Sergio Fontanellas Bobo, un homme d'affaires argentin, âgé de 59 ans, natif de Rio Tercero (province de Córdoba), a été exécuté à bout portant, dans l'après-midi du 13 juin par deux tueurs à gage cagoulés, venus à moto, à Iquitos (Pérou). Le bar-restaurant où se trouvait Fontanellas était situé en face de l'université de l'Amazonie péruvienne. Fontanellas avait été condamné, puis acquitté en 2018 par la Cour suprême péruvienne, dans une tentaculaire affaire qui l'acccusait d'avoir touché, entre 1998 et 2006, plus de 4 millions US$ de l'ex-chef des Services du Renseignement du président péruvien Alberto Fujimori - toujours écroué en juin 2022, après sa condamnation à 25 ans de prison en 2007 -, le craint avocat et militaire Vladimiro Ilich Lenin Montesinos. Ce dernier, le 21 juin 2022, a été retiré de sa prison à Lima, pour une détention, dite "dorée", dans la base navale de Callao, dans la province homonyme.
Cette somme de millions de dollars "provenait du trafic de drogue" et lui aurait été remise pour être " blanchie " par la création de compagnies maritimes à Iquitos (Pérou), activité dans laquelle Fontanellas s'était lancé après avoir épousé la fille d'un homme d'affaires du secteur maritime dans ce pays, où Fontanellas s'était installé en 1988.
Deux ans plus tard, le 28 juillet 1990, commençait pour dix ans le règne de l'autocrate Alberto Fujimori qui nommait aussitôt à la tête des Services Vladimiro Ilich Lenin Montesinos, qui restera à poste jusqu'en 2006. Cette année-là, Montesinos a été condamné à 20 ans de prison pour avoir vendu des armes aux FARC (Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia). En mai 2019, il a aussi été définitivement condamné à 25 ans de prison pour des massacres, entre 1991 et 1992, dans la grande périphérie de la capitale Lima, nommée Barrios Altos.
Montesinos était depuis lors dans la prison de haute sécurité d'Ancón II, à Lima. Il va encore affronter huit autres procès pour meurtre, pour trafic d'armes, détournement de fonds publics et enrichissement illicite. Feu Sérgio Fontanellas aurait été impliqué dans ce dernier cas.
L'enquête à l'encontre de l'Argentin a été ouverte en 2005, sur la base de la déclaration d'un "repenti". En 2006, Fontanellas était reparti en Argentine, devant les menaces judiciaires qui l'encerclaient, pour sa proximité avec le terrifiant Montesinos.
"Ñoño", comme on appelait Fontanellas à Río Tercero, où il possédait plusieurs boîtes de nuit, avait été mis en examen en 2013 pour blanchiment d'argent présumé, par la terrible juge fédérale argentine María Servini de Cubría, qui avait ordonné la saisie de ses biens. Dans cette affaire, l'accusation pointait la création de cinq sociétés commerciales ayant le même domicile fiscal, par Fontanellas, avec des membres de sa propre famille. En 2015, Fontanellas avait été acquitté par la quatrième cour pénale de Lima, une décision ratifiée en octobre 2018 par la Cour suprême péruvienne, rejetant une demande d'annulation du parquet. Cette année-là, Fontanellas était revenu s'installer au Pérou pour tenter de reprendre possession de ses sociétés de navigation, de commerce de bois, ses bateaux et ses biens immobiliers, valorisés alors aux alentours de 100 millions US$.
Ce mois de juin 2022, Fontanellas était revenu à Iquitos, comme souvent pour ses affaires, et projetait de rentrer en Argentine, dans son village natal, le 17 juin. Le business man avait deux enfants d'un premier mariage, et deux enfants avec son actuelle épouse péruvienne.
M. Fontanellas a été tué le 13 juin 2022 dans un bar-restaurant de la rue Samanez Ocampo, à Iquitos, où il regardait le match de football Pérou-Australie. Blessé par une balle, il a été transporté à l'hôpital, où il est mort. Deux personnes suspectes, de nationalité colombienne, ont été arrêtées.
Le commanditaire pourrait être le mafieux Jorge Chávez Montoya, ce Péruvien qui avait accusé Fontanellas, devant les autorités judiciaires péruviennes, de blanchir l'argent de la drogue fourni par Montesinos. En 2019, Montoya a été condamné à onze ans de prison, par la justice péruvienne, pour "trafic de drogue". L'assassinat de Fontanellas pourrait également avoir comme commanditaires ses ex-associés Daniel Yabbur et Jorge Torres, entre qui courrait une action judiciaire, car "Nino" les accusait de s'être approprié sa plus grosse société, Naviera Argper.
Une caméra de surveillance a enregistré le moment où Fontanellas est arrivé dans une camionnette, l'a garée et s'est dirigé vers le bar-restaurant. Avant d'entrer, il a regardé à gauche et à droite et a adressé la parole à quelqu'un. Quelques minutes plus tard, une moto sur laquelle se trouvaient deux hommes cagoulés est apparue ; celui qui se trouvait à l'arrière a sorti une arme et, depuis le trottoir, a tiré sur Fontanellas, à l'intérieur du restaurant.
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Lire aussi :
Violations des droits de l’homme au Pérou : la mécanique de l’impunité (enquête de Karl Laske, en octobre 2014)
et
" La Chute de Montesinos" (Caiga quien caiga), un film, en 2018, du cinéaste péruvien Eduardo Guillot.