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Billet de blog 30 mai 2023

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BRÉSIL Le blanchiment de céréales indigènes, une pratique des multinationales ?

Les multinationales Bunge (USA), Cargill (USA), Cofco (Chine), Amaggi (Brésil), Archer Daniels Midland (USA, mais filiale du Brésil), Viterra (Canada) et General Mills (USA) ont-elles acheté du soja et du maïs, en 2018 et 2019, plantés sans autorisation sur des terres indigènes de l'État du Mato Grosso ?

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Une enquête d'envergure, des journalistes indépendants de Repórter Brasil et de O Joio e O Trigo, publiée ces jours derniers, révèle des relations commerciales entre sept géants de l'agroalimentaire et des agriculteurs condamnés à une amende par la police environnementale fédérale Ibama pour avoir pratiqué des cultures irrégulières sur les terres indigènes (TI) de Utiariti et Rio Formoso, de l'etnhie Pareci. Les négociations pour le soja et le maïs - souvent transgénique - ont eu lieu en 2018 et 2019, période pendant laquelle il y avait un embargo sur ces terres.
  
Les factures de vente des céréales auxquelles les journalistes ont eu accès n'identifient pas les exploitations situées à l'intérieur des terres indigènes comme étant le lieu de production - ce qui rendrait l'entreprise non viable, puisqu'il est illégal de planter et d'acheter de la production provenant de terres sous embargo. Les documents indiquent cependant d'autres propriétés agricoles comme origine des céréales, mais toutes sont voisines (dans certains cas, à côté) du territoire indigène et appartiennent aux mêmes producteurs condamnés par l'Ibama à une amende pour avoir réalisé des semis irréguliers.
 
 
C'est le cas de madame Eleonor Ogliari qui, en mai 2018, a été condamnée à une amende de près de 9 millions R$ (1,8 million US$) pour avoir maintenu une activité agricole sur les terres indigènes (TI) des Pareci et pour avoir empêché la régénération de la forêt native sur 1.600 hectares du TI. Cette même zone a été mise sous embargo par l'Ibama quelques semaines plus tard, en juin 2018, pour avoir été ensemencée en maïs transgénique - la législation brésilienne interdit la culture d'organismes génétiquement modifiés sur les terres indigènes.
 
Au total, les journalistes ont identifié cinq producteurs mis à l'amende par l'Ibama en 2018 pour avoir produit sur des terres indigènes et avoir réalisé des ventes pendant la validité des embargos dans les zones aux multinationales : Jacs Tadeu Ventura (14 millions R$ d'amende, soit 2,9 millions US$), Rogério Acco, José Carlos Acco (11 millions R$ d'amende, soit 2,1 millions US$), Eleonor Ogliari, Edson Fermino Bacchi (4,5 millions R$ d'amende, soit 0,9 million US$).
 
Bien que l'enregistrement des ventes de lots de soja et de maïs concerne des zones situées en dehors des terres indigènes (TI), il existe une possibilité de "blanchiment" des grains. Cette pratique se produit lorsqu'un producteur mélange du soja produit de manière irrégulière - dans des unités de conservation ou des zones d'occupation illégale des terres - avec des céréales produites dans des zones régulières.
 
Le maïs et le soja plantés dans des zones irrégulières ont-ils été mélangés aux exportations brésiliennes, y compris vers des marchés qui se présentent comme respectueux de l'environnement ?
 

Dans ce cas, celui des indigènes Pareci, le blanchiment des céréales a été publiquement admis par les producteurs et les fonctionnaires travaillant dans la région dans des reportages et interviews de l'émission de télévision Globo Rural, diffusée le 17 mars 2019 - alors qu'il y avait déjà un embargo sur la zone. La méthode a été expliquée par un agriculteur qui a maintenu des partenariats avec ces indigènes au moment de l'embargo des zones, en septembre 2018. Sérgio Stefanello a déclar que les céréales produites dans la zone ont quitté la zone en son nom. En d'autres termes, elles ont été déclarées comme étant produites sur d'autres de ses propriétés. Cette stratégie rend difficile la différenciation entre les productions des différentes zones. Les produits ne disposent d'aucun mécanisme de traçabilité permettant d'identifier leurs mouvements. 
Stefanello, qui affirme avoir établi un partenariat avec les indigènes depuis septembre 2018, a déclaré qu'il est arrivé avec des machines et des intrants, tandis que les Pareci ont participé à l'entreprise avec la terre et la main-d'œuvre. Le recours à la main-d'œuvre indigène, selon lui, signifiait que les bénéfices de la production étaient divisés à 50-50, contrairement aux partenariats précédents.
Dans un entretien accordée à O Joio e O Trigo en 2023, Stefanello a confirmé qu'il avait déclaré comme sienne la production réalisée sur le territoire traditionnel : "C'était une question d'urgence, l'agriculture n'attend pas. C'était une erreur, mais c'était justifié", estime-t-il. 
 
Dans la video de mars 2019, Carlos Márcio Vieira Barros, de la coordination régionale de l'organisme public fédéral Funai - Fondation de l'indien - à Cuiabá, confirmait le projet de vente de soja planté sans autorisation, et admettait que la manœuvre "n'est pas légale".
En 2023, la même personne, s'adressant à O Joio e O Trigo, avait déclaré qu'il ne pouvait pas déterminer si le système était illégal, mais il l'avait décrit en détail : "Les sociétés commerciales telles que Bunge, Cargill, ADM et Amaggi peuvent subir des sanctions économiques internationales si elles achètent du soja aux indigènes, c'est pourquoi elles ne l'achètent pas [directement]. En général, les indigènes vendent leur soja à une entreprise locale qui le dilue, le mélange avec le soja des agriculteurs, disons, et l'expédie comme s'il s'agissait du soja des agriculteurs. Les indigènes sont invisibles dans le soja".
 
Interrogés par les journalistes, la plupart des géants de l'agroalimentaire garantissent un "contrôle rigide" de la situation sociale et environnementale de leurs fournisseurs. General Mills - propriétaire de marques comme Yoki (Brésil), Kitano (Brésil), Häagen-Dazs - a fait savoir qu'Edson Fermino Bacchi n'est plus un fournisseur ni un "partenaire commercial fixe", "n'ayant fourni qu'occasionnellement des ingrédients à l'entreprise dans le passé". Bunge n'a pas commenté ses relations avec les producteurs cités dans l'enquête.
 
Contactés par les journalistes de O Joio e O Trigo et de Repórter Brasil, les avocats des grands propriétaires terriens et fermiers mentionnés dans l'enquête - Eleonor Ogliari, José Carlos Acco - ont informé que leurs clients ne feraient aucun commentaire sur les faits vérifiés. Les journalistes ont aussi tenté de s'entretenir avec Jacs Tadeu Ventura, Rogério Acco et Edson Fermino Bachi, et leurs avocats, par téléphone et e-mail, mais il ne leur a pas été possible de les joindre.
  
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