Robert Chaudenson
Abonné·e de Mediapart

1484 Billets

0 Édition

Billet de blog 22 avr. 2015

Robert Chaudenson
Abonné·e de Mediapart

Je hais la pub !

Robert Chaudenson
Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Non seulement je hais la pub, mais je dirais même que ma haine est de plus en plus grande dans la mesure où la vérole publicitaire qui permet d’entretenir sur un grand pied nombre de « fils de pub » et même, depuis Bleustein Blanchet puis Seguela, de « petits fils de pub », envahit désormais, chaque jour un peu plus, tous nos médias, sans y laisser la moindre oasis de repos comme naguère encore !

Je ne parle même pas ici des radios bignoles (style Europe1, RMC ou RTL) ; il faut les évoter ou il ne faut s’y déplacer qu’avec une prudence de Sioux et une vigilance incessante, comme sur un trottoir parisien, pour éviter les Bourdin et les Elkabach ! En outre, la pub représente désormais, sans que j'ai fait la vérification chronométrique, la moitié du temps d'antenne à certaines heures sans que de tels abus n’éveillent le CSA qui a pourtant mission expresse de veiller à tout cela !

Canal+, qui s’était autrefois gagné mes faveurs pour son économie publicitaire, est devenu totalement insupportable aux heures de grande écoute, en particulier pour ce qui concerne le « Grand Journal », où ce pauvre De Caunes, qui ne va pas tarder à être viré pour être remplacé par pire que lui, prend des airs pincés de pucelle effarouchée mais complice, pour nous annoncer, pour les « pubs », les multiples « minutes de pause » qui sont en fait, de plus en plus, des « minutes de coiffeurs » (excusez-moi pour cette comparaison, désobligeante mais traditionnelle, Messieurs les Figaros).

J'en suis même venu comme ce matin, en compagnie de mon chien et au hasard du zapping de fuite radiophonique, à écouter « Radio classique » où l'émission d’infos du matin est finalement des plus consommables, par rapport à ce que nous offre par ailleurs le marché médiatique. Dans le cadre des mesures anti-chômage, on y a embauché Guillaume Durand, dont le fonds de commerce consiste à combiner, une façon qu'il juge heureuse, l'accent un peu précieux du 16e avec la gouaille des faubourgs (parisiens l'un et les autres !) sur des thèmes variés le plus souvent germano-pratins qui vont de la culture à l’économie. C'est en tout cas plus supportable que les logorrhées bignolesques et publicitaires de ses concurrents et un peu moins convenu et « pédangogique » que France Cu, même si, dans un cas comme dans l'autre, on arrive quand même à vous fourguer un peu de publicité.

Le pire de la publicité est à la fois qu'elle est de plus en plus envahissante et surtout qu'elle ne est de plus en plus mensongère. La Française des Jeux en vient même à vous promettre que vous « allez » gagner ! Même si on se garde de vous dire quoi, ne sommes-nous pas là dans l’abus de confiance ? Que fait la police ?

Les grands maîtres de la communication publicitaire, entre deux rails d'héro. et quelque snifs de coke, ont inventé maintenant, comme preuve de la validité de leur réclame, l’usage systématique du faux témoignage ; le témoignage d’un prétendu expert, chercheur ou médecin (suivant l’objet vanté) sur la qualité de leurs produits ou d’un usager ravi ! Il y a même des agences qui vous permettent de choisir les voix et les binettes des menteurs et des imposteurs de service qui feront les faux témoins les plus crédibles. Bref je passe là-dessus tout cela est trop évident pour qu'on y insiste. Pourtant il semble qu'un certain examen des mensonges publicitaires permanents devrait s'opérer : il fut un temps où il y avait même un bureau de vérification de la publicité (BVP) qui évidemment n'a pas survécu à de tels développements et dérives de cette activité. Un peu d'histoire de cette affaire n'est donc pas inutile car elle est des plus pittoresques.

L’idée de « contrôler » la publicité est quasi aussi vieille que la « réclame » elle-même, mais le plus drôle de tout est que cette exigence moralisatrice initiale revient à l’inventeur même de cette « réclame », le cher papa de Madame Elisabeth Badinter (elle-même philosophe de son état et actionnaire majoritaire de Publicis), Marcel Bleustein-Blanchet. Ce dernier a fondé Publicis en 1926 et l’« Office de Contrôle des Annonces » (OCA) a été créé, probablement par lui ou à son instigation, en 1935. On n’est jamais si bien servi que par soi-même !

Ce n’est nullement, comme le nom et la logique pourraient le donner à penser, un organisme indépendant, étatique par exemple, qui "surveillerait" la publicité et vérifierait donc la pertinence, l’honnêteté et la validité de ses messages. L’OCA regroupe, en effet, dès cette époque, les « acteurs du secteur publicitaire » ! Comme son nom est censé l’indiquer et selon ses propres termes, cet office vise à assurer la « sincérité » (le mot est joli !) des « réclames », à renseigner sur les « annonces trompeuses » (comme s’il y en avait d’autres !) et à donner des avis sur « la moralité et la légalité des publicités » (Fichtre !). Si vous avez jamais vu quoi que ce soit de tel, vous avez, une fois encore, gagné une tringle à rideaux ! Les contrôlés étaient déjà au départ les contrôleurs et ils le demeurent !

En 1953, l’OCA change de nom mais non de mode de fonctionnement ; il devient « Bureau de Vérification de la Publicité » (BVP) mais reste, comme il l’a toujours été, une façade, elle-même contrôlée par ceux-là mêmes qu’elle est censée contrôler ! En 2005, comble de l’hypocrisie ou de l’humour, ce BVP se dote d’une « consultation déontologique » ! Laurent, serrez ma déontologie avec mon autodiscipline !

En 2008, suite au Grenelle de l’environnement, ultime avatar, le BVP décide de se doter d’une nouvelle organisation. Ré-vo-lu-tion-naire je vous dis ! Il se composera désormais d’un « conseil paritaire de la publicité » et d’un jury de « déontologie publicitaire » (quelle alliance de mots hardie ! C’est ce que la rhétorique classique appelait, en termes grecs donc savants, un « par’uponoian »). Le 25 juin 2008, le BVP devient donc l'Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité, l’ARPP, persistant dans sa constante politique d’autorégulation car, contre toute attente, l’ARPP n’est en rien une Agence d’Etat (comme les 400 autres) mais une association régie par la loi du 1er juillet 1901 comme l’Amicale des joueurs de boules du coin). La définition et le bilan que donne lui-même ce bel organisme feraient pleurer un seau à charbon (comme disait ma bonne grand’mère). Oyez bonnes gens car je cite :

« L’ARPP a pour mission de mener une action en faveur d’une publicité loyale, véridique et saine [N’en jetez plus ! ] dans l’intérêt des consommateurs, du public et des professionnels de la publicité.

Chiffres clés 2012 :

13 798 projets de publicités tous médias examinés en conseil avant leur finalisation

22 529 messages télévisés finalisés analysés pour avis définitif (obligatoire) »

S’agissant ici surtout du Paysage Audiovisuel Français, le si joliment nommé PAF, on ne doit surtout pas oublier le rôle du redoutable cerbère qu’est le CSA !

« L’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, a en effet confié au CSA une mission de contrôle sur l’objet, le contenu et les modalités de programmation des communications commerciales diffusées par les services de communication audiovisuelle (entendre la pub à la radio et à la télé). Ce contrôle s'exerce, comme pour le reste des programmes, non pas avant la diffusion des communications commerciales, mais au moment de cette diffusion.

S’agissant des messages publicitaires télévisés, l’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité) effectue un contrôle avant diffusion, le Conseil ayant choisi en 1992 de les contrôler a posteriori, conformément au principe de liberté et de responsabilité éditoriale des diffuseurs ».

Qui pourrait même imaginer un seul instant échapper aux mailles des deux filets de ce double contrôle et à cette vigilance de tous les instants ? N’allez pas tomber de votre chaise avant la fin car le meilleur est à venir : « [l’ARPP ] Ce dispositif de régulation professionnelle de la publicité se veut ouvert à la société civile comme aux consommateurs. Il regroupe en outre trois instances : le Conseil de l’Ethique Publicitaire, le Conseil Paritaire de la Publicité et le Jury de Déontologie Publicitaire. ». Fermez le ban !

Comment une toute jeune association loi 1901, un bébé face aux puissances d’argent pourrait-elle exercer la moindre "autorité", alors que nos radios et nos télés sont inondées des publicités les plus scandaleuses et les plus mensongères. Je pense ici surtout à la foule des pubs sur les incessantes propositions de prêter à des populations pauvres, déjà surendettées à mort, comme à toutes les publicités sur les jeux de hasard, depuis les paris sportifs jusqu’au loto national, en passant par tous les attrape-couillons de la Française des Jeux et des casinos sur internet.

Que voulez vous que fasse la pauvre petite ARPP encore dans ses langes à part, comme son nom l’indique et comme le bébé qu’elle est, bredouiller « Areu Pépé ! » à l’adresse de son vieux pépé le CSA ?

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.