Sur cette photographie de nu artistique en noir et blanc, de l’Anglais Tony Butcher, qui montre de profil un homme noir nu, coupé juste sous les épaules, tourné vers la droite du spectateur, le noir et le blanc dominent résolument. La photo le dit d’emblée, on entre dans un système d’oppositions.
Le fond de la photo est absolument noir, nuit noire sur laquelle se découpe le corps nu du sujet noir, de profil, et dont les bras bandés tiennent un crâne de cervidé, blanc, avec ses bois, orientés vers la droite du spectateur. La blancheur du crâne, qui tranche violemment avec l’obscurité tout autour, éclaire la photo, elle est source de lumière.
Deux couleurs fondamentales s’opposent, le noir et le blanc. Le noir, couleur du deuil, l’obscur, est attaché au sujet vivant, un homme noir, le blanc, couleur de la pureté, est attaché à la mort, le crâne d’un cervidé mâle.
Le crâne du cerf ainsi brandi, avec ses cornes pointées vers la droite (du spectateur), est dans une attitude de combat, comme lors du rut, lorsque les cerfs luttent les uns contre les autres pour maintenir leur suprématie sur leur harem de biches. Une attitude de combat pour garder la maîtrise du coït et l’assurance de sa descendance. Combat et coït : le crâne du cervidé est porté dans le parfait prolongement de la verge du sujet noir. On remarque que l’arête nasale du crâne de l’animal présente exactement la même courbure que la verge au repos de l’homme, qui pend mollement.
Le crâne du cerf, dans une attitude de combat, le crâne, dur, pour la verge de l’homme, molle. Le crâne est là symbole phallique, signe de la puissance sexuelle. Plus précisément, il est le symbole de l’élan vital qui pousse l’espèce à se perpétuer en précipitant ses représentants mâles les uns contre les autres dans le fracas de leurs armes (les bois de cervidés) quand elles s’entrechoquent.
L’homme noir est dans une attitude de combat ou de coït, le coït étant pour lui une sorte de combat lui permettant d’assurer sa descendance. La tension musculaire, qui se manifeste dans ses bras ainsi que dans le haut de sa cuisse, est en contradiction avec la mollesse visible de sa verge. Le crâne du cerf, tourné vers la droite du spectateur, qui pointe ses cornes dans le prolongement de la verge au repos, exprime la tension de l’être humain mené par son instinct (ou par son désir), l’érection d’une part de lui faute de celle de sa verge. La turgescence est placée sous le signe de l’animalité, l’élan vital est animal. La pureté de l’animalité, qui est toute tendue vers la perpétuation de son sang. L’obscurité de l’humanité, qui rejette, dans une certaine mesure, son héritage animal. L’obscurité de l’être humain, qui porte le deuil de cette pureté perdue. Pour autant, ce crâne d’animal, tenu à bout de bras, tendu en avant, fait le lien entre l’homme et l’animal, entre l’homme et ses origines animales, qui le tirent en avant, en portant devant lui son élan vital.
Le vivant, humain, obscur, la mort, animale, lumineuse. Par le coït, l’homme combat la mort, et, dans le fracas des chairs, dans l’éclat du coït, il touche à la lumière, dans un éclair, puis (re)tombe dans un trou noir : la petite mort.
Cette photographie, faite d’oppositions, traversée de tensions et de contradictions, est à l’image de la condition humaine, paradoxale. Le vivant, lutte obscurément contre la mort, qui l’éclaire, l’humain, aux prises avec l’animalité, qui la tire en avant, à la fois en lien avec elle, et en opposition, voire en rupture avec elle.