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Billet de blog 19 mars 2023

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Parents orphelins d'enfants

Depuis le Père Goriot, on n'a pas beaucoup évoqué dans la littérature ou au cinéma (je ne parle même pas du silence assourdissant des media), ce sinistre abandon que subissent sans pouvoir se défendre bien des parents.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce sont bien des parents orphelins de leurs propre enfants, ces gens comme vous et moi, qui ont fait le plus souvent ce qu'ils ont pu, ni meilleurs, ni pires que les autres, et se retrouvent plus ou moins abandonnés, trop souvent sans comprendre pourquoi.

Plutôt plus : l'enfant devenu adulte disparait purement et simplement. Plus de nouvelles. Les petits-enfants, s'il y en a, passent à la trappe.

Plutôt moins : les relations se font froides et distantes, froideur d'autant plus perceptible qu'on a continué à ne pas habiter loin les uns des autres. Coups de fils rares, visites davantage encore...

Depuis quelques années, il n'y a pas une rencontre, pas un repas, pas une session où l'aveu honteux et chagrin n'affleure, au détour d'une conversation. L'un dit "je ne vois plus mon fils" et un- ou une- autre renchérit "Moi, c'est ma fille que je ne vois plus". On pourrait penser qu'il y a pléthore de mères, de ces femmes seules ostracisées par une belle-fille toute-puissante, et qui subissent ainsi une double peine : avoir élevé seule leur(s) enfant(s) et se retrouver dans la solitude, abandonnée. Mais on découvre que les hommes sont touchés et, chose plus étonnante, les couples!

Il faut remonter au "Père Goriot" pour trouver dans la littérature une peinture de cette situation, même si des romans contemporains (par exemple "Impardonnable", de Philippe Djian), abordent le problème.

Car c'est bien d'un problème de société qu'il s'agit, même si le silence des media est assourdissant. Si l'on cherche une rubrique sur cette situation, on trouve tout de suite "Parents malveillants".

Aussi la tentation est-elle grande, pour ce(s) parent(s) abandonné(s), de se torturer et d'implorer l'enfant déserteur : "mais qu'est-ce que j'ai fait de mal?". On a rarement une réponse.

Alors, que penser de la multiplicité des cas dans notre société? L'écume d'une psychanalyse mal digérée et vulgarisée, selon laquelle on est forcément victime de son éducation? L'effondrement des dernières barrières morales ("Tu honoreras ton père et ta mère", formule biblique qui a longtemps, même laïcisée eu la vie dure)? Un individualisme exacerbé? Des crises d'adolescence repoussées à la trentaine?

Je suis pour ma part sortie du tourment et même plutôt bien puisque la détresse dans laquelle j'avais été plongée m'a amenée à rechercher activement -et à trouver!- un compagnon et que finalement, et tout aussi inexplicablement qu'il était apparu, l'effroyable rejet a en grande partie pris fin. Ceci n'éclairant pas forcément cela...

Mais je n'ai pas oublié tous les récits que j'ai partagés et que j'entends encore. Je lance cette petite bouteille à la mer : dites quelque chose, bon sang, ne laissez pas ces douleurs muettes, mettez des mots, analysez, bref, secouez le cocotier!

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