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Billet de blog 28 mars 2014

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Sunday evening thoughts.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pauvres Socialistes...

Le désastre annoncé est là.

Les chiffres de l'emploi révélés la semaine dernière ont achevé de plomber encore un peu plus un second tour qui s'annoncait calamiteux pour le gouvernement et qui l'a bel et bien été...

Manquerait plus qu'agence de notation dégrade la France...

Si j'étais sentimental, j'aurais presque pitié d'eux. Et pourtant, j'ai été constamment critique à l'égard de la direction prise par François Hollande en matière économique. 

Cela dit, ils se prennent un fameux "retour de réalité", un peu comme ces nouvelles manettes de jeu avec retour de force ;-) preuve sans doute aussi que le pouvoir, et cela n'est pas l'apanage des Socialistes, s'est quand même drôlement éloigné du peuple. 

Il y a cependant quelque injustice à pareille sanction, et encore une fois je suis peu suspect de sympathie à l'égard de cette équipe... 

Quoi que l'on pense de leur politique économique, que je juge pour ma part calamiteuse, encore faudrait-il qu'elle puisse réellement s'exprimer. En effet, que ce soit le CICE, les emplois d'avenirs*, les annonces en fanfare sur le pacte de responsabilité (dont on découvre jour après jour la complexité de mise en oeuvre), et les 50 M€ (sur trois ans) de coupes dans la dépense publique, rien ou si peu a été fait. En tout cas, si beaucoup de paroles ont été prononcées, il y a pour l'instant peu d'actes concrets, donc forcément peu ou pas d'effets sur notre économie, sinon une certaine défiance des acteurs, incapables de se projeter tant l'avenir est mal balisé. Or l'économie est avant tout affaire de confiance. A titre d'exemple parmi tant d'autres hélas, la décision du Jean-Marc Ayrault en toute fin d'année, de procéder à une réforme fiscale d'ampleur, réforme dont on ne parle plus guère à l'heure actuelle. 

CQFD

La situation économique dans laquelle notre pays se trouve, et pas seulement en raison de l'impéritie Socialiste, exigerait, quelle que soit l'obédience des réformes, une Blitzkrieg totale, une mobilisation d'urgence et non d'interminables séquences de négociations, montagnes impénétrables qui au final accouchent souvent de souris pathétiquement rachitiques.

La méthode Social-démocrate est sans doute parfaitement convenable par temps clair et mer étale, mais lorsque l'histoire se remet en mouvement, lorsque la tempête fait rage, les capitaines sont priés d'être à la manoeuvre et de gouverner ferme. Loin de moi de faire là l'apologie d'un pouvoir sans partage, ce n'est pas du tout ma culture, mais dans le contexte présent, une équipe resserrée, unie comme les doigts d'une main, serait le minimum.

Après, pour ce qui est de l'orientation, je pense que les Socialistes font une erreur monumentale avec cette politique de l'offre, totalement hors-saison et parfaitement inadaptée à l'urgence de la situation. C'est au contraire une vigoureuse stratégie contra-cyclique qu'il eut fallu mener, en associant une politique de la demande en manière d'électro-choc pour notre économie à une ré-orientation complète de notre appareil productif: en amorçant puis en accomplissant l'indispensable transition énergétique, en fondant notre stratégie sur une compétitivité hors-coûts, en montant en gamme, en débridant l'innovation, en libérant les énergies créatrices...

En fait il aurait fallu jouer concomitamment sur deux temporalités: un plan de relance d'urgence pour redonner du pouvoir d'achat à nos concitoyens et relancer la croissance et ouvrir immédiatement un chantier d'ampleur à même de s'attaquer aux enjeux de long terme ainsi qu' à un tabou majeur de notre vie politique: l'Europe. Si un parti comme le PS, amené à gouverner ne parvient pas à dégager une doctrine lisible sur l'Europe, les partis dits "extrêmes" rafleront à coup sûr la mise, et enverrons par le fond l'Europe toute entière.

La campagne prochaine des élections Européennes sont le cadre idéal pour travailler à renouveler le débat. On ne peut continuer ainsi à affronter la mondialisation dans cette Europe hystériquement élargie, ouverte aux quatre vents et emmenée par une technostructure aussi néo-libérale.

Il faut procéder très vite à un "RESET"

Et (re)penser une Europe resserrée, aux économies suffisamment homogènes pour permettre une vraie harmonisation. L'Europe telle qu'elle fonctionne aujourd'hui va à la catastrophe car au suicide. Inutile de se voiler la face. 

Nombreux sont les économistes qui tiennent aujourd'hui ce discours. Il faut écouter ce qu'ils disent. Remettre en question cette Europe n'est pas être contre l'idée Européenne, bien au contraire.

Mais Hollande ne fera pas cela. Il s'entêtera à poursuivre la voie qu'il a tracée en tout début d'année. Premier obstacle, mais de taille, ces 50 M€ de coupes budgétaires, qui sont un sacré gros caillou dans sa chaussure (usée). Les conséquences politiques, lorsque les choses rentreront dans le concret, seront telles qu'elles risquent fort d'achever un gouvernement dont l'action est déjà totalement démonétisée aux yeux de l'opinion.

Par ailleurs, s'il décide, et je pense que ce sera hélas le cas, d'accélérer sur le pacte de responsabilité et le pack qui va avec, il amputera sa majorité et affaiblira donc son action. En sortant très affaibli de ce scrutin, en perte totale de légitimité, le président n'a pratiquement plus de marge de manoeuvre politique. Il est le jouet des éléments.

Et je ne vois donc pas comment il peut s'en sortir. Comme avec la promesse d'inversion de la courbe du chômage, le président se sera lui-même condamné...

Par ailleurs, nous sommes maintenant sur le point de tomber ( succomber serait plus juste) sur un nouvel écueil : celui du jeunisme. 

Quand une démocratie en vient à douter à ce point de ses représentants, du fait de leur échec, puisque finalement tout se résume à cela, le risque est grand de voir proliférer des hommes (ou des femmes) providentiel/les, des camelots prêts à tout pour fourguer leur potion douce ou amère. Ce ne serait pas la première fois dans l'histoire, hélas que cela se produirait. Nous n'en sommes bien heureusement pas encore là, les scores du front national pour inquiétants qu'ils soient ne sont pas encore au niveau des grands partis.

Mais il faut rester vigilants.

Néanmoins Manuel Valls arrive à point nommé dans la séquence présente pour incarner une version édulcorée et autorisée de ce travers. Sans être un perdreau de l'année, il a pour lui la jeunesse, mais aussi et surtout la vigueur et la fougue qui vont avec. Il incarne l'avenir, le renouveau, la volonté farouche de changement. Il incarne aussi un Républicanisme bon teint, madré et ferme à la fois.

Mais il est la dernière cartouche d'Hollande, qui je pense se placera du coup au second plan, au moins pendant quelques temps (le temps que sa courbe de popularité remonte), laissant le jeune pur-sang assumer sa politique et diriger (d'une main de fer?) un gouvernement "resserré". 

Seulement les Français ne sont pas naïfs. C'est un peuple politique, debout, qui examinera avec circonspection les mesures qui seront prise par ce nouvel attelage. Si elles donnent quelque résultat rapidement, le pouvoir Socialiste pourra souffler, voire éventuellement envisager un second mandat. 

Si en revanche, comme je le crains la politique menée ne devait pas apporter d'amélioration durable notamment sur le front de l'emploi, je pense que plus rien ne nous séparerait d'une option soit "technique", avec un gouvernement d'union nationale, associant personnalités de droite et de gauche, soit hélas, le saut dans l'inconnu avec l'arrivée au pouvoir d'une solution extrême... 

La démonétisation actuelle des partis dits "de gouvernement", incapables de répondre aux angoisses du pays, profondément liées à une mondialisation subie car insuffisamment pensée, ne fait que progresser, de scrutins en scrutins. La prochaine échéance électorale est taillée sur mesure pour l'extrême-droite. Or, cela représente un risque tout à fait considérable pour notre vieille démocratie.

Le parti Socialiste a quelques semaines seulement pour conjurer ces hypothèses et convaincre à nouveau nos concitoyens de "revenir en démocratie" et d'adhérer à leur projet. Pour cela, il aura besoin avant tout de résultats, de preuves tangibles d'amélioration de l'état de santé du pays, mais aussi d'une feuille de route intelligible, d'un projet ambitieux de nature à mobiliser l'ensemble de nos concitoyens.

Une politique de relance est donc dans un premier temps indispensable, pour redonner de l'espoir, de l'oxygène à une économie en apnée, pour amorcer une nouvelle séquence. Il faut également très vite réviser profondément la doctrine Européenne Française et tenir un nouveau discours à nos partenaires Européens. Forger un projet de société moderne, écologique, durable. Il faut de l'audace, regarder les choses avec pragmatisme et enthousiasme. 

Jouer en attaque, et non en défense...

Pinelli

* Seule mesure tenant à peu près la route, mais dont les effets sont trop faibles.

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