
Raymond Moody est le premier à avoir mis en lumière le phénomène des expériences de mort imminente (EMI) en publiant son livre "La vie après la vie" en 1975. Cet ouvrage a été vendu à plus de 13 millions d'exemplaires dans le monde. Ainsi, le Dr Raymond Moody, docteur en philosophie à l'université de Virginie et psychiatre américain, est considéré comme le père fondateur et le précurseur des études sur les EMI.
"Dans ma vie, nombre de mes découvertes ont été le fruit du hasard" martèle le Dr Moody dans les premières lignes de l'introduction de son livre "Paranormal (une vie en quête de l'au-delà)". Les expériences de mort imminente (EMI) ne constituent pas une exception à la règle. C'est un de ses étudiants, qui a lui-même vécu une expérience de mort imminente, qui l'a incité à étudier ce phénomène.
En janvier 1991, le Dr Moody en a lui aussi fait l'expérience. Selon lui, cela a contribué à le rendre plus honnête vis-à-vis de son travail et de lui-même. Il affirme qu'"un homme qui a été lui-même un patient devient un meilleur médecin". Quant à sa méthodologie de travail, c'est Platon qui la lui a inspiré. Dans le "Phédon", Platon insiste sur "la nécessité de toujours introduire un élément narratif dans l'étude de l'après vie car c'est ce qui aide les gens à appréhender les concepts de la vie au-delà de la mort physique; et le recours indispensable à un mode de raisonnement conceptuel qui permet d'aller au-delà des histoires elles-mêmes". Ce sont ces deux points qui ont guidé le Dr Moody dans ses recherches.
Quarante-deux ans après avoir publié votre premier livre "La vie après la vie", qui est devenu un best-seller, comment définiriez-vous l'EMI (expérience de mort imminente)?
Les expériences de mort imminente sont une forme exacerbée de conscience qui arrive aux personnes au seuil de la mort. Cette expérience semble profondément affecter la vie de ceux qui en font l'expérience.
De quand date votre premier contact avec les expériences de mort imminente? Et comment votre intérêt s'est-il développé pour le sujet?
Quand j'étais enfant, je n'avais pas baigné dans la religion et je n'avais aucune conception d'une vie après la mort. En 1962, j'ai découvert les expériences de mort imminente en lisant "La République" de Platon où un passage était consacré à ce phénomène. En 1965, j'ai rencontré un psychiatre, le Dr George Ritchie, qui était la première personne que je connaissais qui a vécu une telle expérience. Depuis lors, j'ai interrogé des milliers de personnes qui ont eu une expérience de mort imminente.
Nous savons de votre livre avec Paul Perry "Ma vie dans la poursuite de l'au-delà" que vous avez vécu une expérience de mort imminente. Pouvez-vous nous en parler? Et pensez-vous que cette expérience personnelle vous a influencé dans votre étude sur ce phénomène?
En 1991, j'ai failli mourir d'une condition thyroïdienne sévère [crise thyréotoxique]. J'ai vécu une sorte de séparation des couches de la réalité, dans laquelle j'ai réalisé qu'il existe un état d'existence plus élevé, plus réel, que celui que l'on rencontre au cours du processus de la mort. Je n'avais pas eu la vision classique de voir mon propre corps. Cependant, j'ai pris conscience qu'un autre type d'existence hyper-réaliste fait partie du processus de la mort.
Pouvez-vous nous donner un modèle d'une expérience de mort imminente? Et quelles sont les différences entre les nombreux témoins que vous avez analysés?
En règle générale, les personnes qui ont été réanimées à la suite d'un arrêt cardiaque nous rapportent qu'elles avaient quitté leur corps physique et racontent en détails les différentes étapes de leur réanimation lorsqu'elles étaient au-dessus de leur corps. Elles racontent descendre dans un passage, souvent décrit comme un tunnel, au sein d'une lumière réconfortante, brillante, dans laquelle elles éprouvent un sentiment intense d'amour et de paix. Elles disent souvent rencontrer les esprits des êtres chers décédés dans cette lumière. Elles décrivent avoir eu une vue panoramique de tous les événements de leur vie, instantanément, dans une sorte de projection holographique.
Quand ces personnes-là reviennent à leurs corps, elles disent qu'elles ont été profondément transformées. Plus précisément, elles nous disent que leur expérience leur a enseigné que le but de la vie d'ici-bas est d'apprendre à aimer. Elles n'ont plus peur de la mort, puisque leur expérience les a convaincues que la mort n'est qu'un portail vers une vie au-delà du monde physique.
Une OBE (out of body experience), acronyme anglais de la décorporation, est l'une des caractéristiques de l'EMI. Pourtant, certaines personnes comme le Français Nicolas Fraisse, qui pratique l'OBE depuis son enfance, affirment avoir eu des sorties de corps hors EMI. Comment cela est-il possible?
Certaines personnes ont eu des expériences de sortie hors du corps sans être au bord de la mort. Vers 600 avant notre ère, le protophilosophe grec Hermotime était réputé pour sa capacité à quitter son corps à volonté. En France, Eric Pigani, pianiste et psychologue, a étudié des cas de chanteurs d'opéra qui ont vécu des expériences de sorties hors du corps en jouant de la musique classique sur scène. Les astronomes rapportent vivre parfois des expériences de sorties hors du corps en regardant à travers leurs télescopes.
Je n'ai aucune idée de ce que signifient ces expériences en fin de compte. Cependant, elles se rapportent à une question essentielle de la philosophie: la problématique corps-esprit. Aristote a mentionné les expériences d'Hermotime comme pertinentes pour les discussions philosophiques sur la nature de l'esprit.
En ce qui concerne le côté sombre de l'EMI: l'expérience de mort imminente négative, quelles sont les différences avec les expériences positives? Et pourquoi y a-t-il moins d'études en comparaison avec l'EMI "normale" ou "positive"?
Les expériences de mort imminente négatives se produisent, mais beaucoup moins fréquemment que des expériences positives, ce qui les rend plus difficiles à étudier. Je n'ai aucune base sur laquelle je peux spéculer sur ce qu'elles pourraient signifier.
Les expérienceurs disent qu'ils sont incapables de décrire avec précision leur EMI, mais ils ne peuvent pas se taire, ils ont besoin de raconter leurs histoires. Leurs témoignages ne se trouvent-ils pas altérés en essayant de mettre en mots ce qui n'est pas facilement descriptible? Et dans quelle mesure leur conditionnement culturel et religieux change-t-il l'exactitude de leurs paroles?
La barrière de la langue est l'une des principales difficultés qu'on retrouve au niveau de la compréhension de la nature des expériences de mort imminente. Quel que soit le degré d'intelligence des gens, ils nous disent qu'ils ne peuvent pas raconter précisément leurs expériences de mort imminente. Je soutiens qu'il est possible d'atténuer ce problème en équipant les gens avec des nouveaux principes logiques à l'avance. Si par hasard ils ont la chance d'avoir une expérience de mort imminente, ils auront de nouveaux moyens linguistiques pour décrire leur expérience.
L'expérience de la mort imminente est-elle la preuve d'une vie après la mort?
Nous n'avons pas encore les moyens logiques et conceptuels pour donner une preuve rationnelle d'une vie après la mort. Cependant, je pense que les expériences de mort imminente apportent quelque chose de positif à la question de la vie après la mort. Je pense que les percées dans la pensée logique pourraient conduire à l'avenir à un compte rendu rationnel des expériences de mort imminente en relation avec la vie après la mort.
Pensez-vous que la biologie a une vision réductrice de l'être humain en affirmant qu'il est une machine intelligente et que la conscience résulte de l'activité cérébrale?
Le philosophe français du 18e siècle Julien Offray de La Mettrie a proposé l'idée que l'homme est comme une machine; une image qui prédomine encore beaucoup chez nos contemporains qui ont pensé à l'esprit... Personnellement, l'idéalisme du philosophe irlandais George Berkeley me semble être un modèle plus convaincant. Je pense que la conscience est la réalité fondamentale et que la physicalité est une projection de la conscience.
Pensez-vous que ce siècle signe le retour du religieux? Si oui, cela pourrait-il amener les gens à s'intéresser davantage à la spiritualité et aux expériences de mort imminente?
La religion semble être un trait invétéré de la mentalité humaine. Son influence sur les gens et la société croît et décroît selon les époques. À plus d'un égard, il semble que les développements du 21e siècle font qu'il est plus probable que les gens s'intéressent de plus en plus aux expériences de mort imminente et à la perspective de la vie après la mort.