L’individu est il condamné à ce point qu’il ne vend plus chèrement sa peau, qu’il abandonne son âme aux plus offrants, jugeant sans doute qu’il n’est plus que jamais qu’un grain de poussière sur cette terre, soumis aux aléas des plus puissants et des plus grands. La montée en puissance des réseaux sociaux et des moteurs de recherche est bien caractéristique de ce phénomène récessif, ces groupes devenus ultra puissants savent parfaitement exploiter les 3 dimensions, quantitative (moutonnière), qualitative (1 profil égal 1 valeur potentielle), et notoriété (les égos sont flattés). L’offre technologique ne fait que répondre à un besoin individuel puissance huit. Si Google et Facebook bénéficient de tant d’admiration aujourd’hui, c’est en grande partie parce que les peuples (internautes), dans un semblant de mouvement bottom-up, ont un sentiment d’exister comme jamais auparavant ; chacun se croit libre dans un monde toujours plus clos, alors on se rassure comme on peut en diffusant son profil sur la toile et en « chatant » sur Skype. Cependant, la gratuité est un modèle qui n’est pas à somme nulle pour tout le monde. Ceux qui souhaitent en vivre n’ont qu’à bien se tenir et le droit d’entrée à un prix qui augmente au fur et à mesure que croit le gâteau. Les sociétés qui opèrent dans les écosystèmes de Google et de Facebook sont « nourries » et protégés par ces deux géants sur un mode Top down, tandis que vagabondent sur la toile des profils de millions d’individus lambda devenus à leur insu les dindons de la farce.
Le marketing est ainsi fait qu’il laisse apparaitre un désir d’appartenance et de reconnaissance. A chacun sa révolution ! Alors que les séniors se réjouissent d’être « dans le coup » en tentant de copier les comportements internautes de leurs rejetons, les plus jeunes pensent tenir le graal de la liberté d’entreprendre. A vrai dire, cette révolution n’est pas seulement technologique mais sociétale. La numérisation à outrance des us et coutumes ne fait que déprécier irréversiblement la valeur travail la plus reproductible de chacun, au point de révéler au grand jour la grande fragilité de l’être humain, dans ce qu’il à de moins complexe et unique. En ce sens, Internet en est l’outil fondateur le plus abouti à l’échelle du globe certainement même un révélateur d’un contexte récessif majeur. Lorsque Chris Anderson, le rédacteur en chef de Wired annonce en 2008 que : « La constante diminution des coûts de production de l’économie numérique incitera bientôt la plupart des entreprises à donner la majorité de leurs produits”, on peut s’interroger sur la place de chacun dans l’entreprise et la société à l’aune du tout gratuit. Bien entendu les industries culturelles sont les environnements aujourd’hui les plus vulnérables car les plus reproductibles, mais seront menacées à court terme toutes les fonctions de service dés lors qu’on continuera à décoter la valeur humaine au profit des objets et des performances objectives; le cartésianisme a de beaux jours devant lui !
Les plus idéalistes y verront un espoir dans leur lutte contre la compétition à tout va, les plus lucides comprendront qu’au contraire, celle-ci sera décuplée comme jamais, expulsant du jeu ceux qui n’auraient pas bien digéré les règles de fonctionnement. Le scénario catastrophe serait que l’acte gratuit devienne à son tour une long tail, qui emporte sur son passage ; prenez la recherche d’emploi, bien que s’inscrivant dans un champ contraint offre/demande, l’acte de séduction réciproque et gracieux gagne visiblement du terrain au moins au sujet des postes les moins qualifiés. Imaginons un instant un employeur demander à un candidat l’exercice d’une période d’essai gracieuse, y aurait il une levée de bouclier universelle ? Je ne pense pas.
Le modèle Facebook ou Linked In se généralisera très bientôt dans toutes les strates de la vie économique au point ou un acte gratuit plus ou moins contraignant précèdera toujours un acte payant, la compétition placera aux avants postes ceux et celles qui auront fait dons de leurs actes gracieux au cours d’une période probatoire plus ou moins longue. Qu’on ne s’y trompe pas, la vague annoncée de la gratuité n’est pas un signe avant coureur d’un quelconque élan vertueux planétaire, il est un reflexe de défense naturel et un acte de résistance qui pourrait devenir à n’y prendre gare, un acte de servitude volontaire. Que monsieur Etienne de la Boétie repose en paix, les nouveaux tyrans sont de retour !