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Grande indécence politico judiciaire sur la tombe d'une infirmière

Elisabeth Borne ne peut pas s'exonérer et récupérer un drame en disant "Aujourd'hui, toute la communauté des soignants est en deuil et tout notre pays a le cœur serré" quand l'exécutif réduit les moyens des hôpitaux et notamment la psychiatrie. L'infirmière est d'abord décédée des conséquences de cette politique d'économies sur les soins qui fait des morts dans le service public.

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https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/direct-reims-la-secretaire-medicale-blessee-au-couteau-est-sortie-du-bloc-operatoire-et-va-mieux-annonce-le-ministre-de-la-sante_5844464.html

La mort de cette infirmière interpelle d'abord sur la responsabilité des politiques et leur action sur le résultat tragique que provoque leur réduction des budgets dans les hôpitaux, qui provoque des dysfonctionnements et empêche une prise en charge efficace des malades.

Cette question se pose au-delà du seul domaine de la santé publique, mais également dans tous les domaines, en matière de transports, d'environnement, de travail, d'alimentation, ...

La personne qui a tué l'infirmière est notoirement connue pour ses problèmes psychiatriques : « avait été mis en examen à Châlons-en-Champagne pour des faits de violences aggravées », mais qu’en raison de ses troubles mentaux, le juge d’instruction avait pris en juin 2022 « une ordonnance de transmission de pièces en vue de saisir la chambre de l’instruction de la cour d’appel pour qu’il soit statué sur une éventuelle irresponsabilité pénale, en raison de l’abolition de son discernement, et sur les mesures de sûreté susceptibles d’être prises ». Cette personne, selon le procureur de Reims, présente encore des « troubles sévères et fait l’objet depuis plusieurs années d’une mesure de curatelle renforcée. ». L'article 122-1 du code pénal exclut qu'il puisse être poursuivi : « n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Malgré l'évidence que pose le droit, l'individu privé de son discernement est poursuivi pour assassinat, ce qui suppose une préméditation ; alors que le procureur précise que le mis en cause « semble avoir agi sans mobile apparent ».  L'incohérence porte à s'interroger. N'est-ce pas se moquer du monde et tenter de détourner l'attention et l'émotion du public ?

S'il y a un coupable, un responsable, il n'est pas à chercher dans le chef de cette personne, mais chez celles et ceux qui promeuvent une politique d'économies budgétaires qui se paie par la mise en danger, voire la mort, des agents publics et des usagers des services publics. Car la disparition d'un service public efficace et de qualité impacte la sécurité des concitoyens.

Est-il alors honnête de poursuivre de mauvaise foi - car ce n'est pas la première infirmière qui se fait tuer par un patient - une telle politique au motif de faire des économies quand celles-ci provoquent, par ricochet, la mise en danger des personnels soignants et leur mort ? L'approche comptable qui fait fi des victimes qu'elle provoque est cynique. Son discours est une violence, sa politique de la violence institutionnalisée.

Elisabeth Borne a encore récemment demandé aux ministères de réduire leurs budgets de 5%. Le ministre de la santé a fait des économies en fermant des lits, des unités de soins, des hôpitaux, ... Mais à combien estiment-ils la vie d'une infirmière ? D'un travailleur ? D'un citoyen ? Une politique dont la priorité est comptable et se désintéresse des conséquences dramatiques prévisible montre le degré de mépris atteint pour l'humain. C'est caractéristique de la politique de gestion des réfugiés. Un laboratoire d'action publique du dédain qui s'applique dorénavant à tous les domaines, y compris aux libertés publiques, aux droits humains, aux droits sociaux, ...

La politique de mise à mort des services publics porte la responsabilité du drame de Reims, comme de tant d'autres. Cette politique de désengagement de l'Etat n'a pour objectif que de réduire les coûts par la destruction des actifs ou leur privatisation. La privatisation des autoroutes montre l'incohérence financière de ceux qui l'ont réalisée.  Le scandale Orpéa illustre ce que valent les services de soins privés. Des préfets, et des magistrats, savent se montrer plus diligents quand il s'agit d'interner des opposants. Ils savent aussi en manquer durablement, quand il faut faire cesser la séquestration d'une personne âgée depuis des années.

S'il y a des économies à faire, elles devraient l'être prioritairement sur les subventions aux investisseurs plutôt que sur la vie des électeurs. D'une infirmière, d'un travailleur, ...

Toutes mes condoléances à la famille de la victime, mes meilleures pensées et voeux de rétablissement à l'autre victime.

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