13 avril 2020
Quand la caméra s’éteint, le président se tourne vers son épouse. Elle fait un signe d’approbation. Il sourit. J’ai compris. Je ne ferai plus les mêmes erreurs. Il se lève et l’enlace. Je suis si fière de toi, mon chéri. Nous devons protéger et aider les plus faibles, dit le président, c’est le rôle de l’État. La tête contre sa poitrine, Brigitte ferme les yeux.
Le lendemain, après une nuit passée en méditation, le président appelle Bernard Arnault. Très beau discours hier soir, on y aurait presque cru. Il faut y croire, Bernard, c’est fini les conneries. Ha ha, sacré Manu. Je rigole pas, Bernard, et il raccroche. Il ferme les yeux. Il sait que ce sera difficile, mais il ne renoncera pas.
Il convoque le préfet de police de Paris. On ne peut plus continuer comme ça, Didier. Cette répression… c’est horrible. Mais, monsieur le président, l’ultra-gauche… L’ultra-gauche a peut-être raison ! crie le président en se levant. Le préfet se renfonce dans son fauteuil. Excuse-moi, Didier, je n’aurais pas dû crier. Le président s’approche du préfet et lui prend la main. Il faut qu’on change, Didier. Monsieur le président, je ne sais pas si j’en aurai la force… Si, Didier, il le faut. Il pose sa main sur la joue du préfet, qui ferme les yeux.
Dans la rue, il lève les yeux au ciel. Un avion militaire passe. Il faut que je parle à Serge. Vendre des instruments de mort, non… D’un balcon, une voix l’interpelle. Monsieur le président, c’est beau ce que vous avez dit. Il remercie, les mains jointes. Une larme coule sur sa joue. C’est ça qui me donne la force. C’est pour vous que je me bats. Il ferme les yeux pour ne pas pleurer.
Sur une place, un homme crie sur sa femme avec de grands gestes. Arrêtez, je vous en prie, dit le président en s’approchant. Mais cette connasse. Mais je vous jure que. J’en peux plus de. Je sais que c’est difficile, dit le président, mais nous devons être unis. Il m’a frappée, dit la femme. Le président regarde l’homme calmement. C’est vrai, ça m’a échappé… Il dit ça, mais ça lui arrive tous les jours. Le président pose sa main sur l’épaule de l’homme. Ce n’est plus possible de continuer comme ça. Je sais, dit l’homme, je… Excuse-moi, Christiane, je… Je te demande pardon. Il ferme les yeux, plein de repentir.
Une foule commence à s’agglutiner autour de la scène. Un agent de police s’approche de la femme. Nous pouvons vous proposer du soutien psychologique. Le président tourne sur lui-même pour prendre la mesure du peuple qui se rassemble. Un identitaire se tient bras dessus bras dessous avec un migrant. Un vieux catholique embrasse son voisin sur la bouche en lui caressant les fesses. Un israélien demande pardon à un palestinien. Des policiers de la BAC jouent à la marelle avec des jeunes des cités. Des colombes viennent se poser sur des rameaux en fleurs. Le président ferme les yeux et inspire profondément.
Sur les écrans, Donald Trump déclare qu’il va ratifier le protocole de Kyoto. Angela Merkel propose le concept de solidarité libre et non faussée. Xi Jinping annonce la formation de communes autogérées. Des milliers d’actionnaires donnent leurs parts à des associations caritatives. Ruth Elkrief lit des extraits de Kropotkine en direct. L’État islamique se transforme en structure d’aide aux plus démunis. Des malgaches rapportent avoir vu des dodos. La tête posée contre la poitrine d’Alain Finkielkraut, Dieudonné soupire de contentement, ferme les yeux et s’endort. Je t’aime, murmure Alain en éteignant la télévision.
Dans les jardins de l’Élysée, le président passe de tente en tente : pour l’instant, nous n’avons que ça, mais des immeubles sont en construction, dit-il aux sans-logis. Merci, monsieur le président. Appelez-moi Emmanuel. Leurs yeux se croisent en un regard intense. Je ne vous abandonnerai pas, dit le président. Je ferai ce que j’ai dit, quoi qu’il en coûte. Une vieille femme lui embrasse le front. Merci, Emmanuel. Il ferme les yeux.
Le président et son épouse font l’amour. Fais-moi un enfant, Emmanuel. Oh oui. Je veux le voir grandir dans ce nouveau monde que nous construisons. Oui. Je me sens fertile à nouveau. Oh, merci, Brigitte… Ils atteignent l’orgasme en même temps, s’écroulent l’un contre l’autre, ferment les yeux et s’endorment.