Les données concernant les concours de recrutement des enseignants commencent à être connues.
Dans certaines disciplines et dans certaines académies, le nombre de candidats admissibles est largement inférieur au nombre de postes ouverts au recrutement.
Dans le premier degré, dans l’académie de Créteil, il y a un candidat admissible pour deux postes. Dans celle de Versailles, c’est encore pire et même l’académie de Paris généralement plus attractive aura cette année un nombre d’admissibles inférieur au nombre de postes.
Dans le second degré, certaines disciplines (allemand, mathématiques) connaissent les mêmes résultats et la situation est particulièrement critique en mathématiques.
Deux conséquences quantitatives évidentes :
- Tout d’abord, celle d’une rentrée particulièrement catastrophique qui laissera des élèves sans professeurs.
- Ensuite, celle d’une difficulté accrue à pouvoir remplacer les enseignantes et enseignants en congé maladie.
Mais aussi des conséquences qualitatives :
- Face à une telle pénurie de recrutement, les concours voient diminuer leurs exigences. Pour réussir à compenser le déficit, on accepte des candidats dont les difficultés ne seront pas compensées par la formation qui s’est vue fortement réduite.
- Le déficit de poste rendra impossible l’organisation de la formation continue du fait de l’absence de remplaçants.
Et ce sont les académies où les besoins sont les plus importants qui pâtiront davantage de cette carence alors que ce sont celles qui auraient besoin de meilleurs taux d’encadrements compte-tenu de la réalité sociale des élèves.
Enfin, ce déficit est un cercle vicieux puisque les disciplines et les territoires qui seront les plus fortement déficitaires connaîtront une dégradation des conditions de travail des enseignantes et des enseignants qui rendront le métier encore moins attractif et où les démissions seront les plus nombreuses.
Face à cette crise qui connaît une ampleur jamais atteinte, le ministère continue à tenir un discours de défense de sa politique qui assure que tout cela est parfaitement maîtrisé et anticipé. La réalité est que si tout le monde connaît depuis plusieurs années le problème du manque d’attractivité des professions enseignantes, personne n’avait pensé que de tels chiffres seraient atteints.
Comment les expliquer ?
Tout d’abord par la faiblesse d’attractivité salariale des métiers de l’enseignement. Les salaires français sont faibles comparativement à la plupart des pays de l’OCDE et leur blocage a entraîné une érosion forte du pouvoir d’achat.
Mais à cette raison structurelle, s’ajoute l’image désastreuse des conditions de travail qui résultent de la politique de Jean-Michel Blanquer. Sa gestion erratique des protocoles sanitaires COVID, sa stratégie autoritariste, son déni permanent des difficultés… tout cela associé à un discours ressenti comme méprisant … ne peuvent guère rassurer celles et ceux qui s’interrogent sur le choix des métiers de l’enseignement. Quant aux promesses sur la revalorisation salariale, il aurait fallu qu’elles se concrétisent plus solidement pour qu’elles fassent naître une attractivité nouvelle.
La perspective de pouvoir compenser ces manques par le recrutement de contractuelles et contractuels se heurtera dans les académies déficitaires à la même crise d’attractivité. Et pour la compenser, il faudra encore baisser les exigences de recrutement, ce qui aura un effet qualitatif des plus inquiétants sur la qualité des enseignements et donc sur la réussite des élèves.
La crise que nous connaissons est une crise majeure qui deviendra au fil des années de plus en plus difficile à résoudre. Aux termes du «quinquennat» ministériel de Jean-Michel Blanquer, le bilan est clair. Son ambition d’une «école de la confiance» telle qu’il nous la promettait, est un échec cuisant. Mais nous savons déjà que, jusqu’au dernier moment, ses propos tenteront encore de rassurer sur une maîtrise totale de la situation. A ce niveau, cela devient une insupportable propagande qui tente désespérément de masquer la réalité d’une politique qui n’a cessé de fragiliser le service public d’éducation, aux mépris des conditions de travail des enseignants et de l’ambition d’une démocratisation des savoirs et des qualifications.
Jean-Michel Blanquer veut que l’histoire retienne son oeuvre. Elle le fera sans doute mais elle se souviendra de lui comme d’un fossoyeur.