Le FN premier parti de France ! Il fallait oser. Voilà deux jours qu'on se gargarise avec cette potion fadasse. Pourtant, la vérité des chiffres est toute autre. Avec 25% des votants, Le Pen S.A arrive en tête des européennes, en ayant convaincu 4,7 millions d'électeurs, soit à peine plus de 10% des inscrits. Et par rapport à la présidentielle de 2012, perd 1,7 million d'électeurs. Un triomphe ? Un raz-de-marée ? Un séisme ?
Que nenni. Au pays des élites sourdes et malvoyantes, le borgne n'est pourtant jamais devenu roi. Et sa succession ne règne, pour le moment, que sur les plateaux télé où l'on rejoue jusqu'à l'écoeurement le même mauvais boulevard: suspense de série B entretenu à coups de sondages dévastateurs, débats et interviews faméliques où il suffit de faire semblant d'avoir-mal-à-la-démocratie, irruption fracassante de l'héritière qui menace de tout casser, alors que le FN n'a jamais rien cassé que du... bougnoule... Car il n'y a pas, dans les oubliettes de Montretout, de complot pour dynamiter l'ordre social au profit d'un lumpen prolétariat pur race trahi par l'UMPS. Les pauvres blancs, sous la férule du Front, resteraient de pauvres diables appelés aux basses besognes du fascisme. Tout au plus remplaceraient-ils, dans le rôle ingrat du cocu de l'histoire, leurs frères de misère un peu plus basanés.
Malheur, dieu pâle aux yeux d'ivoire
Malheur, dieu qu'il ne faut pas croire.
Il nous reste heureusement Apollinaire pour digérer cette tambouille insipide. Le Front Nat', ses pantomimes vociférantes, ses habiletés tactiques, est tout aussi en panne sèche que toutes les autres formations politiques. Pas plus que les autres, il n'est parvenu à s'approprier le magot électoral que constituent les 26,8 millions d'électeurs qui se sont abstenus.
Sans surprise, d'ailleurs, tant la vie politique de ce pays est à l'image de ces pitoyables comédies "à la française" dont on nous abreuve à longueur d'année: scénario indigent servi par une poignée de stars figées dans l'ennui, masses informes de citoyens-figurants réduits à la posture indigne de solliciteurs chroniques de pouvoir d'achat.