LE BONHEUR DU DESASTRE :
LIBRES PROPOS D’UN IRRESPONSABLE
Je me rends ; toute ma vie j’ai pensé que sans une vraie victoire de gauche, notre pays ne connaîtrait que des jours de plus en plus sombres ; je me suis trompé .
Je me rends ; toute ma vie, j’ai cru qu’une personnalité solitaire cultivant son splendide isolement jusqu’à l’absurde , ne pouvait rien ; je me suis trompé .
Je me rends : toute ma vie, j’ai pensé que les jours heureux commencent quand on parvient à mobiliser les forces immenses du peuple à commencer par celles qui se reconnaissent dans la gauche, la chose fût -elle vague ; je me suis trompé .
Je me rends : toute ma vie, j’ai pensé qu’aucune victoire populaire n’était pensable sans le PCF et a fortiori contre lui . Je me suis trompé.
Je me rends : toute ma vie, j’ai pensé que rendre les « outils » forgés au cours des pages de l’Histoire, plus efficients constituait l’unique moyen à notre portée ; toute ma vie , j’ai pensé qu’on ne construit rien de grand dans la destruction et le chaos ; je me suis trompé .
Je me rends : toute ma vie, j’ai cru que le fascisme était la seule idéologie à vouloir éradiquer le PCF ; je me suis trompé .
Je peux continuer …..
Aujourd’hui, après un désastre sans équivalent dans un régime à prétention démocratique, pour la gauche , je vois des gens heu-reux .
Leur bonheur a un nom et un visage ; ils s’étaient goinfrés de l’idée qu’ils seraient à eux seuls l’opposition à la politique dont la sauvagerie vis-à-vis du monde du travail n’aura d’égal que son cynisme ; les résultats les ont changé ; leur bonheur consiste à exister .
Leur bonheur se comprend : ils avaient comme objectif non pas de « dépasser le PS » mais de « le remplacer » ; leur bonheur est de croire qu’ils ont réussi.
Leur bonheur se comprend : visant le PS , leurs balles tiraient à vue sur le PCF ; celui-ci devint leur cible unique et fut désigné « la Mort et le Néant » ; ils n’ont pas complétement réussi leur œuvre de salubrité publique mais ce n’est pas mal ; on conçoit qu’ils exultent .
Mais ce n’est pas tout : ici et là je vois des exhortations à « oublier les querelles « ici , à « redoubler d’efforts pour mobiliser le peuple » bref à tourner la page et à être « courageux » ; ces exhortations viennent de mon parti et heureusement pas de sa Direction .
Je ne parle même pas de ceux qui dans mon parti exultent. Je leur dis que leur joie n’est pas communicative, en tout cas pas pour moi.
Je suis en colére et je ne vais pas le taire ; j’ai de la peine ; aujourd’hui je pense à toutes celles et ceux qui se sont dépensés sans compter dans une bataille sans merci où aucune insulte , aucune avanie ne leur aura été épargnée ; je les connais ; ils et elles n’ont pas besoin d’exhortations ; ils et elles sont et seront debout.
J’ai de la peine : rien n’est pire que d’avoir saccagé sciemment tout espoir de changement ; le bonheur des grotesques criminels s’assoit sur le malheur de millions et de millions de gens écœurés , démobilisés ; l’abstention n’était pas la bonne réponse mais c’était la leur ; de cette réponse , le PCF paie le prix fort mais qui ne pourrait comprendre l’immense lassitude de celles et ceux qui savent que demain sera pire mais ne voient pas dans le paysage politique sciemment saccagé à gauche le début du commencement d’une issue ?
Tourner la page ? Impossible ; le crime a un nom et un visage ; il restera dans l’Histoire comme le plus grand gâchis imaginable pour des motifs inavouables mais publics et avoués ; demain c’est-à-dire aujourd’hui il faudra tout reprendre, tout reconstruire et ça prendra du temps ; mais j’en ai la conviction, sans désigner ce qui fut le principal responsable du désastre , on ne reconstruira rien du tout ; on fabriquera de nouvelles illusions. Le malheur sans causes, le malheur comme plaie de l’Egypte conduit au Front National. Il n’y a pas d’excuses pour ce qui s’est passé.
On reconstruira avec TOUTES les forces disponibles à gauche ; les béats imbéciles d’aujourd’hui en seront ou pas ; ce sera leur décision ; je suggère qu’on ne les attende pas.
Décidément Shakespeare « la prière qui ne vient pas du cœur ne monte pas au ciel »