Professeur de Philosophie, Michel Onfray aurait pu le rester toute sa vie, au prix de solutionner ses pulsions et ses névroses au filtre des étudiants en herbe et d’un modèle d’enseignement éprouvé, rassurant, logique et formaté. Après tout, le plus dur a été couché sur papier bien avant lui, l’enseignement philosophique se pratique désormais bien plus au travers les synthèses qu’au travers les faits et comportement réels. Lorsqu’il s’est plongé dans les tenants et aboutissants de la littérature philosophique, Michel Onfray cherchait des réponses au destin qui lui était soumis or soumis il s’est juré de ne jamais l’être au prix de ne pas jouir des effets induits de l’autorité et des organisations sociales. Lorsqu’on cherche, on trouve, et en 25 années, Michel Onfray a débusqué beaucoup de contre vérités devenant au fil du temps sa contre histoire ; il s’est forgé ainsi une notoriété de proximité singulière auprès des classes moyennes et des classes populaires et pour cause, il leur a permis d’accéder à un univers que les élites rendaient infranchissables par dessein, qu’illustre parfaitement un enseignement philosophique très cadenassé et peu propice aux sauts de verrous idéologiques. Fidèle passeur, il ne l’est plus depuis longtemps et à la manière d’un archéologue qui gratte imperturbablement son fossile, Michel Onfray passe son temps à retourner le matériau philosophique, ouvrage après ouvrage et page par page, le plus en amont possible des sources disponibles. Ce profils de chercheur est le plus redoutable et le plus redouté car il détricote des acquis de connaissance, retourne les convictions les plus intimes, et in fine réinitialise nos modes émotionnels. En cela, c’est tout bénéfice pour les plus démunis intellectuellement car ils partent souvent d’une feuille blanche, vierge de préjugés philosophiques. Ses détracteurs argueront « qu’il enfonce des portes ouvertes » ou « qu’il extrapole facilement » et « relie les briques entre elles sur la base d’un fondement intuitif », son enseignement décomplexé bouleverse en tout cas le microcosme Parisien et interpelle un grand nombre d’intellectuels.
« Il est nécessaire de lier le texte au contexte », répète inlassablement cet épistémologue rigoureux et consciencieux et cette maxime s’applique bien entendu à lui-même. Parce que la philosophie fut sa bouée de survie pendant ses années de pensionnat, son modèle de reconversion est trop bien huilé pour se priver de distribuer aujourd’hui les bons et les mauvais points, fut ce au prix de classer les philosophes par ordre de mérite selon qu’ils ont baigné au pas dans la facilité d’accès à l’apprentissage. En décryptant très tôt le code dialectique et épistémologique de « La science des sciences », Michel Onfray s’est hissé au niveau des meilleurs philosophes de sa génération sans pour autant obtenir une reconnaissance de ses pairs, Pire ! Il se permet de retourner les tombes des plus célèbres afin de rétablir la vérité historique des faits, des dires et des processus d’interprétation. Sa méthode est implacable et sa démonstration intellectuellement sérieuse. Lire, relire, replacer les auteurs dans leur contexte de l’époque, interpréter, détailler, décrypter les textes dans leur complexité, ne jamais se perdre dans une relation dominé/ dominant, ne jamais se faire imposer la vérité des élites, contester, vérifier, démontrer, sont sa gymnastique quotidienne. Son intuition est perçante parce que sa rage de vivre est puissante, alors bien entendu il excelle dans le jeu de piste du raisonnement philosophique, Gare à ceux qui ont tutoyé de prés les princes, ou ceux qui ont interpellé le sacré pour accomplir leur parcours de vie, ceux là font l’objet d’un contrôle longitudinal, aucun écrit masquant de lui résiste, la chasse a l’imposture ou a l’inauthentique est d’autant plus sévère que l’auteur pourchassé à bénéficié d’une notoriété trop grande à son goût eut rapport de la portée des livrables mais aussi du niveau de critiques portées par les historiens. Michel Onfray est un empêcheur de tourner en rond qui n’apaise pourtant pas tous ses lecteurs car à défaut de vous aider à écrire votre propre Story telling, il vous oppose la remise en question permanente et le bouleversement des ordres établis, moraux, religieux, culturels. Je ne conseillerais pas Michel Onfray à ceux qui ont été formatés intellectuellement depuis leur plus jeune âge, dans les universités ou leurs univers familiaux, ceux là sont les plus vulnérables alors qu’ils sont souvent les mieux dotés, les mieux encadrés culturellement. Je me souviendrais toujours de cet ami Aixois, âgé de 60 ans, ex. Science Po. petit fils d’une famille bourgeoise, nous discutions au sujet de ce philosophe, après avoir épuisé ses arguments les plus objectifs, il m’avoua avec dépit mais d’une extrême honnêteté, que lire cet auteur était « douloureux » et qu’il craignait d’être « dégommé » psychologiquement. Michel Onfray contrairement à quelques illustres défunts, ne se prend pas pour un génie surdoué manipulant les mots pour mieux manipuler ses supporters. Messieurs les intellectuels, ne confondez pas contre histoire et théorie du complot ! L’amalgame est habile mais l’objectif malhonnête. Michel Onfray ne restera peut-être pas dans l’histoire au sens d’un explorateur de nouveaux concepts philosophiques ; Un vulgarisateur hors norme, certainement ! Un traducteur-interprète honnête et rigoureux, sans doute ! Un contestataire éclairé bien évidemment !