souligne la façon dont la manifestation du 27 mars dernier a été traitée dans le journal du soir.

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Paroles paroles paroles.... ou l'art de la distraction !
Le traitement de l’info…Là est bien la question que l’on devrait se poser aux Assises du Journalisme qui se déroulent à Tours du 27 mars au 1° avril...
Quelle doit être la hiérarchie de l'information dans les journaux ? Qui parlera de la transformation des grands JT télévisuels qui, depuis une vingtaine d'années, ont vu la partie magazine de leur édition enfler de façon démesurée - et cela quel que soit le grave problème national ou international auquel le public est confronté (exception faite de la question ukrainienne en ces débuts, de l'effondrement des tours jumelles en 2011, des attentats de 2015).
Au soir de la grande manifestation du jeudi 23 mars, le JT de France 2 consacrait 2 min 12 s aux manifestations, 2 min à la mobilisation à Pithiviers, 2 min aux violences dans les manifestations ; c'était 4 minutes pour un reportage sur les intérimaires à l'hôpital, 3 minutes sur le logement en temps de JO, 1mn22 sur la pollution en Chine, 2mn45 sur l'effondrement d'une falaise en bord de mer, 5 minutes sur l'œuvre d'Aviation sans frontières. Tout est dit : il n'est plus question de "faire entendre la rumeur du monde", de donner à penser, à réfléchir, d'alimenter la citoyenneté des auditeurs, d'être le ferment de la démocratie, ce que devrait être le journalisme, il s'agit là d'ouvrir le robinet à pisse tiède, de saturer le "temps de cerveau disponible" par de l'anecdotique pour détourner les regards du crucial où chaque citoyen doit faire des choix.
Une information orientée ?...
Ceux qui répondent d'ailleurs au 7ème Baromètre sur l'utilité du journalisme commandé à l'occasion des Assises du journalisme ne 's'y trompent d'ailleurs pas. À la question "Diriez-vous que vous avez totalement, plutôt, plutôt pas ou pas du tout confiance dans
le travail et l’information délivrée par les journalistes " sur la vie politique, 53 des sondés répondent par la négative (contre 43 pour l'affirmative) ; à la question "Selon vous ces dernières années la qualité de l’information délivrée par les journalistes...", 54 % répondent qu'elle s'est détériorée contre 33 % améliorée ; et à la 18e question, il est répondu cela :

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Quand, pour qu'on aime l'info et les journalistes, il faudrait être aimable...
Bien sûr, il ne faut pas mettre tous les journalistes dans le même panier. Ni méconnaître le fait que les médias ont aussi des lignes éditoriales qui sont légitimes (quand du moins les médias ne sont pas payés avec l'argent public, comme France Télévisions ou Radio-France). Il n'empêche qu'on ne peut pas se satisfaire du fait que la quasi-intégralité de l'offre journalistique est aux mains de milliardaires (qui ne peuvent pas ne pas y avoir intérêt).
De tout cela, de la hiérarchie des informations, du traitement des sujets, de l'indépendance des médias, en parlera-t-on aux Assises du journalisme ? Que nenni...Il sera question de représentation de la communauté queer, du racisme dans les rédactions, de la "planète conspi", du climat, des reportages positifs, des lanceurs d'alerte, de vérification de l'info. Tout pour ne pas parler de la démocratie gravement menacée en France, de la communication politique dont il s'agit (ou pas !) de reprendre les éléments de langage, de la situation sociale en France... - et de l'information, en somme.
Pour en débattre, RDV à la cafétaria de la MAME, 49 boulevard de Preuilly, Tours, à 14 h, avant la session à 15 h sur le sondage "Utilité du journalisme" ?