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Billet de blog 13 septembre 2023

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Le combat pour l'eau creuse son sillon

Après l’action et manifestation de Sainte-Soline le 25 mars dernier, l'idée du Convoi de l’eau à vélo a émergé comme une nouvelle mobilisation pour mettre en lumière le combat pour l’eau.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L'objectif de ce convoi était de rendre hommage aux blessé.e.s de Sainte-Soline, parler des enjeux autour de cette ressource essentielle comme bien commun et relier les différentes luttes en cours contre l’accaparement des terres. Plusieurs étapes ont marqué le trajet comme les projets de méthaniseurs industriels à Lezay, point de départ du convoi près de Sainte Soline, les projets de ferme usine, comme à Coussay-les-Bois où une ferme de 1200 taurillons est en construction, un soutien a été apporté à des militant.e.s de Dernière Rénovation devant le palais de justice de Tours, il y eut aussi des discussions autour des extractions de sable dans le lit de la Loire.

Une étape fût également consacrée à un projet positif avec la ferme collective de Belêtre. Et enfin, avant dernière destination pour le convoi : Agence de l’Eau à Orléans, qui est un financeur important des bassines, afin d’obtenir un moratoire total sur les méga-bassines, y compris pour celles en construction.

Ce sont près de 800 personnes qui ont parcouru les différentes étapes, accueillies chaque jour avec beaucoup d’encouragements lors des traversées de village et chaque soir par des centaines de bénévoles venus les applaudir et leur assurer le meilleur confort pour le bivouac.

Avant dernière étape à l’Agence de l’eau

L’arrivée à Orléans est née d’une volonté de dialogue avec la nouvelle préfète du Loiret et présidente de l’Agence l’eau Sophie Brocas car c’est elle qui peut ou non ordonner un moratoire. Des porte-paroles de plusieurs collectifs dont Bassines non merci, la Confédération paysanne, les Soulèvements de la terre, des scientifiques ainsi que des naturalistes se sont présentés aux rendez-vous pour obtenir ce moratoire et stopper les chantiers. Prélude indispensable pour amorcer enfin un véritable dialogue sur les usages de l’eau, un dialogue réclamé de longues dates par les collectifs présents.

Dans la journée, une première rencontre avec Thierry Burlot, président du comité de bassin Loire-Bretagne se révélait positive avec l'annonce par ce dernier que, dans le cas où des travaux commenceraient dans les jours ou semaines à venir, le comité de bassin considérerait cela comme un camouflet. Mais le comité de bassin n’a pas le pouvoir de décision.

S’en suivra la rencontre avec la préfète qui proposa alors un dérisoire moratoire de dix jours. Mais lors de la réunion la nouvelle tomba : des barrières de chantier sont en cours d’installation pour le nouveau projet de la méga-bassine à Priaires. Une véritable provocation affichée par l’État auprès des collectifs et syndicats venus négocier. Les portes-paroles occuperont l’Agence de l’eau toute la nuit, accablé.e.s par le mépris de la préfète qui leur a été offert en guise de réponse à leur demande de dialogue et de moratoire.

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Arrivée du convoi de l'eau place Jacques Rueff © Antonelli Sarah

L’arrivée du convoi

Samedi 26 août, il est midi, quelques vélos sont arrivés, sur la place Jacques Rueff face à la Tour Eiffel. Les CRS guettent le groupe qui se forme, les touristes se prennent en photo et le soleil est au rendez- vous. Aujourd’hui c’est l’arrivée du Convoi de l’eau. Quelques dizaines de courageux et courageuses ont pédalé toute la nuit pour arriver à l’heure quand d’autres ont pris le train. Leur rencontre à Paris signifie la fin du parcours qui avait débuté le 18 août à Sainte Soline. Petit à petit, piétons et cyclistes forment une masse d’un millier de personnes venues pour l’ultime étape : traverser Paris pour atteindre la Parole Errante à Montreuil, lieux qui accueille le festival d’écologie radicale Le Digitales et point final du périple pour le Convoi de l’eau.

Sortant de nul part Julien Le Guet, porte parole de Bassines Non Merci, mégaphone à la main, rejoint les militant.e.s et scande « Pas une bassine de plus ! ». Les porte-paroles des Soulèvements de la Terre et de Bassines Non Merci s’adonnent à l’habituel point presse en finissant par annoncer comme mise en garde : « Puisqu’ils ne veulent pas mettre en place un moratoire nous allons le mettre en place nous même ». S'ensuit un temps de parole donné aux comités et associations locales, qui eux aussi se battent contre l’accaparement de l’eau et l’artificialisation des sols sur leurs territoires.

Quatorze heure, les manifestant.e.s se divisent et s’élancent en deux cortèges, les piétons et les cyclistes. Cette manifestation est l’opportunité de discuter, d’échanger sur les idées de chacun.e.s et d’entendre le récit de celles et ceux qui ont participé au périple à vélo de Sainte Soline à Orléans. Au fil des récits, l'on comprend vite que l'organisation fut exceptionnelle tout au long du parcours. Beaucoup d’habitant.e.s des villages traversés par le convoi ont acclamé les cyclistes et ont soutenu la cause. Ces rencontres furent également l’occasion de grands moments d’échanges, de créativité et de joie.

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Sit-in devant le Ministère de la transition écologique pour le Convoi de l'eau © Antonelli Sarah

Plus loin sur le chemin, le cortège des vélos croise celui des piétons qui les acclament. Tout le monde chemine dans la joie et l’esprit est bon enfant. Le groupe des vélos file et les piétons continuent dans leur sillon. Toutes les routes sont bloquées sur leur passage, ils et elles longent la Seine direction le Ministère de la transition écologique en passant devant l’Assemblée Nationale. Un sit-in s’organise en chantant et scandant « Nous sommes tous des éco-terroristes ! » en pied de nez aux propos du ministre de l’Intérieur. Puis le cortège reprend la marche, escorté par la police, sur dix-huit kilomètres jusqu’à Montreuil. La fanfare et les chants accompagnent cette joyeuse manifestation. Peut-être une simple envie de se retrouver et de manifester pacifiquement avec légèreté après Sainte Soline et les autres manifestations pendant lesquelles l’Etat répondait par une grande violence face aux manifestant.e.s.

Sur la fin du trajet certain.e.s ont quitté le groupe mais les plus téméraires continuent sans broncher jusqu’au lieu d’accueil, La Parole Errante. En parallèle certain.e.s sont allés manifester devant la mairie de Montreuil contre l’expulsion de la Baudrière, un squat trans pédé gouine, qui devait initialement accueillir le Convoi de l’eau ainsi que le festival Les Digitales.

Ces lieux n’ont pas été choisis par hasard car tout le mouvement écologique se veut également inclusif. L’écologie n’est pas un problème sectaire à la privatisation de l’eau ou l’artificialisation du sol, c’est une lutte plus globale et sociale car l’on sait pertinemment que les minorités sont les premières à être touchées par les conséquences du dérèglement climatique. Ce rassemblement était un pas vers la convergence des luttes qui se ratent malheureusement régulièrement.

L’arrivée à la Parole Errante est encore une fois un moment joyeux. La soirée est animée par la programmation des Digitales qui propose spectacles, performances et musique. Mais surtout, tout le monde parle ensemble, certain.e.s se connaissent, d’autres ont sympathisé sur la route ou viennent tout juste de se rencontrer. On sent un fort besoin d’échange et de communion dans la lutte.

Réflexions et suites des actions

Le lendemain, se déroula une assemblée sur l’actualité des Soulèvements de la Terre à l’Université d’été des mouvements sociaux et des solidarités à Bobigny. Lors de cette heure et demie, des portes-paroles du mouvement retracent des moments forts du Convoi de l’eau. Ils et elles expliquent l’importance de stopper la construction des méga-bassines, abordent la rencontre avec la préfète à l’Agence de l’eau mais aussi leur potentielle dissolution.

Ils et elles se questionnent notamment sur le futur du mouvement : Quelles futures tactiques à adopter pour combattre la destruction des milieux et de l’accaparement de l’eau ? Comment se réapproprier la gestion de l’eau ? Comment être plus inclusif pour les prochaines actions ? Comment s’organiser avec tous les comités locaux qui se sont créés après l’annonce de la dissolution ? Tous ces questionnements montrent un mouvement en perpétuel réflexion et qui se veut horizontal. Pour terminer cette assemblée, le micro circule dans les rangs pour que chacun.e puisse poser des questions mais aussi faire le récit de son expérience du convoi, parler d’une lutte locale dont il s’occupe ou participe ou bien d’un poème.

Face à un gouvernement et des lobbys qui font la sourde oreille, la lutte risque de durer. Mais la prise de conscience est bien réelle, qu’elle ait déjà fait son chemin ou qu’elle soit née d’un sursaut à la suite des manifestations. Comme annoncé par les portes paroles des mouvements et collectifs écologiques, les mois qui arrivent seront encore riches en actions pour la protection de l’eau, des territoires, et contre l’artificialisation des sols. Mais une chose est certaine, de ce week- end ressort principalement l’espoir chez celles et ceux qui s’engagent en faveur du vivant.

No bassaran !

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