
Agrandissement : Illustration 1

Macri a été élu en novembre 2015 avec 51,3 % des voix après une campagne orchestrée autour des thèmes du changement et de la joie par un super conseiller en communication Duran Barba et avec l’appui des principaux groupes de media argentins Clarin et la Nacion qui s’étaient emparés de l’imprimerie papel prensa pendant la dictature militaire de 1976. Macri qui était Maire de Buenos Aires a considérabement augmenté le budget de communication de la ville au détriment des dépenses de santé, d’éducation, de constructions de logements sociaux et d’action sociale.
Symboliquement Macri a installé son chien sur le siège présidentiel et esquissé des pas de danse avec son épouse sur le balcon présidentiel de la casa rosada pour marquer la fin du "Politique".
Celui qui a été décrit dans la presse française comme un libéral de centre droit a pris en deux mois des mesures qui montrent la vraie nature du régime qu’il a mis en place.
Macri a pris officiellement ses fonctions de Président de la République argentine le 10 décembre 2015 et le Parlement n’est convoqué en session ordinaire qu’à partir du 1er mars 2016, selon la constitution argentine. Entre temps, toutes les mesures font l’objet de décrets présidentiels sans contrôle du parlement.
L’avocat de Clarin Fabián “Pepín” Rodríguez Simón est le rédacteur principal de ces décrets avec un gouvernement issu principalement des multinationales General Motors, IBM, Telecom Argentina, Shell, Lan Argentina, Deutsche Bank et des grands lobbies du pays, Clarin et Techint. Macri affiche une volonté d’agir avec des ministres aux compétences « techniques » et pas « politiques ».
Macri a nommé par décret deux nouveaux juges à la cour suprême, dont Carlos Rosenkrantz qui est avocat du Groupe Clarin. Devant l’inconstitutionnalité de cette mesure, Macri a dû faire machine arrière et convoquer en session extraordinaire le Parlement pour avaliser ces nominations après avoir fait basculer dans son camp une douzaine de députés de l’opposition.
Macri a suspendu la loi sur les medias qui régulait la concentration des groupes de presse et favorisait la pluralité des média dont les radios communautaires, même si elle ne leur donnait pas de moyens pour atteindre ces objectifs. Cette loi avait été discutée en amont pendant plusieurs années et visait à limiter entre autres le poids du groupe Clarin dans la presse nationale, régionale et dans les chaînes de télévision.
Macri a destitué Sabatella, le Président de la haute instance chargée de veiller à l’application de la loi des media et à l’indépendance de la presse, alors que les responsables des radios et des télévisions publics avaient déjà démissionné pour permettre à des proches du nouveau pouvoir de réorganiser les programmes. Une chasse aux sorcières a été organisée dans tous les media pour exclure les journalistes non favorables au nouveau pouvoir.
Macri par décret a supprimé les impôts sur l’exportation du blé, du maïs et de la viande qui étaient de 20 % et les a baissé de 35 à 30% sur l’exportation du soja.

Macri a supprimé les impôts sur l’exportation des produits d’extraction minière qui étaient de 5% pour l’or et l’argent et de 10% pour le cuivre et les autres métaux. Cela correspond à 300 millions de dollars en moins pour le budget de l’état.

Macri a également annoncé un développement accéléré des projets de méga mines alors que les mines actuelles font l’objet de révoltes populaires importantes comme à Famatima (la Rioja).
Parallèlement, Macri a octroyé une aide de 500 millions de dollars aux industries pétrolières dont Total qui exploitent du gaz de schiste dans le sud du pays pour faire face à la baisse du prix du pètrole.
Un accord a été passé avec l’entreprise française Talent liée au groupe Clarin pour exploiter les satellites de communication ARSAT qui ont été développé par l’entreprise d’état menacée de privatisation. ARSAT permet à l’Argentine d’être parmi les rares pays au monde et le suel en Amérique Latine à pouvoir disposer de satellites de communication pour pouvoir diffuser la télévision numérique et les chaînes publiques sur 80 % du territoire (5 fois plus grand que la France) sans passer par les opérateurs du câble dominés par le groupe Clarin.
Cet affaiblissement des ressources de l’état correspond à la volonté du nouveau pouvoir de réduire le poids de la régulation étatique. 25.000 fonctionnaires au niveau national et local ont été licenciés du jour au lendemain (interdiction d’accéder à leur poste de travail) à partir de listes établis sur des critères politiques (supposés nommés par le précédent gouvernement) mais aussi de manière aléatoire dans tous les ministères, les municipalités du parti de Macri, des travailleurs sociaux, des psychologues.

Dans le département d'Information financière 60 licenciements ont visé en particulier ceux qui enquêtaient sur les délits financiers et le blanchiment d'argent. Le gouvernement a annoncé que 25.000 autres postes de fonctionnaires pourraient être supprimés.
A ceux là il faut ajouter 25.000 licenciements dans les secteurs privés de la construction, la métallurgie et l’industrie pétrolière.
Pour la première fois depuis 1966, le monde argentin de la science dans son ensemble s’est prononcé contre la politique d’un gouvernement. Cela n’est pas survenu depuis la « Nuit des Longs Bâtons », en 1966, sous la terrible dictature du Général Juan Carlos Ongania. Sept mille scientifiques et tous les organismes de ce secteur ont critiqué de façon très dure les politiques du gouvernement Macri envers la science.
Le retour au libre marché pour fixer la parité entre le peso et les autres monnaies a abouti à une dévaluation de 57 %.

Parallèlement, le gouvernement a suspendu le mécanisme paritaire de négociation salariales pour 6 mois et indiqué un plafond d’augmentation de 25 % en relation à un objectif d’inflation du gouvernement pour l’année 2016 sans tenir compte d’une inflation qui en décembre 2015 et janvier 2016, soit en anticipation des effets de la dévaluation, soit en relation avec l’augmentation des produits importés a atteint 4% par mois, laissant prévoir une augmentation annuelle de 40 à 50 %.
Face aux manifestations et piquets de route qui se développent en réaction à ces mesures, Macri a signé un décret plaçant le pays en urgence de sécurité au niveau national et pour les domaines sociaux, éducatifs et judiciaires.
La ministre de l’Intérieur Patricia Bullrich a défini un protocole pour que les forces de l’ordre interviennent rapidement contre toutes les manifestations sur la voie publique avec toutes les armes répressives nécessaires.
Des interventions musclées ont eu lieu dans des locaux des partis d’opposition comme à Vicente Lopez.
La criminalisation de toutes les protestations se met en place. Le cas le plus médiatisé a été celui de l’arrestation de la dirigeante du mouvement Tupac Amaru, Milagro Sala qui venait d’être élu députée du Parlasur (une institution latino américaine). Proche de l’ancien pouvoir et financé par lui, son mouvement fédérait des dizaines de coopératives qui ont construit des milliers de logements sociaux, des écoles et des hôpitaux. En cela elle concurrençait les entrepreneurs locaux proches du gouverneur de Tucuman Morales, dont certains sont sous le coup d’actions judiciaires. Milagro Sala a été arrêtée et est détenue depuis plusieurs semaines sans aucun mandat judiciaire pour avoir participé à un rassemblement sur la place principale de Tucuman pour appuyer les revendications de son mouvement Tupac Amaru. Le gouverneur considère suffisant des dénonciations de malversation pour la maintenir en prison. Des manifestations ont été organisées dans tout le pays pour dénoncer cette arrestation arbitraire, des députés européens ont émis des protestations de même qu’Amnesty International et Perez Esquivel, prix nobel de la paix.
La répression est systématique de toutes les expressions. Pendant le carnaval de Salamanca près de Pumamarca, dans la province de Jujuy, des diffuseurs de tracts et des porteurs de pancartes ont voulu protester contre la politique de Macri qui était en visite dans la région avec la phrase « Ta joie n’est pas la nôtre » ont été battus à coup de matraques et certains ont été arrêtés.
Macri a déclaré que plus aucune coupure de route ne serait tolérée et partout des interventions policières musclées pour déloger les manifestants comme le piquet sur l’autoroute en protestation contre le licenciement de 500 travailleurs de Cresta Roja, une entreprise avicole et la manifestation dans la province de Santa Cruz où a été élue Alicia Kirchner, la sœur de l’ancien président pour des augmentations de salaires dans l’entreprise de construction de Lorenzo Baez proche de l’ancien pouvoir.
En matère de droits de l’homme, Macri s’est d’abord distingué en réintégrant sur le site web de la présidence dans la galerie des présidents tous les généraux de la dictature de 1976.
Des ex-fonctionnaires suspectés de collaboration dans des crimes contre l’humanité ont été nommés à des charges gouvernementales. Le Président, quant à lui, s’est refusé à recevoir les représentants des organisations des droits de l’homme et des associations des Mères et Grands-Mères de la Place de Mai. Le ministre de la culture de la Ville de Buenos Aires a affirmé que le nombre des disparus de la dernière dictature fut « un mensonge qui s’est construit autour d’une table pour obtenir des subsides ».
La ex Esma, centre de torture, transformée en centre culturel et musée de la mémoire est en cours de restructuration avec des licenciements.

La menace de la fin des procès judiciaires en cours contre civils et militaires accusés de torture, assassinats, disparitions et vols de nouveau-nés, durant la dernière dictature militaire, se fait entendre dans les déclarations de plusieurs membres du gouvernement.
Macri veut satisfaire aux exigences des fonds vautours à n’importe quel prix alors que l’Argentine avait réussi à obtenir un vote favorable à l’ONU en 2014 une résolution demandant l’établissement d’un cadre juridique multilatéral applicable aux opérations de restructuration de la dette souveraine était votée à l’assemblée générale des Nations Unies. Lors de ce vote, 124 pays avaient voté pour, dont la France, 11 contre dont 6 pays européens (le Royaume-Uni, l’Allemagne, la République tchèque, la Finlande, la Hongrie et l’Irlande). Il a proposé de payer 70 % de la valeur des bonds qui ont été achetés par les fonds vautour (à 10% de leur valeur) et semble t-il à un fond important, il aurait proposé 100% de la valeur. Cette position met en péril les acquis de tous les pays qui souhaitent restructurer leur dette en grande partie illégitime. Le gouvernement précédent avait bataillé pour ne payer que 30 % aux fonds vautours.
Macri espère ainsi recevoir des crédits importants sur le marché international renouant avec une politique d’endettement qui a étranglé l’Argentine jusqu’en 2001.

Ces emprunts doivent permettre de lancer des travaux d’infrastructure dont la priorité reste à définir et qui souvent sont réservés à des entreprises ayant des liens plus ou moins directs avec Macri comme pour un prêt du Brésil permettant à IECSA, l’entreprise de construction de Macri de réaliser un souterrain pour le train Sarmiento. Macri a négocié avec la province de Cordoba qui lui a donné la victoire à la présidentielle le versement d’une subvention nationale importante et le gouverneur Schiaretti a confié à l’entreprise de Macri IECSA la construction d’un gazoduc de 220 millions d’euros.
Macri a attribué le marché d’un bâtiment pour un réacteur nucléaire à Ezeiza à côté de l’aéroport international à son ami, associé et témoin de mariage Caputo pour 50 millions d’euros.
L’entreprise BG à qui le marché d’importation du gaz de Bolivie a été attribué sans appel d’offre a été racheté par Shell dont son ex-président Juna Jose Aranguren est devenu ministre de l’énergie et des mines.
Macri est un ancien président de club de football ; il est aussi propriétaire d’un empire lié à la finance et aux médias, ami de juges qui ont réussi à faire oublier diverses causes judiciaires pour des affaires de corruption et d’espionnage illégal de personnes qui furent, entre autres, victimes de l’attentat contre la mutuelle juive AMIA en 1994. Il a en particulier été mis en cause en tant que Président de Sevel qui fabriquait des voitures Fiat et Peugeot dans un trafic de pièces détachées passant par l’Uruguay pour toucher illégalement des aides à l’exportation.
Macri souhaite établir les meilleures relations avec les Etats-Unis et sous prétexte de lutte contre la drogue ouvre les portes du pays à des agences américaines qui interviennent dans toutes sortes d’opérations contre les mouvements sociaux. Il envisage de renégocier des traités d’alliance comme l’ALCA qui avait été refusé il y a dix ans par les présidents boliviens, brésiliens et argentins. Il va recevoir Obama le 24 Mars 2016 et pourrait visiter la ex Esma avec lui le jour où des manifestations se tiendront dans tout le pays et également à Paris pour réclamer 40 ans après le coup d’état militaire du 24 mars 1976 que les responsables des 30000 disparus soient jugés. Compte tenu des mesures de sécurité mises en place pour la visite du président américain, l’encadrement des manifestations risque d’être encore plus strict que dans le protocole déjà établi par la ministre de l’intérieur Bullrich.

Le rôle des Etats-Unis dans le soutien à la junte militaire a été régulièrement dénoncé et les dépêches publiés par wikileaks indiquent clairement que le gouvernement américain a considéré pour l’Argentine« la dictature militaire, la meilleure option face au climat d’incertitude qui menace les intérêts du pays ». Le 21 février 1976, une dépêche signée par l’ambassadeur américain en Argentine, Robert Hill informait d’une rencontre avec le chef des forces aériennes Orlando Agosti à qui il avait déclaré que le gouvernement américain soutenait la position du Général Videla : « seule l’intervention militaire pourra résoudre les problèmes du pays. »
La politique de Macri en Argentine apparaît bien comme l’avant-garde d’une contre offensive des droites dures sur tout le continent latino américain avec l’appui des Etats-Unis.
Le Président François Hollande arrive le mercredi 24 février le jour de la grève nationale lancée par la Conféderatin des travailleurs argentins et par l'Association des fonctionnaires, pour exiger des augmentations de salaires et condamner les milliers de licenciements en cours.