Autour d’un jet privé, ils et elles ont érigé deux effigies géantes à l’image du chef de l’État et des ultra-riches. La scénographie les représente trinquant au champagne au-dessus d’une planète qui brûle. Une banderole « Les riches volent, notre avenir s’envole » a également été déployée. Avec cette action de désobéissance civile, les activistes dénoncent la responsabilité des ultra-riches dans la crise climatique et la complicité des gouvernements, quelques jours après le discours d’Emmanuel Macron au Parlement européen.
A l’heure de la crise climatique et sanitaire, les jets privés, possédés en moyenne par des fortunes de 1,3 milliard d’euros, dix fois plus polluants que les avions de ligne, vivent un âge d’or et ont vu leur usage augmenter de 20 % en un an [1] : cet usage statutaire démontre une irresponsabilité totale des ultra-riches face aux enjeux climatiques.
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A bord des superyachts, un séparatisme de grand luxe
Dans son ouvrage, Superyachts. Luxe, calme et écocide, le sociologue Grégory Salle dépasse la fascination ou la répulsion pour la plaisance de luxe et analyse comment ces navires de plus en plus longs reflètent le capitalisme contemporain.
Depuis le début de la pandémie, les premières fortunes de France ont doublé leur richesse. Alors que 10 % de la population a besoin d’aide alimentaire, les carnets de commandes de superyachts se remplissent, les vols en jets privés se multiplient.
Superyachts. Luxe, calme et écocide
Grégory Salle - Éditions Amsterdam, Paris, 2021, 176 pages
« Quoi de plus anecdotique que la plaisance de luxe ? », s’interroge faussement Grégory Salle. En tirant ce fil, c’est toute la pelote du capitalisme moderne qu’il dévide. On découvre que ces palaces sont loués de 225 000 euros à 1 million d’euros la semaine, consomment 2 000 litres de carburant à l’heure et font tourner une industrie qui pèse désormais 25 milliards de dollars. En deux décennies, cette flotte pour nababs a triplé. Tel un miroir grossissant, cette lubie de milliardaire révèle l’envolée des inégalités économiques, l’accélération du désastre écologique et l’impunité des puissants. L’auteur dessine les solutions pour y mettre fin : reconnaissance juridique de l’écocide, fermeture des paradis fiscaux, impôt mondial sur la fortune, avec l’écosocialisme comme horizon. En attendant, un tel gâchis suscite au moins des vocations de naufrageur ou encourage des mesures plus radicales, comme le suggérait dans un éclair de lucidité l’ex-avocat d’affaires Bill Duker, ancien propriétaire d’un bâtiment long de soixante-dix mètres (qui appartient désormais au roi du Maroc Mohammed VI) : « Si le reste du monde apprend ce que c’est de vivre sur un yacht comme celui-ci, on va ressortir la guillotine. » Olivier Moret