Redécouvrir, avec le sociologue Philippe Chanial du M.A.U.S.S., des penseurs oubliés ou méconnus de la tradition socialiste française du XIXème et du début du XXème siècles...
La délicate essence du socialisme
L'association, l'individu & la République
Philippe Chanial
296 pages, 22 euros
Philippe Chanial s'intéresse à une galaxie passionnante de penseurs et militants français déployant un socialisme républicain, associationniste et libertaire. Les principales figures ? Pierre Leroux (1797-1871), Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), Benoît Malon (1841-1893), Eugène Fournière (1857-1914), Jean Jaurès (1859-1914) et Marcel Mauss (1872-1950). Tous étaient anticapitalistes !
Pour eux, indissociablement « individualistes » et « collectivistes », « le droit individuel d'être soi, d'être à soi, présuppose un droit social de propriété ». Cet « impératif de socialisation » de l'économie ne renvoie pas à une étatisation, car il ne suppose pas « l'extension du champ d'intervention de l'État mais bien davantage l'extension du domaine public, pris en charge par [une] pluralité d'associations ».
Cela dessine un « individualisme social », « relationnel », celui des « individus associés », contraire à l'individualisme atomisant et concurrentiel du néolibéralisme.
Chanial tend à opposer cette place de l'individualité à Marx, en le confondant avec une forme particulièrement simplificatrice et collectiviste de marxisme : le guesdisme. Pourtant Marx faisait des individus insérés dans des rapports sociaux un des axes de ses analyses. Le philosophe Michel Henry a ainsi été un des premiers à réévaluer en 1976 dans son Marx (Gallimard, 2 tomes) le statut marquant de la subjectivité individuelle chez l'auteur du Capital.
Chanial insiste également sur l'anticapitalisme « réformiste » de ces théoriciens, alors que tant Proudhon que Jaurès apparaissent plutôt réformistes et révolutionnaires.
Un livre pour découvrir, réfléchir, discuter.
Paru dans Tout est à nous ! (hebdomadaire du NPA), n°39, 21 janvier 2010