Une analyse des résultats du premier tour des municipales en Grèce, par Marco Santopadre, journaliste italien pour le site en ligne Contropiano.org.
Mardi 20 mai 2014
Ce n'est pas facile de lire le résultat des élections municipales qui se sont déroulées - nous parlons du premier tour - en Grèce dimanche dernier. Si les premiers résultats en effet préfiguraient un scénario où l'affirmation de la gauche radicale et l'effondrement des partis gouvernementaux semblaient nets, les résultats réels diffusés pendant la journée d'hier ont changé considérablement l'équilibre entre les différentes forces, tout en révélant une extrême complexité du panorama politique hellénique.
Partons du résultat du parti d'Alexis Tsipras. Tout d'abord il faut dire que l'élection locale en Grèce subit des conditionnements majeurs par rapport à l'élection nationale - le clientélisme, le vote en échange de faveurs, la subordination aux chefs locaux sont très fortes surtout dans les régions périphériques - et donc en général les forces de la gauche sont pénalisées.
Il faut dire aussi que les électeurs grecs n'ont pas démontré un grand enthousiasme pour les élections locales qui ont néanmoins une valeur qui n'est pas de routine - la participation a été de 60% environ, comme la dernière fois - et qu'elle ont été présentées par la gauche radicale comme la possibilité de délégitimer un gouvernement de 'larges ententes', pion local de la troïka et de l'Ue, pour ensuite pouvoir demander en cas de percement de Syriza, d'aller aussitôt aux urnes pour donner au pays un exécutif réellement représentatif de la volonté populaire.
Mais le percement si attendu de Syriza n'a pas eu lieu. La coalition conduite par Alexis Tsipras, qui s'est transformée récemment en parti, devra viser entièrement sur le second tour des municipales, dimanche prochain, pour démontrer d'être capable de mettre en déroute les forces gouvernementales qui sont punies par l'électorat surtout dans la capitale et dans sa région, l'Attique, mais qui en général tiennent assez mieux que le jugement populaire prévu, après beaucoup d'années d'asservissement total aux diktats de l'austérité et de la Troïka.
La confirmation de Syriza a été majeure au coeur même du pays, où il a effleuré et dépassé le seuil de 20%, tout en perdant néanmoins des points par rapport aux dernières élections politiques, celles du bond de 5 à 27%.
Le candidat maire de la gauche radicale dans la capitale, le jeune économiste Gavriil Sakellaridis, s'est placé néanmoins à la fin seulement en deuxième position, avec 19.9% des préférences, dépassé par le maire sortant du centre-gauche Jorgos Kaminis (21.1%). Ça s'est mieux passé aux régionales en Attique, où la candidate de Syriza, Rena Douru, a obtenu la première place avec 23.8% contre 22.1% du président sortant, celui-ci aussi du Pasok, Jannis Sgouros. Dans les deux ballottages les plus importants - c'est la première fois que cela arrive depuis la fin de la dictature des colonels - les candidats du centre-droit de Nea Demokratia sont exclus, indiquant un déplacement général 'à gauche' de l'opinion publique, du moins dans la partie qui se rend aux urnes. Dans beaucoup de cas le parti du Premier Ministre Samaras a été boycotté par une partie de ses électeurs qui ne voient pas de bon oeil les avances de la direction de Nouvelle Demokratia par rapport à la droite plus radicale et même des nazis d'Aube Dorée. A Salonyque, deuxième ville du pays par population et par importance, un candidat de centre-droit a été placé en tête et a dépassé celui de ND imposé par la direction.
Si le Pasok, en tant que parti, s'est effondré, mimétisé par ailleurs dans une coalition dénommée 'L'Olivier', certains de ses candidats de l'aire ont conquis le ballottage dans beaucoup de régions et de communes, et même Nea Demokratia peut vanter la première place obtenue dans bien 8 des 13 territoires dans lesquels le pays est divisé. Syriza, par contre, en plus de l'Attique, accède au deuxième tour seulement dans le Péloponnèse, et dans deux autres régions. Dans certains cas il a perdu beaucoup de voix par rapport aux dernières élections politiques, à cause de candidats d'establishment ou originaires du Parti Socialiste - dans certains cas soutenant, jusqu'à un certain point, des prêts usuriers de la Troïka - qui ont éloigné une partie de l'électorat le plus critique et radical. Et même la présence dans certains cas, de listes de plusieurs regroupements locaux de centre-gauche par rapport au Pasok, a convaincu une partie de l'électorat plus modéré de la coalition a déplacer ses préférences.
Si le jeune leader de Syriza, en tour en Italie ces dernières heures pour la campagne électorale européenne, a affirmé que le scrutin d'hier en Grèce, a été un referendum contre l'austérité, même les leaders de centre-droit et celui de centre-gauche qui ont conquis le ballottage ont chanté victoire. Dimanche prochain les candidats de centre-gauche qui ont conquis le ballottage pourront compter sur le soutien de Nouvelle Demokratia, et dans certains cas la faveur pourrait être re-échangée par le Pasok dans l'optique de démontrer que le gouvernement Samaras est stable et a un consensus pour faire barrage aux candidats de Syriza.
Il faut signaler, dans ces élections, le boom non homogène mais indéniable de l'extrême droite néo-nazie. Le candidat d'Aube Dorée à Athènes a obtenu 16,2% en triplant les votes par rapport aux élections municipales de 2010 et en doublant le consensus déjà consistant des dernières politiques. Des résultats un peu plus bas mais alarmants en Attique (11%) et dans d'autres régions du pays, où même à un niveau local - où le consensus est conditionné même par la logique du vote utile et de la gouvernabilité - les néo-nazis s'affirment comme une des principales forces dans le panorama politique. Qu'un parti dont la direction est en prison, accusée d'être à la tête d'une bande criminelle qui s'adonne aux agressions, aux homicides, au racket et à la contrebande d'armes et de la prostitution, obtienne un consensus semblable n'est pas une donnée qui puisse être sous-estimée. Désormais les consensus exprimés dans les zones populaires d'Athènes et des villes helléniques restantes pour les frappeurs de Michaloliakos et camarades, ne peut plus être considéré un éphémère et inconscient vote de protestation mais doit être traité pour ce qu'il est : un enracinement électoral et populaire d'un parti qui propose une 'sortie' réactionnaire, xénophobe et ultra-nationaliste de la crise qui a investi tragiquement la Grèce ces dernières années. Des personnages dangereux et inquiétants comme Ilias Kasidiaris, sous procès pour agression, ont recueilli un consensus de masse respectivement dans les quartiers populaires d'Athènes et en Attique.
Il faut souligner aussi un bon résultat dans des listes et des candidats du Parti Communiste (Kke) - qui se présentait sous la dénomination de 'Regroupement du peuple' - qui ont redoublé partout les maigres consensus obtenus aux politiques de juin 2012, qui se transforment en un referendum entre 'austérité' (Pasok plus ND) et Syriza, tout en convainquant une partie de plus en plus importante de l'électorat du Kke, de voter la coalition de Tsipras.
Cette fois les communistes, nonobstant les difficultés liées au vote local, obtiennent de très bons résultats un peu partout dans le pays et 9% comme donnée moyenne aux régionales.
Marco Santopadre - Contropiano.org