Les manifestations de fonctionnaires de police, en tenue, avec leurs véhicules de service, devant le Tribunal de Bobigny sont d'une gravité exceptionnelle.En est-on bien conscient ?Sommes-nous encore dans un État de droit ?Si nous y étions le préfet de Seine-Saint-Denis aurait dû faire intervenir un nombre suffisant de gendarmes pour contrôler l'identité de tous les policiers occasionnant un trouble manifeste à l'ordre public et bafouant délibérément l'autorité judiciaire en stationnant longuement toutes sirènes hurlantes en face du palais de justice de Bobigny.Soit dit en passant on voit bien que cette possibilité n'existera même plus à l'avenir si les deux catégories de forces de l'ordre, l'une militaire, la gendarmerie, et l'autre civile, la police nationale, viennent à fusionner totalement...Quant au ministre de l'intérieur, qui soutient ces policiers qui ont manifesté, il est allé jusqu'à déclarer : «Ce jugement peut légitimement apparaître, aux yeux des forces de sécurité, comme disproportionné » Comment le ministre de l'intérieur peut-il ignorer et bafouer ainsi l'article 434-25 du code pénal dont le premier alinéa est ainsi rédigé :« Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende. »Certes le 2e alinéa précise :« Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas aux commentaires techniques ni aux actes, paroles, écrits ou images de toute nature tendant à la réformation, la cassation ou la révision d'une décision. »Mais la manifestation des policiers devant le tribunal, véritable démonstration de force, constitue un acte grave, détachable du simple exercice des voies de recours dont il a été fait usage par ailleurs.Il s'agit bien d'un acte de nature à porter atteinte tout à la fois à l'autorité et à l'indépendance de la justice.Le ministre de l'intérieur n'est pas un citoyen ordinaire. Sans doute se considère-t-il comme le plus haut responsable des sept policiers condamnés et juge-t-il de bon aloi de manifester à leur égard une solidarité dès lors qu'il considère manifestement lui-même que les sanctions prononcées seraient disproportionnées.C'est une grave erreur. Le ministre n'appartient pas à l'administration. En tant que membre du gouvernement son premier devoir est de respecter, et de faire respecter, la constitution.À l'article 64, celle-ci proclame le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire, en précisant que le président de la république est garant de celle-ci.De même, l'article 5 de la constitution, premier des articles consacrés à la fonction duprésident de la république, dispose :« Le président de la république veille au respect de la constitution. »Et encore : « Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics… »Il est d'une gravité particulière qu'un ministre de l'intérieur commente, qui plus est avec une certaine passion, une décision de justice, même si celle-ci est frappée d'appel.Cette circonstance rend d'ailleurs même encore plus grave les propos tenus à l'encontre de cette décision judiciaire puisqu'ils peuvent incontestablement s'analyser alors comme une pression du pouvoir exécutif sur les magistrats du siège, normalement indépendants par essence, qui auront à statuer en appel.Il ne faut pas méconnaître à cet égard la portée considérable de la phrase de Brice Hortefeux, que je cite à nouveau ici : « Ce jugement peut légitimement apparaître, aux yeux des forces de sécurité, comme disproportionné ».L’emploi du mot légitimement n'implique-t-il pas en effet la négation même de l'autorité souveraine des juges du fond, selon l'expression consacrée de la Cour de Cassation ?Ne s'agit-il pas en effet par cette expression de leur signifier qu'ils se sont trompés et de leur dicter la juste solution - vue par le pouvoir exécutif - qui serait sans doute de simples peines de prison avec sursis plutôt que des peines de prison ferme ?En vertu de la constitution tout citoyen n'est-il pas fondé à en appeler au président de la république directement, pour que celui-ci rappelle l'indépendance de l'autorité judiciaire et rétablisse le fonctionnement régulier des pouvoirs publics en rappelant à l'ordre son ministre de l'intérieur.C'est ce qu'auraient dû faire immédiatement tant le garde des sceaux que le premier ministre.Pour ma part, loin de moi l'idée de commenter cette décision et les condamnations prononcées.En vertu de la loi, il n'appartient à personne, sauf aux personnes condamnées qui ont naturellement la possibilité d'interjeter appel - ce qu'ils ont fait - de porter une appréciation sur cette décision en la qualifiant de sévère, ou non, ou de tout autre adjectif.J'ajoute cependant que l'ampleur du mouvement de solidarité et la forme prise par la manifestation des collègues des sept policiers condamnés posent elles-mêmes question.Ces policiers ne semblent pas suffisamment conscients de la gravité des faits commis par tout ou partie des sept fonctionnaires.Rédiger de faux procès-verbaux, destinés à l'autorité judiciaire, pour imputer à un simple citoyen des blessures subies par un policier, en réalité heurté par un véhicule de police, est un acte d'une gravité exceptionnelle.Infliger des coups et blessures volontaires à ce même citoyen n'arrange évidemment rien.
Billet de blog 12 décembre 2010
A propos des sept policiers condamnés à des peines d'emprisonnement et des manifestations qui ont suivi
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