Le débat parlementaire sur la loi « pour une école de la confiance » a retrouvé les accents des vieilles recettes populistes du « retour à l’ordre ». Le fantasme décliniste a envahi les bancs de l’assemblée et incité à une multitude d’amendements qui ne se préoccupent nullement de définir les lignes majeures d’une action publique d’éducation nationale ambitieuse pour ses élèves mais s’entêtent dans une reprise en main idéologique, autoritaire et réactionnaire.
Le ton a sans doute été donné par l’article 1. D’aucuns ont beau nous assurer qu’il ne vise en rien la réduction du droit d’expression des personnels mais quelle serait alors sa réelle motivation ? La volonté de légiférer sur l’obligation de réserve n’est pas une invention des détracteurs de l’article 1[1]. La stratégie est clairement autoritariste au mépris de l’équilibre construit par la loi de 1983 qui avait pourtant largement fait ses preuves.
Le ton était donc donné d’une reprise en main idéologique, d’un « retour à l’ordre » dans lequel une véritable hystérie d’amendements réactionnaires s’est engouffrée. Prenons l’exemple de celui[2]qui donne au chef d’établissement le pouvoir de contrôler que l’enseignant porte une tenue conforme à l’autorité qu’il doit inspirer … Peut-on penser un instant qu’une telle proposition puisse produire autre chose que de l’autorité arbitraire qu’aucune norme objective ne pourrait venir réguler ?
On peut faire une longue liste qui va de l’uniforme pour les élèves, à la présence du drapeau et de la carte de France dans chaque classe, en passant par l’imposition de la méthode syllabique, le renoncement à l’éducation à l’égalité hommes-femmes, le salut matinal du drapeau, l’éducation obligatoire à l’entrepreneuriat, l’histoire au service du roman national ….
« Des racines et des ailes » a dit le ministre en ouvrant le débat.
Les racines, elles s’inscrivent dans une adhésion obéissante là où nous devrions avoir la volonté de construire une citoyenneté éclairée par les savoirs et le jugement critique, donc une citoyenneté libre… Qui pourrait croire qu’une telle ambition procède de la présence d’un drapeau en classe ? Qui pourrait se satisfaire aujourd’hui que soit confondue la connaissance historique, géographique, culturelle de la France avec l’attachement nostalgique à une carte affichée au mur.
Et les ailes ? Ce ne seront manifestement pas celles d’une action publique éducative qui serait déterminée à fonder l’égalité sur une culture commune partagée, sur la démocratisation des savoirs et l’élévation générale du niveau des connaissances. Au-delà d’une communication aux accents de justice sociale, rien de tout cela dans la réalité des projets. La scolarisation obligatoire en maternelle qui veut se donner les accents de la démocratisation produira l’inverse car au prétexte d’un meilleur accès à l’école maternelle, on va financer l’école maternelle privée et donc davantage favoriser la ségrégation sociale et ses effets inégalitaires[3]. Et ni le projet de réforme de la formation des enseignants, ni celui de l’évaluation des établissements ou de l’assouplissement des conditions de l’innovation ne portent cette volonté de démocratisation. Ils restent obsédés par le contrôle, la reprise en main, l’autoritarisme, le « retour de l’ordre ». En 2016, Jean-Michel Blanquer affirmait qu’Espérance Banlieues constituait un modèle qui convenait de suivre pour les écoles publiques comme privées[4]… L’alliance dont il vient de faire preuve, en soutenant certains amendements de la droite la plus réactionnaire, témoigne qu’il ne s’agissait pas d’un enthousiasme de circonstance mais d’un véritable projet. Un projet qui fonde ses racines dans un « retour à l’ordre » et renonce à ses ailes par une absence complète de mesures effectivement capables de soutenir la démocratisation des savoirs.
[1]Voir étude d’impact
[2]Voir amendement 124
[3]Paul DEVIN, Quand l’obligation scolaire renonce à sa finalité égalitaire...Regards croisés, n°28, décembre 2018 voiren ligne
[4]Voir vidéo en ligne