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Billet de blog 16 mai 2012

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Les premiers discours présidentiels de François Hollande (1)

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Alors que le 16 mai 2012 les médias nous servent des infos du genre « Hollande-Aubry, l'ouverture des hostilités » (Le Point), il nous semble que les discours prononcés la veille par François Hollande mériteraient une attention plus détaillée et objective. A commencer par un commentaire critique sur la présentation franchement biaisée du rôle historique de Jules Ferry, qui ne fut pas un "simple" Ministre de l'Instruction Publique mais Président du Conseil à deux reprises. Notamment au début de la "grande expansion coloniale", lors de l'occupation de Tunis, ou encore pendant la guerre contre la Chine...

Jules Ferry cumula également la fonction de Président du Conseil avec celle de Ministre des Affaires étrangères en pleine guerre du Tonkin. C'est dire qu'il ne se borna pas à "défendre la colonisation", comme le laisse entendre François Hollande. Il en fut, bien au contraire, l'un des principaux concepteurs et organisateurs, assumant directement des responsabilités au rang le plus élevé.

Pour rappel, un bref extrait du discours de Jules Ferry du 28 juillet 1885 (voir nos articles « François Hollande, la Chine, Jules Ferry... » (I) et (II) ):

(...)

M. Jules Ferry - (...) Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai! il faut dire ouvertement qu'en effet, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures... (Rumeurs sur plusieurs bancs à l'extrême-gauche .)

(...)

M. Jules Ferry - Si l'honorable M. Maigne a raison, si la déclaration des droits de l'homme a été écrite pour les noirs de l'Afrique équatoriale, alors de quel droit allez-vous leur imposer les échanges, les trafics? Ils ne vous appellent pas... (Interruptions à l'extrême gauche et à droite - Très bien! très bien! sur divers bancs à gauche.)

(...)

(fin de l'extrait du discours de Jules Ferry du 28 juillet 1885)

Précisément, l'éducation fut très directement instrumentalisée au service de cette politique coloniale, chauvine et raciste. Une dimension du problème que François Hollande semble avoir omis d'aborder dans son discours du 15 mai sur ce sujet.

Quant à Jules Ferry, connu également pour avoir été Maire de Paris au moment de la Commune et ennemi déclaré de cette insurrection populaire, il occupa en réalité les fonctions gouvernementales suivantes :

- Secrétaire du Gouvernement provisoire de Défense nationale du 4 septembre 1870 au 12 janvier 1871. Il fut également le dernier Maire de Paris (15 novembre 1870 - 5 juin 1871) avant Jacques Chirac, et Préfet de la Seine du 6 septembre 1870 au 5 juin 1871.

- Président du Conseil du 23 septembre 1880 au 10 novembre 1881 et du 21 février 1883 au 30 mars 1885.

- Ministre des Affaires étrangères du 20 novembre 1883 au 30 mars 1885.

- Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts du 4 février 1879 au 10 novembre 1881, du 30 janvier au 29 juillet 1882 et du 21 février au 20 novembre 1883.

A propos des discours d'hier de François Hollande, voir pour plus de détails nos articles :

http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2012/05/15/francois-hollande-premier-discours-i.html

François Hollande : premiers discours (I)

Le 15 mai 2012, jour de l'investiture de François Hollande en tant que Président de la République Française, Le Monde écrit « Hollande adresse à l'éducation nationale "ses premiers mots de président de la République" ». De son côté, L'Express interroge « L'hommage de Hollande à Jules Ferry vaut-il vraiment une polémique ? ». Une question quelque peu étonnante, tout compte fait. Le 15 mai en début d'après-midi et peu après son investiture, François Hollande a tenu à rendre hommage à Jules Ferry en tant que ministe de l'instruction publique, tout en précisant : « ... je n'ignore rien de ses égarements politiques. Sa défense de la colonisation fut une faute morale et politique. Elle doit à ce titre être condamnée ». On ne peut que se féliciter de cette condamnation claire de la politique coloniale de Jules Ferry sans chercher un réfuge facile dans l'argument bien connu de la prétendue « mentalité de l'époque ». Pour autant, l'hommage du nouveau Président de la République à Jules Ferry au titre des lois sur l'éducation ne nous apparaît toujours pas acceptable, pour les raisons déjà indiquées dans nos articles « François Hollande, la Chine, Jules Ferry... » (I) et (II). En effet, si le capitalisme français des années 1880 instaura l'enseignement obligatoire et l'école primaire gratuite au moment de la « grande expansion coloniale », ce ne fut pas dans un élan de générosité mais contraint et forcé par la situation internationale et par les exigences de performance industrielle et militaire. A deux reprises Président du Conseil, Jules Ferry ne fut que l'instrument de cette politique dans les domaines colonial, militaire et éducatif. Il fut également un adversaire de pointe du mouvement ouvrier et populaire, déjà en tant que Maire de Paris au moment de la Commune. De surcroît, en France comme en Allemagne, l'enseignement obligatoire de l'époque comportait une composante d'embrigadement idéologique de contenu nationaliste et pro-impérialiste. A quand une véritable remise à plat du passé de l'Europe qui malheureusement fait à bien d'égards partie de son présent ? Le 15 mai également, Le Télégramme rapporte à son tour « François Hollande. Le discours d'investiture du septième Président de la Ve République », soulignant entre autres : « Hollande rend hommage à ses prédécesseurs ». C'est ainsi que François Hollande déclare notamment que Valéry Giscard d'Estaing « relança la modernisation de la société française » et que François Mitterrand « fit tant pour faire avancer les libertés et le progrès social ». Il s'agit pourtant de deux périodes qui se sont caractérisées globalement par une mise en cause de plus en plus rude et ouverte des acquis de la Libération. Raison de plus pour consacrer une série d'articles aux discours de François Hollande du 15 mai 2012, dont l'importance du message politique paraît évidente. Que nous prépare ce mandant présidentiel ?

[la suite, sur le lien http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2012/05/15/francois-hollande-premier-discours-i.html ]

http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2012/05/16/francois-hollande-premiers-discours-ii.html

François Hollande : premiers discours (II)

Le 16 mai 2012, dans un article intitulé « Les premiers pas de Hollande », La Dépêche évoque la référence de François Hollande à Jules Ferry en tant que « grand ministre de l'instruction publique » dont la « défense de la colonisation » aurait constitué une « faute morale et politique ». On trouve la même information dans un article du Journal du Centre avec le titre « François Hollande confirme sa volonté de gouverner différemment la France », et dans bien d'autres médias. Comme nous l'avons souligné dans notre article « François Hollande : premiers discours (I) », cette condamnation claire, par la Présidence de la République française, de la politique coloniale de Jules Ferry constitue une réelle avancée. Pour autant, on ne saurait s'en satisfaire pour deux raisons. Tout d'abord, parce que Jules Ferry ne fut pas un simple défenseur de la politique coloniale, mais un véritable promoteur de cette dernière, utilisant de surcroît des arguments violemment racistes. Mais aussi, parce que la réforme de l'éducation qu'il mit en place fut imposée par la situation de l'époque aux capitalistes français dont Ferry défendait les intérêts. L'objectif étant d'améliorer leur puissance industrielle et militaire. Nos articles « François Hollande, la Chine, Jules Ferry... » (I) et (II) ont également abordé ces aspects de la politique de Jules Ferry qui, contrairement à ce que laisse entendre le discours de François Hollande, ne fut pas uniquement Ministre de l'Instruction publique mais aussi (et surtout) Président du Conseil à deux reprises et Ministre des Affaires étrangères. Le 16 mai également, dans une note intitulée « Audrey Pulvar critique l'hommage rendu à Jules Ferry par François Hollande », Grioo Pour Elle se réfère à son tour au tweet d'Audrey Pulvar « Vous avez aimé le discours de Dakar, vous adorerez les races supérieures de J. Ferry ». On peut raisonnablement penser, tout compte fait, que c'est la prétendue « polémique » jugée déplaisante par certains médias, qui a amené François Hollande à formuler un désaveu explicite du colonialisme dans son discours sur Jules Ferry. Ajoutons, en ce qui concerne les lois sur l'éducation de 1881-82 auxquelles se réfère François Hollande, qu'elles furent adoptées au même moment où Jules Ferry jouait un rôle déterminant dans le lancement de la « grande expansion coloniale ». Or on voit mal comment une telle entreprise coloniale aurait pu être durablement menée à terme et maintenue avec des illétrés. L'école de Jules Ferry joua également un rôle idéologique évident dans la transmission d'une idéologie raciste et nationaliste qui, outre la justification du colonialisme, préparait la population à une nouvelle guerre avec l'Allemagne. Autant de circonstances qui font que l'hommage rendu par François Hollande à Jules Ferry ne nous apparaisse point justifié. Une véritable analyse des prises de position récentes de François Hollande paraît d'autant plus indispensable, qu'un secteur des médias adopte une position clairement apologétique et peu propice au réel débat. Dans son discours sur Jules Ferry, Hollande s'éfforce d'opérer une séparation entre la logique du colonialisme et celle des institutions de la République de la même époque. Malheureusement, une telle séparation n'est pas possible, l'expansion coloniale ayant constitué la véritable « grande entreprise » de cette République jusqu'à aboutir à la « revanche » de la première guerre mondiale.

[la suite, sur le lien http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2012/05/16/francois-hollande-premiers-discours-ii.html ]

Cordialement

Le Collectif Indépendance des Chercheurs
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