Pourquoi les Comores doivent quitter la zone franc Cfa ?
« J’estime que maintenant, après cinquante ans d’indépendance, il faut revoir la gestion monétaire. Si nous récupérons notre pouvoir monétaire, nous gérerons mieux. Le Ghana a sa propre monnaie et la gère bien. C’est le cas aussi de la Mauritanie, de la Gambie qui finance leurs propres économies. » a déclaré le Président Sénégalais, Abdoulaye WADE[1]
Les Comores sont indépendantes depuis le 6 Juillet 1975. L’indépendance est acquis avec beaucoup de bruits mais inachevée. Il est inachevé car notre île, Mayotte est encore occupé par la France et notre monnaie reste une monnaie française. La question de Mayotte est très souvent débattue par les hommes politiques Comoriens. Mais celle de la monnaie est presque ignorée ou le pays croit pouvoir s’adapter et vivre avec une monnaie étrangère, c'est-à-dire, des devises. Or la question de la monnaie est la base de notre développement économique et l’un des fondements de notre souveraineté nationale. La France nous colonise toujours par la politique monétaire et économique. La rupture totale opté par le régime révolutionnaire d’Ali Soilihi n’a pas osé aller jusqu’au bout de sa philosophie en rompant le lien monétaire avec la France. Le retour d’Ahmed Abdallah Abdéremane au pouvoir a permis à la France d’officialiser notre colonisation monétaire. Le nouveau régime a signé un accord de coopérations monétaires et une convention de compte d’opération, le 23 novembre 1979, avec la France qui marque notre encrage dans la zone franc Cfa. Une nouvelle monnaie fut créée, le franc Comorien à la place du franc Cfa dont l’émission fut confiée à la banque centrale des Comores.
Les avantages cités pour notre appartenance à la zone franc Cfa
L’appartenance des Comores à la zone Franc Cfa, lui permet : - La convertibilité illimitée du Franc Comorien en Franc Français (aujourd’hui euros). Il faut d’abord signaler que ce n’est pas notre monnaie. C’est une monnaie française qui s’appelait dans le temps franc Cfa (franc des colonies française d’Afrique) pendant la colonisation totale et Franc Comorien, aujourd’hui, pour duper notre peuple et nos élites. – La monnaie comorienne bénéficie d’une parité fixe, liberté des transferts, Harmonisations de la réglementation des changes et de la législation bancaire avec celle de la France.
Les inconvénients de notre appartenance à la zone Franc Cfa La dépendance monétaire n’est concevable pour aucun pays, petit ou grand riche ou pauvre. La colonisation économique et monétaire nous empêche toute voie de développement. Le pays vit à la base des devises, autrement dit monnaie étrangères. Le premier inconvénient de la colonisation monétaire, admise par certains leaders politiques comoriens, est le retard quasi permanent des paiements des salaires des fonctionnaires. Il faut voir qu’un pays qui n’arrive pas à payer ses fonctionnaires n’a plus d’existence économique ni morale. Je ne parle pas du blocage à la consommation et à la production qui sont des facteurs fondamentaux qui vont stimuler la croissance. Depuis l’indépendance de notre pays, on vit sur ce système qui nous tue à petit feu. Aucun de nos hommes politiques et de nos dirigeants n’osent mettre en cause ce colonialisme monétaire et d’oser à prendre en charge l’indépendance économique et monétaire de notre pays. Le professeur d’économie et ancien président de l’assemblée Ivoirien, Mamadou Coulibaly accuse « les élites et la classe politique africaine n’ont fait qu’empirer la situation en prétendant qu’elles ne possédaient pas des compétences nécessaires pour gérer propre monnaie de manière efficace et responsable, à l’inverse des pays occidentaux ou asiatiques. »[2] Le deuxième inconvénient grave de notre colonialisme monétaire avalisé par l’accord monétaire est de garder 65%, au moins, de nos avoirs extérieurs au sein dans un compte ouvert auprès du trésor français. Ce compte reste très opaque et personne ne sait combien l’Etat Comorien dispose à son sein. Le troisième inconvénient grave du colonialisme monétaire est l’absence totale de la maitrise de la politique monétaire de notre pays. La Banque centrale des Comores qui compte fêter ses trente ans d’existences sans que les Comoriens ce qu’elle a apporté pour le développement de notre pays. L’administration de la banque centrale est composée de huit personnes dont quatre français. La France possède aussi d’une minorité de blocage pour les décisions importantes. La Banque Centrale des Comores ne peut adopter une décision qu’avec l’accord d’au moins de cinq des représentants (Article 38). Elle n’est pas maitre de notre politique monétaire ni d’assumer les rôles traditionnels d’une banque centrale. Les Comoriens n’ont aucun pouvoir de décision sur leur banque Centrale. La politique monétaire suivi par notre banque centrale est celle de la Banque centrale Européenne (BCE). La banque centrale des Comores se contente de lutter contre l’inflation et assurer la stabilité financière. Un pays, comme les Comores ne peut pas avoir une même politique monétaire comme l’Europe, et surtout pas la zone euro. L’action de la Banque centrale des Comores est contraire aux intérêts de la population Comorienne et ne favorise pas le développement du pays. Ce colonialisme monétaire nous a amené à la dévaluation de 12 Janvier 1994 dont la plupart des Chefs d’Etats membres de la zone franc ont tous pesé pour l’opposer mais en veine. La dévaluation d’une monnaie dépend de la vision de la politique économique et monétaire d’un pays. Elle n’est jamais été un avis simple d’une politique extérieur, aussi puissant ou visionnaire soit il. Le constat de cette dévaluation imposé de l’extérieur est amer. Il n’est pas à exclure que la France qui subit une crise de surendettement s’attaque aux réserves des Etats Africaines laissés dans son trésor en dévaluant encore le franc Cfa sans l’avale des pays concernés.
L’arrimage du Franc Cfa à l’Euro La France en adhérant à la monnaie unique n’a pas voulue se libérer de ses colonies monétaires et a sue négocier leurs arrivages à la zone euro. Le 11 Janvier 1999 l’euro est devenue la monnaie de onze pays de l’Europe dont la France. La monnaie coloniale, le franc Cfa a suivi son maitre en remplaçant le franc français par l’euro. La France garde ses avantages sur les monnaies Africaines qui gardent, au moins 65% de leurs avoirs extérieurs au sein des comptes d’opérations ouvert à son Trésor et les peuples africains crèvent des faims. L’Union Européenne en héritant des accords monétaires franco-africains, a acquis juridiquement le pouvoir de modifier selon ses intérêts la parité entre le franc Cfa et l’euro. C’est l’union Européenne qui intervient au nom des pays Africaines membres de la zone franc Cfa sur les marchés internationaux des devises. Les Banques Centrales africaines de la zone franc Cfa n’ont aucune existence juridique sur les marchés des changes.
L’indépendance économique et monétaire
« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas. Mais c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles » Sénèque
La question de l’indépendance économique et monétaire ne devait pas se poser aujourd’hui dans notre pays si Ahmed Abdallah Abdéremane l’avait opté depuis le 6 Juillet 1975. Notre pays fait parti de zone d’influence de la politique de la Françafrique dont la monnaie franc Cfa fonctionne toujours. Aucun, membres de la zone franc Cfa, ne connais la prospérité et pire ils connaissent tous les croissances les plus faibles de l’Afrique. En effet de 2000 à 2006, les pays de la zone Franc Cfa ont enregistré une croissance annuelle moyenne de 4,2% contre 4,7% pour l’ensemble de l’Afrique Subsaharienne. L’île Maurice avec ses 1,1millions d’Habitants a enregistrée une croissance moyenne de 5,6% par an. Pour lutter contre la pauvreté, la corruption et assurer un développement pour notre pays, nous devons quitter la zone franc Cfa. Il est aberrant de crier pour la libération de Mayotte en laissant la France les soins de gérer notre politique économique et monétaire. Les Avantages de l’indépendance monétaire L’un des premiers avantages de notre indépendance monétaire est d’assurer les paiements réguliers de nos fonctionnaires. Lorsque les fonctionnaires sont pays à temps, il y a aura une relance de la consommation qui va entraîner une production (agricole et autre) qui vont favoriser la croissance. Par ailleurs, un fonctionnaire qui est assuré d’avoir son salaire à chaque fin de mois est moins corruptible que celui qui accumule cinq mois d’arriérés. Le deuxième avantage de notre indépendance monétaire est de nous permettre d’avoir une banque centrale des Comores qui aura une politique économique et monétaire favorable pour notre pays. La Banque centrale, qui a , entre autre , rôle de fixer le taux d’intérêt directeur en fonction du niveau de l’inflation et /ou le pouvoir d’injecter directement une quantité de monnaie dans le circuit de l’économie. Cette fonction permet à la banque centrale de baisser le taux d’intérêt des crédits bancaires en vers les petits, les moyens entreprises et l’artisanats fers de lance de notre développement économique. L’indépendance monétaire nous permet, aussi, de valoriser la manne financière de la diaspora Comoriens en France et ailleurs. Les Comores ont un avantage meilleur par rapport aux autre pays de l’océan indien. Il y a un transfert énorme des devises de France vers les Comores sans que ceux fonds profitent l’Etat Comorien. Un Mauricien résidant en France qui envoie 100euros à sa mère aide famille et son pays. Car la famille de ce Mauricien encaisse des roupies et la banque centrale de Maurice garde le 100euros dans ses réserves des devises. Un Comorien résidant en France qui envoie 100euros aux Comores aide sa famille et non l’Etat Comorien. Car la France, par le biais de la poste ou autre, donne du franc Comorien à la famille de ce Comorien et récupère le 100euros, au lieu d’être conservé au sein de notre banque centrale. C’est un exemple aussi banal mais quotidien qui montre l’avantage et l’importance de notre indépendance monétaire. Il faut souligner que par la proximité avec le monde arabo-musulmane, il nous arrive d’avoir des aides extérieurs importantes qu’aucun pays de l’océan indien ne peut espérer obtenir. Mais ces aides ne profitent au final qu’à la France. Le roi du Qatar nous a fait dons des millions d’euros que l’Etat a utilisés pour payer des fonctionnaires. C’est totalement absurde, depuis quand un pays paie ses fonctionnaires par des devises étrangères ? On a donné à la France ces devises qui nous ont échangées à sa monnaie étiqueté franc Comorien pour payer nos fonctionnaires. Or ces devises nous auront permis d’acheter d’acheter un bateau ou avion à l’autre chose pour favoriser le développement de notre pays.
Les craintes des anti-indépendances économiques et monétaires La plupart des leaders politiques Comoriens craignent la volonté de la France pour leur avenir politique. Pour masquer leurs craintes, ils évoquent la situation économique et monétaire de Madagascar. Ils font semblant d’oublier ou d’ignorer le cas de Maurice, de Seychelles qui ont leurs propres monnaies. Certains parleront des risques de l’inflation ou de l’immaturité politique des Comoriens. Ce sont des craintes qui n’ont aucune raison de nous freiner d’aller en avant, en demandant notre indépendance économique et monétaire. Le trente ans de notre coopération monétaire avec la France ne doit être marquée par l’arrivée de Mastercard aux Comores mais de la fin du colonialisme monétaire qui étouffe notre développement.
Dr Said Abdillah Said Ahmed Ancien Secrétaire générale Adjoint au Conseil d’Etat ( Régime militaire du Colonel Azali Assoumani) Chef d’Entreprise en France Email : saidabdillah@yahoo.fr Livre à sortir en mi Septembre 2012 : Pour l’Indépendance Economique et Monétaire des Comores
[1] Déclaration fait par le président Sénégalais , Abdoulaye WADE sur RFI le 3 avril 2010.
[2] Mamadou Coulibaly ,Professeur en économie dans « Pourquoi le franc Cfa doit disparaître »