L’impossible est bel et bien français.
Car il est im-pos-sib-le d’obliger un bailleur social à rendre salubre un logement qui ne l’est pas. Pour une seule et impérieuse raison : c’est le propriétaire qui décide. La loi est claire, j’ai même consulté un avocat. Une avocate, en espèce, féministe de longue date que je suis.
On peut en revanche intenter un procès. Qui durera, a minima, quatre ans. Et la seule condamnation que le Tribunal d’Instance pourra prononcer sera celle de dommages et intérêts. Ce qui, après le calcul de l’usure « naturelle », longtemps après mon décès, évidemment, ne rendra pas riches mes héritiers.
Le mien de « logement social » mesure 30m2 tout compris, salle de bain presque décente mais sans fenêtre.
Le coin cuisine, à deux plaques électriques et sans four ni possibilité d’en ajouter un, trône dans « la pièce de vie » même. Je l’ai un peu caché avec des rayons de bibliothèque. Pas d'IKEA!
J’aurais pu m’y faire, malgré le papier peint couleur caca des parties communes.
Si au moins la ventilation marchait.
Mais, depuis que je tente de respirer ici, quatre déjà, elle ne marche pas. Malgré des promesses.
Comme preuve les feuilles d’essuie-tout que j’avais posées sur les deux bouches de la soi-disant aspiration, sur lesquelles s’accumulent, en 24 heures, le tas de cochonneries circulant gaiement dans les tuyauteries ou assimilés.
– À cheval donné on ne regarde pas les dents, dit-on. Tu n’avais qu’à ne pas être pauvre, ma pauvre !
– Je suis « non imposable », il est vrai. Mais les pensions de retraite cumulées dans trois pays, entre mes 16 et mes 67 ans, suffiraient même pour des petits cadeaux à ma petite famille, des visites aux musées et expositions, achat de livres et de DVD, café ou pot sur une terrasse parisienne avec les copines.
Les macronistes bornés de service se trompent ou font semblant de se tromper. Ce que veulent « les Français », c’est juste de vivre décemment de leur travail. Vivre ! Non pas vivoter.
– Alors pourquoi vis-tu dans ce logement social tout pourri ?
– À cause de l’autre loi perverse en faveur des propriétaires. Celle qui ne leur permet pas de virer des vieux de plus de 70 ans que si eux ou des membres de leur famille viennent habiter « le bien ».
– Où est donc le mal ? C’est une loi en ta faveur.
– Perverse, je vous dis. Et simple à contourner. Il suffit d’augmenter à l’infini le loyer. C’est ce qu'avait fait le proprio de mon ancien studio de Montparnasse, en face de La Rotonde doublement présidentielle. (Hollande, mentor de Macron, ne l'oubliez pas, y était aussi le soir de sa victoire.)
Ainsi, CQFD : le mien de bailleur social d’aujourd’hui, la Mairie de Paris en espèce, ne peut rien faire contre le propriétaire.
Je risque ma peau en vous écrivant. « Ils » m’accuseront de rage et m’enverrons dans le pire des mouroirs.