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Billet de blog 7 juin 2020

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Lille : un couple détruit par un mandataire cautionné par la justice

Un mandataire désigné par un juge des tutelles empêche un couple de se voir depuis cinq ans et demi, depuis que Françoise est tombée malade et qu'elle a d'autant plus besoin de Jean. C'est à Villeneuve d'Ascq. La justice reste sourde à cette séquestration. Une plainte avec constitution de partie civile est déposée et une instruction est ouverte à Lille. Mais Françoise est toujours isolée.

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Mise à jour 22/4/21 : aux dernières nouvelles, l'instruction va être close par un non-lieu. La juge d'instruction a refusé d'entendre Françoise et Jean, malgré la demande présentée. Françoise Delrue est toujours enfermée chez elle et privée de la possibilité de voir son conjoint Jean, notamment. Jean n'a plus de nouvelle de Françoise depuis des mois et est empêché d'en avoir. Il se ruine en procédures et perd sa santé. Est-ce ainsi que le justice pense rétablir la confiance dans l'opinion ? Ce n'est pas seulement une question de réforme. La question des mandataires soulève les mêmes critiques dans les procédures commerciales. La situation de Françoise Delrue soulève la question du grief à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment.

Françoise Delrue et Jean Leuridan se sont rencontrés il y a un peu moins de vingt ans. Ils s’aiment, ils voyagent, vont à des concerts, mènent une vie calme et heureuse et partagent un même bonheur à vivre ensemble dans le Nord, à Villeneuve d’Ascq.

(crédit photo)

Jean redouble d’affection pour s’occuper de Françoise quand la maladie commence à l'handicaper, jusqu’à ce qu’un juge des tutelles de Lille désigne un mandataire judiciaire.

Ce mandataire exclut Jean de la maison – Françoise et Jean ne sont pas mariés, mais cela ne suffit pas à justifier l'interdiction de venir - change les serrures et le numéro de téléphone, privant ainsi Jean de la possibilité d'appeler Françoise, remplace le neurologue, l’orthophoniste et les auxiliaires de vie. Il renvoie la société d’aide à domicile qu’avait choisie Françoise pour confier le contrat à une autre sans aucune raison objective. Il fait dresser une palissade entre la maison de Françoise et celles de ses voisins et amis.

Le mandataire accuse Jean des pires méfaits et les dénonce à la justice pour l’éloigner de Françoise.

Le procureur saisit la police et l’enquête conclut à des dénonciations mensongères. Le procureur, moins diligent que lorsqu'il s'agissait d'accabler Jean, ne poursuit pas le mandataire pour dénonciations calomnieuses.

Ce qui permet de maintenir un statu quo aberrant privant Françoise depuis plus de cinq ans de visite, de sortie, d’amis et d’affection malgré ses demandes et les conséquences de cet isolement sur sa santé.

Alerté, le juge des tutelles n'a rien fait rien pour rétablir François dans ses droits malgré son obligation de contrôle du mandataire. Il le laisse agir malgré les témoignages.

Les services sociaux de la mairie, le procureur de la République de Lille sont également alertés en vain. L’inertie des institutions couvre ainsi une privation de liberté arbitraire décidée par un mandataire. Incroyable. Comme s'il existait encore des lettres de cachet en France au 21°siècle.

Au-delà d'une telle régression, négation du Droit au fond, isoler une personne et la priver arbitrairement de l’affection de celui qu’elle aime comme de l’amitié de ceux qui vivent à ses côtés est un traitement inhumain parce que c'est lui infliger une souffrance, sans motif réel et sérieux et en connaissance de cause.

L'entrave et les obstacles à la vie privée et affective de Françoise et de Jean sont douloureux comme en témoignent les amis et voisins.

C’est donc enfermée chez elle, séquestrée, comme proscrite, privée de visite et de promenade que vit Françoise et qu’elle s’éteint dans l’ignorance des institutions et leur mépris du respect de la dignité humaine, principe matriciel des droits de l'Homme et socle intangible des sociétés démocratiques modernes.

Nonobstant le grief à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont les magistrats ont l'obligation positive d'en garantir l'efficacité ; cette abdication est symptomatique d'une dérive générale où la violence se décline et se banalise, qu'il s'agisse de violences institutionnelles ou de violences privées, au point d'en devenir insupportables et d'exaspérer l'opinion.

Ce que Françoise subit est pire que la prison, puisqu'elle est enfermée sans motif. Aucune infraction ni aucun jugement ne justifie une telle séquestration. Il n'y pas d'excuse. Ce n'est pas comme à Poitiers en 1901. Toutes les autorités sont informées : justice, préfet, maire, action sociale, ...

Cette atteinte au droit à la sûreté - un mandataire remplit une mission de service public - s’ajoute à l'abus d’une personne affaiblie maintenue arbitrairement dans l’isolement et l'obstacle à son droit de recevoir qui elle veut.

Un prisonnier a droit à des visites et des promenades. Pas Françoise.

Si on rejette l'idée d'une prison privée, clandestine, l'effet est équivalent à celui d'une prise d'otages ; une dame est maintenue enfermée chez elle depuis cinq ans (!), sauf qu'il n'y a étrangement aucune réaction de la justice pour la libérer.

L'inertie incompréhensible des institutions - pourtant saisies et alertées de cette situation scandaleuse - est fautive, inexcusable.

Les magistrats ont constitutionnellement l'obligation de garantir l'efficacité des libertés individuelles - c'est l'ordre public - et les libertés individuelles sont manifestement et durablement bafouées.

Les institutions ne peuvent pas persister ignorer de bonne foi cette séquestration funeste au moment même où leur inertie est condamnée pour la mort de Marina Sabatier par la Cour européenne des droits de l’Homme.

Que cela signifie-t-il ? Faut-il que Françoise meure, comme dans l'affaire Marina Sabatier ? L'inaction de la justice risque d'être mortelle alors qu'elle a pour office de réparer. Elle ne rend pas la vie perdue ni ne répare les blessures, d'où l'importance d'une réaction diligente, comme l'impose d'ailleurs le droit. Le délai raisonnable est très largement dépassé.

Face à l'inertie persistante qui fait obstacle au Droit, une plainte avec constitution de partie civile a été déposée et un juge d'instruction a été désigné.

Françoise est toujours retenue chez elle.

Il n'y a pas de fatalité, seulement des abdications.

Il appartient au juge d'instruction d'agir avec diligence, de prendre les mesures pour s'assurer que Françoise recouvre rapidement sa liberté et retrouve Jean, ses amis, sa vie, la vie qui lui a été volée pendant cinq ans.

Les articles déjà parus dans la presse :

Voix du Nord 25 octobre 2019 (pdf, 1.0 MB) Croix du Nord 7 juillet 2017 (pdf, 2.3 MB)

Saisine du ministère de la justice par le président de la République (restée sans réponse du garde des Sceaux) :

Réponse de la présidence de la République saisissant le ministère de la justice (pdf, 597.4 kB) © présidence de la République Saisine du président de la République par le comité de défense de Françoise Delrue (pdf, 914.4 kB) © Comité de défense de Françoise Delrue Lettre ouverte du comité de défense de Françoise Delrue " Nous accusons " (pdf, 54.9 kB) © Comité de défense de Françoise Delrue

Mises à jour :

Droits des majeurs protégés : quand seront-ils considérés par la Justice ?

Onze ans après l’entrée en vigueur de la réforme qui offre aux praticiens (juges et mandataires judiciaires à la protection des majeurs) les moyens de mettre en place une protection juridique sur mesure en faveur d’une plus grande autonomie des majeurs protégés : qu’en est-il ?

Retour sur certaines modalités du financement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs

13 janvier 2021

Le décret n° 2020-1684 du 23 décembre 2020 vient pallier l’annulation par le Conseil d’État d’une partie de l’article R. 471-5-3 du code de l’action sociale et des familles dans le cadre du financement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Le système choisi est celui d’une augmentation de la participation du majeur pour les tranches supérieures tout en organisant le remboursement des personnes concernées par l’annulation.

Décr. n° 2020-1684, 23 déc. 2020, JO 26 déc.

Europe 1

Jean ne peut plus voir sa compagne atteinte de sclérose en plaques et placée sous tutelle

EUROPE 1 SAISON 2020 - 2021 15h00, le 08 octobre 2020

Jean ne peut plus voir sa compagne placée sous tutelle depuis plusieurs années

EUROPE 1 SAISON 2020 - le 23 juin 2021

Pétition de soutien :

Pétitionà signer pour la défense du couple Françoise et Jean, privés de vie par un tuteur abusif 

France culture :

Mise sous tutelle : jusqu'où peut-on contraindre quelqu'un pour son bien ? 

En France, 800 000 personnes sont placées sous tutelle ou curatelle. Mais la proportionnalité des mesures, qui doit permettre d’évaluer le plus finement possible les besoins de la personne afin de respecter son libre arbitre et sa dignité, est-elle respectée ?

Prolonger :

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