
La loi, dit-on, c’est le droit. Le droit est un outil, dit-on aussi, au service de la justice. Mais ceux qui le pratiquent quotidiennement savent que le droit est surtout une arme efficace au service des riches, plus exactement des dominants.
Le droit est une armée dotée de plusieurs armes. L’arme lourde, le missile, c’est le droit pénal. On dit que le droit pénal domine tous les autres droits, l’emporte sur eux et doit avoir le privilège de la primauté. Et c’est la raison pour laquelle existe un principe procédural qui impose très souvent la suspension des autres procédures, civiles, administratives et disciplinaires. Tous les avocats sont habitués à recevoir des décisions de suspension des procédures introduites, qui doivent être réactivées dès l’issue de la procédure pénale.
Certes, me dira-t-on immédiatement, cette règle souffre de tant d’exceptions que certains doutent même de son privilège. Il n’en demeure pas moins que la théorie est limpide, le droit pénal l’emporte sur le droit civil, sur le droit administratif, sur le droit disciplinaire.
Le droit, les divers droits, sont des armes au service de ceux qui veulent les employer.
La particularité de l’affaire FIFA-MPC-Blatter-Platini est que ces deux anciens dirigeants du football se sont soumis aussi au droit disciplinaire de la fédération international de football, notamment aux décisions de la Commission d’Ethique et de son autorité de recours.
La FIFA, par ses institutions disciplinaires, avait grand intérêt pour retrouver sa virginité, comme si celle-ci n’était pas entachée à jamais par les actes du passé (cf. chronologie de L’1Dex), à fonctionner rapidement. Jamais les membres « indépendants » de ces commissions n’ont songé à suspendre l’avancement des procédures disciplinaires jusqu’à droit connu sur le sort de la procédure pénale. Tout au contraire, ils ont agi dans la procédure disciplinaire avec entêtement et sans désemparer. La FIFA, conduite par le présumé innocent Gianni Infantino, qui ne s’est jamais inséré dans les processus décisionnels de ces autorités (ricanements à souhaits …), avait grand intérêt à obtenir des éclaircissements en forme de condamnations sévères contre Blatter et contre Platini.
Pourtant, dans le même temps, comme le savent tous les pénalistes aguerris, ce que sont assurément deux des avocats français de Michel Platini, Me Hervé Temime et Me Gérard Zbili, les considérations émises dans une procédure disciplinaire rendue publique peuvent avoir comme objectif principal de guider les procureurs en charge de l’instruction, ceux-ci étant confortés – et moins seuls de ce fait – par les opinions préalables émises par de majestueux juges disciplinaires associatifs, évidemment impartiaux, pondérés, calmes, sages et intelligents, des hommes dotés de toutes les qualités
Et, dans ce dossier, les condamnations exemplaires prononcées contre Platini et contre Blatter sont devenues exécutoires bien avant le jugement pénal non encore rendu.
Ne croyez pas que ces événements disciplinaires associatifs soient de peu de portée. Rappelez-vous que Olivier Thormann a dit qu’il avait commis une erreur en n’inculpant pas Michel Platini dès 2015. Peut-on alors lui rétorquer que l’évolution de la procédure disciplinaire a pu le conforter, avec le résultat des séances secrètes, dans le sens d’une inculpation de Michel Platini, devant conduire à une condamnation future du capitaine mythique des Verts.
La FIFA, immensément riche après avoir été pauvre en liquidités, a utilisé son pouvoir disciplinaire, l’arme du droit, pour désarmer Michel Platini, dont la défense se trouvait inéluctablement amoindrie par l’existence de sanctions disciplinaires exécutoires. La kalachnikov, presque mortelle, de la FIFA se nomme sur ce coup droit disciplinaire.
Puis, le MPC, le ministère public de la confédération helvétique, a sorti son missile, presque nucléaire, à savoir la mise en inculpation à la face du monde de l’ancien président de la FIFA et de l’ancien président de l’UEFA. Le simple quidam, convaincu de la parfaite gestion interne de la justice, associative et étatique, était ainsi embrigadé à son corps défendant dans un narratif extraordinairement négatif pour l’oie blanche Blatter et le canard un peu boiteux de naïveté Platini.
L’espoir des ciblés aujourd’hui est simple : que le missile programmé par le MPC, à l’instigation de la nouvelle et pure FIFA, celle pour laquelle Rinaldo de chez nous s’est adressé à Marti et à Lauber pour organiser des apéritifs au Schweizerhof, atterrisse dans un no man’s land de patates douces ou de betteraves rouges, mais surtout pas sur le toit de leur maison.
Le MPC a tant foiré dans ces affaires FIFA, singulièrement dans l’affaire Blatter-Platini, qu’il serait moral que le monde s’aperçoive que le missile, presque nucléaire, voulu par le parquet suisse, se soit tout simplement perdu dans les limbes du n’importe quoi.
La justice suisse, la justice pénale suisse, la justice procédurale pénale suisse, a été déroutée par des incompétents et/ou par des malhonnêtes. Le rôle des magistrats du siège n’est pas aujourd’hui de fournir des emplâtres de bois à des jambes sans force ni énergie, celles du MPC.
Le principal adversaire de Michel Blatter et de Sepp Platini, plutôt l’un que l’autre d’ailleurs, ne sera pas Thomas Hildbrand, le procureur qui plaidera pour l’accusation, mais l’esprit qui animera les trois juges fédéraux, leur esprit de corps s’entend : les magistrats du siège voudront-ils être solidaires avec ceux du parquet ? Le politique suisse aura tendance à répondre oui, l’avocat idéaliste et un peu naïf espère encore le non.
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