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Billet de blog 16 octobre 2013

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Stéphane Fratacci, du Casino à la chasse aux Rroms

L’Enarque Fratacci, élève la promotion « Liberté – Egalité – Fraternité ».  Enquête réalisée par Aurélie Beaussart, de L'union l'Ardennais, édition du samedi 29 novembre 2008

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L’Enarque Fratacci, élève la promotion « Liberté – Egalité – Fraternité ».  Enquête réalisée par Aurélie Beaussart, de L'union l'Ardennais, édition du samedi 29 novembre 2008

Aisne / Stéphane Fratacci bientôt entendu par la justice Le préfet s'est-il pris les pieds dans le tapis vert ?

De l'avis général, le préfet de l'Aisne est un homme réservé, voire austère. Ce haut fonctionnaire au parcours exemplaire se retrouve pourtant aujourd'hui au cœur de deux affaires judiciaires « explosives » dans le sulfureux milieu du jeu et des casinos. En tant qu'ancien directeur des Libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'Intérieur, il apparaît comme l'un des acteurs majeurs de ces dossiers, dont l'un au moins devrait lui valoir une prochaine convocation devant les enquêteurs.

À la préfecture de l'Aisne, service communication et directeur de cabinet sont au diapason : aucun commentaire relatif aux anciennes fonctions de Stéphane Fratacci.

Et, lorsque l'on tente, en marge d'une conférence de presse sur la délinquance dans l'Aisne, d'évoquer directement avec le préfet les dossiers judiciaires qui le concernent, il sort rapidement de la réserve qui sied à son rang de haut fonctionnaire de l'État. L'index menaçant pointé vers son interlocuteur, il assure : « Je suis serein et je saurai faire respecter ma présomption d'innocence… », avant de tourner les talons…

Difficile en effet pour cet énarque et conseiller d'État au parcours exemplaire de voir son nom apparaître dans la rubrique « faits divers », aux côtés de « people », de banquiers suisses, de proches du chef de l'État ou même de figures de la pègre marseillaise ! C'est pourtant le cas, dans deux instructions en cours, deux histoires rocambolesques liées au milieu du jeu : l'affaire du casino de Gujan-Mestras et l'affaire du Cercle Concorde.
L'affaire du casino de Gujan-Mestras. Dans les deux cas, M. Fratacci est concerné en tant qu'ancien directeur des Libertés publiques et des Affaires juridiques du ministère de l'Intérieur. Un poste clef auquel ce Monégasque d'origine fut nommé en 2001 par le gouvernement Jospin et qu'il occupa jusqu'en juin 2007, avant d'être nommé préfet de l'Aisne.

Parmi ses nombreuses attributions d'alors, et certainement l'une des plus délicates : le contrôle des casinos et des cercles de jeux (lire ci-contre). C'est cette compétence qui, selon plusieurs proches du dossier, devrait l'amener à être entendu prochainement par la justice…

Premier dossier, celui qui le concerne le plus directement, l'affaire du casino de Gujan-Mestras. En mars 2007, un petit casino indépendant du bassin d'Arcachon, le casino du Lac de la Magdeleine à Gujan-Mestras, dépose plainte pour « favoritisme », une plainte qui vise indirectement Nicolas Sarkozy alors ministre de l'Intérieur, son directeur de cabinet, Jacques Gerault, son directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, Stéphane Fratacci, et son responsable des jeux Bernard Magniny.
Pour la première fois depuis les débuts de la Ve République, le 17 septembre dernier, dans le cadre de l'instruction ouverte, la doyenne du pôle d'instruction financier, la juge Françoise Desset, accompagnée des policiers de la BRDE (Brigade de répression de la délinquance économique) perquisitionne le ministère de l'Intérieur. Un seul service est passé au peigne fin durant deux heures, la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ). Dans l'ancien bureau de Stéphane Fratacci, plusieurs dossiers sont saisis, qui concernent le marché des jeux dans le Sud-Ouest de la France.

Frédérique Ruggierri, la casinotière qui a porté plainte, accuse la place Beauvau d'avoir protégé les intérêts des deux poids lourds du secteur, les groupes Barrière et Partouche, au détriment de son petit établissement.

Une décision surprenante

En janvier 2002, le maire UMP de Gujan-Mestras décide de se doter d'un casino. La société immobilière de Frédérique Ruggieri (Socodem) emporte l'appel d'offres contre les groupes Lucien Barrière (qui possède un casino à Bordeaux) et Partouche (casinos d'Arcachon et Andernos). La demande d'autorisation d'ouverture est envoyée par le préfet de région à la Direction des libertés publiques. Refus ministériel notifié en janvier 2005, « en raison de la saturation de l'offre locale de jeux résultant de la présence de casinos implantés autour du bassin d'Arcachon à proximité de Gujan-Mestras, et de celle du casino de Bordeaux doté d'un important parc de machines à sous », écrit Stéphane Fratacci.

Une motivation surprenante, car si la loi confie au ministère de l'Intérieur le pouvoir discrétionnaire d'autoriser ou non l'ouverture d'un casino, il ne peut se fonder que sur un seul critère : l'ordre public. Saisi en référé, le tribunal administratif de Bordeaux note l'anomalie, évoque une « atteinte à l'égalité de traitement des candidats à l'exploitation des jeux », constate qu'il s'agit « d'une décision prise en vue de protéger les casinos existants contre la concurrence » et enjoint le ministère de réexaminer le dossier dans les trois mois. L'État est aussi condamné à payer des dommages et intérêts.

Pourtant, l'ouverture est à nouveau refusée en juin 2005. Là encore, la décision est signée par Stéphane Fratacci. Finalement, après un an et demi de bataille acharnée, Nicolas Sarkozy autorise l'ouverture en novembre 2005, sans qu'aucune nouvelle pièce n'ait été apportée au dossier de demande d'ouverture.

« Aucune base légale »

 Deuxième épisode et nouvelle surprise, en juillet 2006, lors de la demande d'installation de machines à sous. Le ministère autorise l'exploitation de cinquante « bandits manchots », mais à partir du mois d'octobre, après la saison estivale. Le tribunal administratif est de nouveau saisi en référé : non seulement l'arrêté du ministère de l'Intérieur est suspendu, ne reposant « sur aucune base légale », mais le tribunal administratif autorise immédiatement l'exploitation.
Troisième conflit en mars 2007 : le casino de Gujan-Mestras demande à agrandir son parc de machines à sous. M. Fratacci notifie un nouveau refus ministériel, toujours en raison d'une offre excessive de jeux, alors même que la Gironde est sous-équipée par rapport aux départements voisins. C'est alors que la plainte est déposée.

« Ce casino a été lésé par plusieurs décisions ministérielles, anormalement défavorables et à chaque fois cassées par le tribunal administratif, alors que durant la même période les demandes des casinos voisins étaient acceptées », explique Me Xavier Flécheux, l'avocat de Mme Ruggieri. Lors de l'enquête préliminaire, le ministère a fourni quelques documents. Ce qui est surprenant, c'est qu'à chaque fois les rapports sur le terrain étaient tous positifs, mais les rapports de synthèse de la Direction des libertés publiques étaient négatifs. La Commission supérieure des jeux (CSJ) a suivi les rapports de la DLPAJ, et le ministère a suivi les avis de la CSJ. »

Depuis le dépôt de plainte, le tribunal administratif a une nouvelle fois suspendu un arrêté ministériel en défaveur du casino girondin, en émettant encore des doutes sur la légalité et le bien-fondé des avis du ministère de l'Intérieur.

Pour l'avocat parisien, « le constat objectif du dossier, c'est que ce petit casino a été plusieurs fois victime d'irrégularités administratives. Ce n'est pas moi qui le dis, mais le tribunal administratif de Bordeaux, la question importante est de savoir pourquoi. Je ne crois pas au hasard, ou à la succession de coïncidences étonnantes. »


L'ombre du président Sarkozy

Depuis la mi-septembre, la BRDE étudie les documents saisis dans l'ancien bureau de Stéphane Fratacci, ceux concernant le casino de Gujan-Mestras mais aussi, sur la même période, les demandes faites par les casinos concurrents détenus par les groupes Barrière et Partouche. Des membres de la CSJ ont déjà été entendus. Stéphane Fratacci devrait l'être à court ou moyen terme : « Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement, ne serait-ce qu'en tant que témoin. Il sera entendu par les policiers, à moins que la juge Desset décide de l'entendre directement dans l'affaire », explique Me Flécheux.


Car une question semble tarauder les enquêteurs : pourquoi et comment un fin juriste comme Stéphane Fratacci a-t-il pu accumuler autant d'erreurs manifestes dans les actes de procédure ? Faut-il croire à la piste des « amis du Président » ?

Le patron du casino de Bordeaux est Dominique Desseigne, du groupe Barrière, qui possède le Fouquet's et qui fait régulièrement son jogging avec le Président de la République. Quant au casino d'Arcachon (Partouche), son conseil d'administration est présidé par Enrico Macias, dont on se rappelle qu'il chanta place de la Concorde le soir de la victoire présidentielle. Enfin, jusqu'en 2007, Nicolas Sarkozy aimait prendre ses quartiers d'été dans le bassin d'Arcachon… D'autres proches de l'enquête n'hésitent pas, eux, à évoquer une autre forme d'amitié et d'entraide, celle qui unit les membres de la franc-maçonnerie, omniprésents place Beauvau.


Dans le second dossier épineux, où le nom de Stéphane Fratacci est à maintes reprises cité, le scandale du cercle de jeux Concorde (lire ci-contre), la situation est quasiment inversée. « Il a autorisé l'ouverture du cercle de jeux alors que tous les feux étaient rouges sur le terrain », explique un proche de l'enquête.


Enquête réalisée par Aurélie Beaussart. Publié le samedi 29 novembre 2008. L'union l'Ardennais

Le pédigré du Préfet :

 01-01-1987  Élève de l’ENA (Promotion « Liberté – Egalité – Fraternité »).

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