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Billet de blog 21 avril 2020

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Internet: le nouvel esclavagisme américain ?

« Les nations sont supplantées par des cyber‐empires. Actuellement, le cyber‐empire américain règne et deux autres prétendent accéder à ce statut, chacun à sa manière : le chinois et le russe. » L'Europe patauge entre eux en attendant d'être mangée par l'un et/ou l'autre. « Comment la dévorer sans qu'elle ne s'en aperçoive » avait l'habitude de blaguer un ami russe. (Réactualisé le 22/2/21)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

A)  Domination médiatique américaine, ses conséquences politiques et économiques.

B) Soumission des médias traditionnels aux GAFAM.

C)  Flicage permanent impliquant d'énormes gaspillages d'énergie et de matières, donc des pollutions largement sous-estimées.

A)    Domination médiatique américaine, ses conséquences politiques et économiques.

« Les nations sont supplantées par des empires, des cyber‐empires. » « Actuellement, le cyber‐empire américain règne et deux autres prétendent accéder à ce statut, chacun à sa manière : le chinois et le russe. »

L'empire cybernétique américain n'hésite pas à se servir de la puissance gigantesque que la maîtrise de l’Internet et l'espionnage généralisé des citoyens, des industries et des organes de pouvoir lui confèrent.

1) « Le 8 octobre 2019, l’entreprise informatique américaine Adobe a fermé tous les comptes de ses clients au Venezuela, laissant ainsi, soudain, des milliers d’utilisateurs sans accès à Photoshop, le principal logiciel de retouche photographique et à Acrobat Reader que nous connaissons pour les documents en PDF. »

2) Le 15 mai 2019, le Département du Commerce des États‐Unis plaçait Huawei sur la liste des entreprises susceptibles de mettre en péril la sécurité nationale. Dans la foulée, Google, Qualcomm, Intel et Broadcom interrompaient leur relation avec Huawei. Huawei est ainsi privé, pour ses futures ventes de terminaux, d’Android, le premier système d’exploitation mondial pour mobile et de ses services associés : YouTube, Maps, Gmail ainsi que de la plateforme d’applications : PlayStore. (…) Du jour au lendemain, les logiciels, les systèmes d’exploitation, les processeurs et autres équipements informatiques d’une nation peuvent être suspendus par une autre.

3) Le 12 décembre 2019, Google a interrompu l’accord de nouvelles licences Android aux smartphones commercialisés en Turquie. Cette privation fait suite à un conflit entre Google et les autorités turques qui souhaitent l’ouverture d’Android à d’autres moteurs de recherche et services que ceux de Google … Android représente 80 % du parc de mobiles en Turquie. »

« En Allemagne, 96 % de la fonction publique dépendent des suites Microsoft Office et 69 % des services de l’administration stockent leurs données sur les serveurs de cette belle entreprise. Le secteur privé n’est pas en reste : 80 % des principales entreprises du CAC 40 en France et du DAX allemand utilisent l’excellent Amazon Web Services. Cette subordination, volontaire ou par défaut, est incompatible avec notre souveraineté numérique. »

« N’oublions pas que les machines et services de nos amis américains sont soumises au Patriot Act qui donne à leurs agences de renseignement un accès sans mandat à toutes les données transitant, traitées ou stockées par des sociétés américaines et leurs filiales, quel que soit leur territoire d’implantation. S’y est ajouté récemment le Cloud Act qui étend cette faculté aux institutions judiciaires et policières américaines. Nous voilà, de facto, sous droit américain. »

« La course chinoise a trouvé son envol par la captation tous azimuts de la propriété intellectuelle occidentale (comme ces choses sont joliment dites...) , elle cherche aujourd’hui à garantir son autonomie en développant ses propres ressources. D’ici 2022, l’administration chinoise devrait avoir supprimé tous ses logiciels étrangers et les forces armées travaillent à se doter de leur propre système d’exploitation pour remplacer Windows. »

« La Russie, plus vaste pays du monde, mais avec le PIB de la Corée du Sud, a les plus grandes difficultés à se constituer en cyber‐empire. Elle s’est pourtant engagée dans cette voie en privilégiant deux axes : l’autarcie et l’offensive. L’autarcie, par la capacité à se couper volontairement du reste du réseau mondial (…) Pour ce faire, elle établit un système d’adressage alternatif, se substituant à l’actuel sous contrôle américain, rapatrie toutes les données sur le territoire russe et centralise les interconnexions des fournisseurs d’accès nationaux. »

«  Quant à l’offensive, il n’est pas un jour sans qu’il soit fait état d’une attaque provenant, selon toute vraisemblance, de Russie. Le 14 octobre 2019, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a pointé la montée des menaces cyber contre son organisation et a cité un seul acteur étatique agresseur : la Russie. »

« Notre Europe est restée, à bien des points de vue, sidérée par le développement du réseau. (…)

Elle a compris trop tard qu’Internet ne vient pas s’ajouter au monde que nous connaissons, il le remplace.  (…) C’est ainsi que nous avons choisi la subordination, la provincialisation et la colonisation.»

« Et c’est d’autant plus tragique que le réseau est notre chance. Notre seule chance de surmonter les défis insensés du monde moderne; notre seule chance de paix, de liberté et de prospérité. »

« Nous sommes les peuples des Machiavel, Talleyrand et Bismarck… Pourquoi sommes‐nous à présent les Petit Nicolas d’Internet ? »

  • Extrait de la conférence de Pierre Bellanger au Ministère des Armées à l’invitation du Vice‐amiral d’escadre Arnaud Coustillière Directeur général du numérique et des systèmes d’information et de communication (DGNUM)
Illustration 1

Cette conférence de Pierre Bellanger est un appel de détresse. Depuis des années, son auteur tente de convaincre les gouvernants de l'Europe de se ressaisir et de rapatrier sur notre sol nos informations gérées par les Américains. Il ajoute des suggestions permettant d’espérer mais il faudrait que les États européennes se réveillent. 

L’analyse de Pierre Bellanger , PDG de Skyrock, est pertinente et son action auprès des parlementaires et des militaires en faveur du rapatriement des nos données informatiques en Europe est juste.

Pourtant, la situation empire de jour en jour:

« Doctolib estime qu'une fois l’épidémie de coronavirus passée, entre 15 % et 20 % des consultations médicales se feront à distance en France'. » « Petit détail : sa plate-forme qui contient à la fois les dossiers de l’assurance-maladie, des facturations hospitalières, des causes médicales de décès, des données médico-sociales des personnes handicapées et un échantillon de factures de remboursement des organismes complémentaires, est hébergée sur le cloud (le « nuage », lieu de stockage des données informatiques) de Microsoft, entreprise américaine qui a été certifiée « hébergeur de données » françaises, fin 2018. En vertu du Cloud Act (loi sur le nuage), les forces de l’ordre ou les agences de renseignement des États-Unis pourront donc avoir accès aux informations contenues sur le serveur. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) s’en est vivement inquiétée dans un avis rendu le 23 avril dernier, mais le gouvernement ne partage pas ses positions.

« (…) le gouvernement français, toujours attelé à sa tâche de parvenir à des services publics dématérialisés à 100 % d’ici à 2022 » sans se soucier « des 38 % des usagers qui déclarent manquer d’au moins une compétence informatique de base, (et pour lesquels) un monde est en train de se refermer », nous offre donc les pieds et poings liés aux GAFAM et aux services secrets américains. (1)

Pierre Bellanger a raison d'affirmer que les bienfaits de l'Internet sont incommensurables.

Mais son pouvoir de nuisance est énorme.

B) Soumission des médias traditionnels aux GAFAM.

Google, Facebook, Twiter, Instagram, Wikipedia comptent maintenant entre les principales sources d'information des médias.

Pourtant, ils ne sont pas fiables.

Wikipedia interdit de se référer dans ses « entrées » à ses autres articles. Certaines universités américaines interdisent à leurs étudiants de se servir de cette ressource, souvent biaisée, mais ce sont des exceptions.

Google, Twitter, Facebook déterminent quelle information doit être acessible, laquelle réléguée aux oubliettes ou effacée.

Facebok a manipulé les élections présidentielles américaines de 2016, donc les médias, en gagnant cinq milliard de dollars ! (2)

A présent, il s'achète la collaboration de principaux journaux de par le monde, en toute innocence, bien sûr:

« Avec l’élection de Trump et la campagne présidentielle américaine, Facebook a été accusé d’être une caisse de résonance des fake news. Le réseau social a donc décidé de riposter, en déléguant à des journalistes ce travail de tri entre vraies et fausses informations circulant sur les fils d’actualité de leurs internautes. Ils ont lancé en avril 2017 un partenariat de fact-checking (rémunéré, bien évidemment) avec des médias américains, puis français, avant de s’étendre à 24 pays différents. 35 médias dans le monde font désormais du fact-checking sur Facebook. » En 2017, le partenariat entre Libération et Facebook a rapporté au journal 100 000 dollars, et 245 000 dollars sur l’année 2018. L’AFP, Le Monde et 20 Minutes ont également signé des partenariats avec le réseau social américain. » (3)

C)  Flicage permanent impliquant d'énormes gaspillages d'énergie et de matières,

donc des pollutions largement sous-estimées.

Ainsi, par exemple, Google s'arroge-t-il le droit de taxer de « spam » toute communication à plusieurs destinataires à la fois, peu importe sa nature et son contenu.

Pendant ce temps, il diffuse des milliards de publicités, non-sollicitées pour la plupart, ce qui lui rapporte une richesse, et donc un pouvoir gigantesque.

Rien ne doit perturber ce marché. Toute communication collective doit passer par Google.

Si une entreprise, une ONG, un professionnel libéral souffrent trop de cette désignation abusive en « spammeur » qui fait atterrir leurs messages à la poubelle des destinataires, il/elle doit payer à Google ! Après, ses messages ne sont plus prohibés.

Il est incroyable que les États - autres que les USA qui en profitent - tolèrent ce banditisme.

On oublie le second danger, l'énorme gaspillage d'énergie et de matières premières entraînant des pollutions de plus en plus importantes.

Quand on y pense, on culpabilise sur notre usage d'Internet.

Les spécialistes pointent surtout Netflix et Youtube car voir des films et des vidéos consomme beaucoup de bande passante, d’énergie et d'équipements de stockage de données (« clouds »).

En général, on néglige une autre source de gaspillages qui, pourtant, doit être énorme: le flicage permanent de la  population mondiale par les GAFAM et compagnie.

Les GAFAM collectent et stockent pendant des années des millions de milliards d'informations que nous leurs offrons par nos recherches sur Internet, la géolocalisation lors de nos déplacements,  nos courriels et nos communications par le biais de Fesse (et) bouc, Ouate sape (ouate qui sape notre capacité de nous informer), Cui cui ter, Telegram (très bavard, à la différence du télégramme avec deux « m » et « e ») et autres Zoom (sur notre bêtise de troupeaux bêlants).

Non seulement ils stockent ces quantités inimaginables d'informations, mais les entrecroisent en permanence, nous envoient des messages fondés sur ces connaissances pour mieux nous afférer (rappelez-vous comment Facebook vous incite à désigner vos relations avec d'autres usagers de son réseau) et approfondir leur analyse de notre personne.(4) Ensuite, ils vendent les résultats aux entreprises qui à leur tour les exploitent par Internet, par des envois postaux et autres publicités ciblées, pour nous vendre leurs produits. En plus, les GAFAM fournissent toutes ces informations au gouvernement, aux services secrets, à la police et aux tribunaux américains ainsi que, s'ils veulent bien payer (en argent ou en avantages), à leurs homologues étrangers.

Cette circulation d'informations sous forme d'impulsions électriques qui augment la température d’interminables câbles et d’innombrables mémoires d'ordinateurs, et donc font marcher des systèmes de refroidissement correspondant qui en réchauffant l'atmosphère provoquent un gaspillage d’énergie et de matières que personne ne semble évaluer.

Pourtant, nous pourrions très bien vivre sans la plus grande partie de cette agitation.

Qui saura s'attaquer à ces comportements délirants ?

N.B. : L'impérialisme américain, véhiculé par cet usage de l'Internet, n'est pas la seule forme de main-mise sur le monde :

« Contrairement à une idée reçue, les investissements directs à l’étranger (IDE) des États-Unis sont trois fois plus importants que ceux de la Chine (5 950 milliards de dollars contre 2 000 milliards). Les IDE chinois sont prioritairement dirigés vers l’Asie et restent faibles en Afrique où il s’agit plutôt de prêts pour construire des infrastructures. » (6)

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1 Extraits de « Travail, famille, Wi-Fi », le Monde diplomatique, mai 2020, https://www.monde-diplomatique.fr/2020/06/BRYGO/61870 Merci de lire aussi une autre réflexion sur le « risque GAFAM » https://blogs.mediapart.fr/peter-bu/blog/161118/fesses-bouc-danger

2 https://www.courrierinternational.com/article/cambridge-analytica-5-milliards-de-dollars-une-amende-historique-qui-narretera-pas-facebook

3 Sophie Eustache,« Désinfox », embarrassant miroir, Le Monde diplomatique, juillet 2020.

4 https://www.monde-diplomatique.fr/mav/172/EUSTACHE/62020

5 Essayez de visualiser des milliers de milliards de connexions que l'activité de flicage généralisé par les GAFAM et compagnie nécessite en permanence : Vous faites une recherche sur Internet, ou vous envoyez un courriel, vous téléphonez à quelqu'un, vous utilisez d'autres moyens de communication électronique : l’impulsion part de votre appareil vers le(s) destinataire(s), le(s) serveur(s), vers Google ou autre GAFAM, parfois directement vers tel ou autre service secret.

En même temps, elle part en double vers leur centre de recherches sur vous et vos correspondants (probablement plusieurs centres de recherches) qui l'examine(nt), la trie(nt), la sauvegarde(nt), la compare(nt) avec toutes les informations déjà accumulées sur vous et vos correspondants – il y en a des millions -, envoie(nt) la conclusion à qui de droit (aux producteurs et vendeurs qui, ensuite, vous expédieront des publicités, aux partis politiques, aux services secrets américains et, parfois, d'autres, bref, à tous ceux qui veulent bien payer pour ce service ou peuvent l'obtenir gratuitement).

Cela a déjà multiplié par plusieurs centaines la dépense d'énergie que vous avez utilisée pour vous connecter mais cela ne s'arrête pas là.

Car toute cette activité recommencera à chaque fois que vous et vos correspondants utiliserez l'Internet, le téléphone, les émetteurs-récepteurs. Et cela fera chaque fois augmenter la quantité de données auxquelles il faudra comparer toute information ultérieure, ainsi que le nombre de données expédiées aux destinataires précités.

La dépense d'énergie pour tisser et stocker cette stupéfiante toile d’araignée est bien plus importante que l'usage publique de l'Internet, des téléphones et d'autres moyens de communication électronique. L'utilisation des matières premières et la pollution, liées à ce trafic, se multiplient dans les mêmes proportions.

Cela donne vertige.

Comme les « décideurs » commencent à se réveiller par rapport à la catastrophe écologique provoquée par nos modes de vie, il faudrait pouvoir évaluer ces gaspillages puis chercher comment y remédier.

6  Cécile Marin & Fanny Privat, Le Monde diplomatique, avril 2020.

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Pour lire les autres dossiers de ce site sur le nucléaire, le féminisme, l'environnement, les migrations des populations, l'Europe, la gouvernance, la littérature, le rire :  ouvrez https://blogs.mediapart.fr/peter-bu/blog  et voyez l'article  Sommaire.

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