Le premier août, le premier ministre Manuel Valls a annoncé une rentrée difficile en matière économique, en grande partie due au cercle déflationniste qui touche l'Europe ces derniers mois. Tombée à 0.4 %, la (très) faible hausse des prix est en train de devenir le cauchemar des institutions et gouvernements européens, BCE en tête. Et le phénomène pourrait venir s'amplifier avec la mise en place de l'embargo russe sur les produits agroalimentaires.
Le 5 juin dernier, Mario Draghi et le directoire de la BCE ont abaissé le taux de refinancement à 0.15% et instauré pour la première fois un taux de dépôt négatif (-0.1%). Objectif affiché : encourager les banques à prêter, pour favoriser l'investissement des entreprises et la consommation des ménages, afin de relancer la croissance, et par conséquent relever un taux d'inflation historiquement bas. Un mois plus tard, la hausse des prix n'a pas reprise et a même reculé d'encore 0.1%, passant à 0.4%. Le cercle déflationniste, théorisé par l'économiste John-Meynard Keynes, est un véritable cauchemar. Effectivement, la baisse des prix n'est en réalité pas une bonne nouvelle pour le consommateur : elle vient rogner les marges des entreprises, et ainsi leur niveau d'investissement. Elle pèse ainsi sur l'emploi et la consommation et ne fait que des perdants. Sans oublier un effet de hausse des taux d'intérêts réels, d'où l'inquiétude des gouvernements européens, priés de réduire leurs déficits au plus vite.
Les sources européennes évaluent les coûts de l'embargo décrété par Vladimir Poutine a environ 12 milliards d'euros pour l'union. Quand au ministère de l'agricuture de Stéphane Le Foll, il fait part d'un montant d'exportation d'un milliard d'euros de produits agroalimentaires de la France vers la Russie. Des pertes donc assez importantes, tant pour l'UE que pour la France. Mais le véritable problème à long terme pourrait porter le nom de déflation.
Le FNSEA, syndicat français agricole, a été le premier a tiré la sonnette d'alarme en expliquant que les produits non distribués à la Russie reviendraient inévitablement sur le marché européen. Un excès d'offre donc, qui, supérieur à la demande, entraînerait alors une baisse des prix, ou au moins un ralentissement de la hausse des prix, soit l’exacte définition de la déflation, qui pourrait être la véritable bombe à retardement de cette lutte menée à coups d'embargos. Ainsi, Le Monde rapporte les propos de Guillaume Roué, président de l'Inaporc, sur l'embargo déjà mis en place en février dernier par la Russie sur le porc français. Techniquement, les pertes auraient du s'établir à 150 millions d'euros, or elles s'élèvent déjà à 500 millions d'euros ! D'où l'inévitable présence d'effets secondaires, comme la surabondance du marché d'origine.
Bien sûr, l'agroalimentaire n'est qu'un secteur parmi tant d'autres, mais le cercle déflationniste a un effet très contagieux, et ce secteur ne pourrait être qu'un point de départ. Cependant, doit-on condamner les gouvernements Européens, dont les sanctions envers la Russie ont entraîné la colère de Vladimir Poutine, qui se traduit aujourd'hui par une "guerre des embargos" ? Aux sanctions militaires, énergétiques et financières américaines et Européennes, le Kremlin a une nouvelle fois fait preuve de disproportion en répondant par l'alimentaire. A noter également que les chefs d'Etats Européens ont aussi pensé premièrement au sort des populations ukrainiennes coincées dans les zones pro-Russes, notamment Donestk ou Lougansk. Pour une fois que l'humain et la morale prennent le pas sur l'économie, on ne va pas s'en plaindre ! L'UE doit trouver de nouveaux débouchés. D'ailleurs, Vladimir Poutine a lui déjà commencé à trouver de nouveaux fournisseurs, en se rapprochement précipitamment de l'Amérique du Sud ces dernières semaines. Simple coïncidence ?