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Billet de blog 28 février 2011

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Pour l'expérimentation de salles de consommation supervisée

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Existera-t-il quelque part en France en 2012 un processus de mise en place de salles de consommation supervisée liée à certains usages de drogues ? Les futures échéances électorales, et le raidissement sécuritaire qu’elles engendrent traditionnellement à droite, vont-elles freiner l'expérimentation de dispositifs innovants au service d'une meilleure action de santé publique au bénéfice des usagers de drogues les plus vulnérables ?

On peut le craindre, tant le retard français en la matière est manifeste. Les initiatives locales, aussi bien associatives que portées par des collectivités locales, peinent plus que jamais à obtenir le soutien du gouvernement. De nombreuses voix appellent à une évolution prudente et encadrée des pratiques. Le secrétaire général des Nations Unies, l'INSERM, qui a récemment rendu publique une expertise collective pourtant commandée par le ministère de la Santé, le collectif d’associations de Réduction des Risques, les associations « Elus Santé Publique et Territoire » et « Elus locaux contre le Sida », des collectivités locales de tout bord politique, notamment Paris, Marseille et le Havre multiplient les appels à l’expérimentation. Une mission d’information parlementaire sur les toxicomanies a été mise en place et traite notamment des salles de consommation.

Malgré les exemples étrangers et cette quasi-unanimité des acteurs, le gouvernement, par la voix de Monsieur Fillon lui-même, a encore il y a quelques semaines fait connaître son opposition à toute implantation de salles de consommation supervisée, signe d’un laxisme à ses yeux incompatible avec la politique répressive mise en œuvre contre toute forme d’addictions.

Pourtant, l’examen du concept, ainsi que l’analyse des expériences étrangères, permettent de sortir des caricatures dans lesquelles ses opposants souhaitent l'enfermer. Une salle de consommation supervisée est un lieu où les usagers de drogue peuvent consommer des produits psycho-actifs illicites, qu’ils amènent eux-mêmes, sous supervision médicale. Ce dispositif est envisagé comme une réponse aux problématiques concrètes et identifiées sur un territoire spécifique, notamment les scènes ouvertes sur l’espace public

Deux objectifs prioritaires animent donc ces projets :

- Un objectif de santé publique : faire en sorte que les usagers aillent mieux, proposer une prise en charge sanitaire (amélioration de la santé des usagers, réduction des overdoses, lutte contre les infections, poursuite de la réduction des contaminations VIH, VHC, prise en charge des troubles psychiatriques), conduire vers le soin et le sevrage (substitution), et permettre la réinscription des usagers dans des dispositifs sociaux ;

- Un objectif de tranquillité publique, de sécurité et de cohésion : réduire les scènes ouvertes de drogues, les nuisances, les intrusions dans les halls et les caves, les seringues abandonnées ainsi que la délinquance pouvant être liée à l’usage de drogues, pacifier l’espace public, réduire les représentations négatives envers les usagers et apaiser les relations entre habitants et usagers.

Face à la posture morale et idéologique du gouvernement, dernier à croire au mythe d’une société sans drogue, il est grand temps que s’ouvre en France un débat dépassionné qui rendra possible une politique pragmatique et équilibrée en la matière. Outil d’une politique globale de réduction des risques, les salles de consommation supervisée répondent à une obligation de soin et proposent une solution innovante à des problématiques locales et ciblées. La posture gouvernementale actuelle relève donc d’une triple faute : d’abord une mauvaise lecture du débat et des connaissances actuelles, ensuite une idée fausse sur ce que souhaite la population, enfin, sur un plan éthique, un immobilisme coupable qui s’oppose à « l’obligation de non-indifférence » et de sollicitude envers des personnes humaines dont la santé, voire la vie, sont menacées.

En France, la mise en place de salles de consommation supervisée n'est envisagée qu'à titre expérimental, dans le cadre d'un processus très encadré, d'une évaluation stricte et au titre d’une politique globale d’accès aux soins, d’insertion sociale, de réduction des risques et de « réduction des dommages » liés à la consommation. En matière de drogues, il est établi que des bonnes pratiques donnent de bons résultats, comme cela a pu être évalué concernant le sida. Les mesures de réduction des risques liés aux usages de drogues ont été initiées par des gouvernements de droite comme de gauche depuis plus de 30 ans en Europe, et plus récemment en France, permettant des résultats convaincants. Même si l’objectif essentiel d’une politique publique est la diminution de la consommation de drogues, elle doit aussi tenir compte de la réalité, et pour les consommateurs qui ne peuvent ou ne veulent cesser toute consommation, veiller à ce que celle-ci produise le moins de dommages possibles, pour les usagers eux-mêmes et pour autrui. La crispation gouvernementale n'en apparaît dès lors que plus décalée avec la réalité, les arguments scientifiques et les acteurs, professionnels et élus locaux.

NOTE

L’étude « Réduction des risques chez les usagers de drogues » de l’INSERM, du 30 juin dernier, a relancé le débat en France sur les salles de consommation supervisée en soulignant l’intérêt de leur expérimentation en raison des bénéfices positifs en termes de santé publique. Ce débat est récurrent en Europe depuis l’adoption en 2004 par le Parlement européen du Rapport dit Catania [1] , qui fut accueilli en France par une fin de non-recevoir du gouvernement. En matière de drogue, le « retard » français est une réalité, voire un choix.

Les résultats de l’expertise collective de l’INSERM, basés sur une analyse scientifique et l’audition d’experts, ont dans un premier temps été accueillis favorablement par certains membres du gouvernement. En juillet, Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé, annonçait ainsi soutenir les recommandations de l’INSERM. Ce premier signe favorable fut pourtant suivi d'un démenti cinglant de François Fillon, Premier ministre, qui s'empressa de clore un débat pourtant souhaité par de nombreux acteurs en déclarant que les salles de consommation supervisée n’étaient « ni utiles ni souhaitables ». Cette position fut fidèlement relayée par Etienne Apaire, Président de la Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues et les Toxicomanies (MILDT) qui lui embraya le pas en affirmant que « la première priorité est de réduire la consommation de drogues en France et non de l'organiser » et que ce dispositif « va à l'encontre de la politique de prévention menée en France, laquelle repose sur le rappel des dangers des drogues » [2] .

Nouveau camouflet pour la Ministre de la santé, cette fin de non-recevoir faite aux professionnels et aux acteurs du champ sanitaire et social illustre surtout la chimère idéologique d’une « société sans drogue » [3] qui dicte la politique actuelle du Gouvernement. Cette levée de bouclier est d’autant plus surprenante qu’il n’y a pas de différence de nature entre le dispositif proposé et les mesures de réduction des risques adoptées à la fin des années 1980, telles que la distribution de seringues stériles, mesures qui avaient provoqué à l’époque exactement les mêmes réactions de rejet, et qui ne sont plus aujourd’hui remises en cause.

Pragmatique et fondé sur des exemples étrangers, qu'il s'agit non de transposer à l'identique mais d'analyser, ce dispositif mérite un débat serein et non dogmatique, comme le demandent différentes institutions et acteurs faisant autorité [4].

L'examen du concept de salle de consommation supervisée ainsi que les premières expériences d'ores et déjà mises en œuvre à l'étranger, permettent de sortir des caricatures dans lesquelles les opposants au projet souhaitent l'enfermer, comme l'illustre l'expression « salle de shoot » largement véhiculée par les médias et que les tenants de ce projet gagneraient à ne pas reprendre.

En France, le projet n'est envisagé qu'à titre expérimental, dans le cadre d'un protocole très encadré et évalué. Il a vocation à s'inscrire en complémentarité avec les autres dispositifs d’action publique, avec une politique globale d’accès aux soins, d’insertion sociale, de réduction des risques et de « réduction des dommages » liée à la consommation. En effet, même si l’objectif essentiel d’une politique publique est la diminution de la consommation de drogues, elle doit aussi tenir compte de la réalité, et pour les consommateurs qui ne peuvent ou ne veulent cesser toute consommation, veiller à ce que celle-ci produise le moins de dommages possibles pour les usagers eux-mêmes et pour autrui. La crispation gouvernementale n'en apparaît que plus décalée avec la réalité et déconnectée des acteurs.

1 - UNE APPROCHE SANITAIRE ET SOCIALE, ALTERNATIVE, CONFORTEE PAR LES EXPERIENCES ETRANGERES

La salle de consommation supervisée est une structure de soin proposant une approche alternative encadrée par un protocole strict dans un objectif de réduction des risques. Confortés par les différentes expériences européennes, ses objectifs révèlent son intérêt tant en termes de santé que de sécurité publiques.

1.1 - UNE STRUCTURE SANITAIRE ET SOCIALE VISANT UN PUBLIC RESTREINT D’USAGERS DE DROGUES

Une salle de consommation supervisée est un lieu où les usagers de drogue peuvent consommer des produits psycho-actifs illicites, qu’ils amènent eux-mêmes, sous supervision médicale. Ce dispositif d’offre de soins est donc encadré par des personnels soignants et qualifiés (médecins, infirmiers, assistants sociaux, psychologues, éducateurs et parfois médiateurs). Il garantit un cadre thérapeutique, une supervision et une surveillance médicales ainsi qu’une prise en charge sociale et psychosociale. Son organisation impose le respect par les bénéficiaires d’une part du protocole médical, et d’autre part des règles de fonctionnement de la structure (conditions d’accès, horaires, absence de contact entre les bénéficiaires). Une attention toute particulière est portée à la prévention du deal au sein et à proximité de la structure.

La salle de consommation supervisée s’adresse à un public spécifique. Seuls les usagers lourdement inscrits dans la dépendance et la précarité et ayant échoué avec les autres traitements ou avec les autres dispositifs participent à ce type de programme. Exclus des systèmes de soins et d’une prise en charge sociale et psychosociale, ces usagers sont plutôt âgés (de plus de 35 ans) et en situation de grande précarité sociale. Cette structure s’adresse donc à un faible nombre d’usagers. Etienne Apaire, lors de son audition du 20 octobre dernier devant la commission des lois, a réaffirmé que « l’héroïne n’est certes pas devenue une question anecdotique, mais elle ne compte que 70 000 usagers : ce n’est pas le principal problème actuel ».

Or, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) évalue à 230 000 le nombre d’usagers problématiques (c'est-à-dire, selon la définition européenne, les usagers de drogues par voie intraveineuse ou usagers réguliers d’opiacés, cocaïne ou d’amphétamine durant l’année passée pour les 15-64 ans) et à 80 000 le nombre d’usagers qui s’injectent un produit, qui n’est pas toujours de l’héroïne, par voie intraveineuse. En outre, la plupart des salles de consommation intègrent des lieux pour l’injection mais également pour la fumée de certains produits (héroïne, speedball, crack, etc.). Par ailleurs, et c’est essentiel, les salles de consommation ne prétendent pas apporter une solution unique au problème posé. Elles s’inscrivent dans une politique globale qui privilégie la santé publique et visent à organiser l’accompagnement social et la réinscription de ces usagers dans les dispositifs sanitaires et sociaux conventionnels.

Au-delà de la simple question du nombre d’usagers concernés, la salle de consommation répond également à des problématiques concrètes et identifiées d’un territoire donné, telles les scènes ouvertes de drogues sur l’espace public ou les consommations dans un hall d’immeuble. Le lieu d’implantation de la salle doit donc rompre les problématiques et les nuisances d’usages subies par les riverains.

Les salles de consommation participent d’un constat simple : le mieux être des usagers a des conséquences positives tant en termes de santé publique que de cohésion sociale et de sécurité publique.

Ce dispositif répond donc à deux objectifs devant animer une politique équilibrée en matière de drogues :

- Des objectifs de santé publique : proposer une prise en charge sanitaire (amélioration de la santé des usagers, réduire les overdoses, lutter contre les infections, poursuivre la réduction des contaminations VIH, VHC, prendre en charge des troubles psychiatriques), conduire vers le soin et le sevrage (substitution), et permettre la réinscription des usagers dans des dispositifs sociaux ;

- Un objectif de tranquillité et de sécurité publiques : réduire les scènes ouvertes de drogues, les nuisances, les intrusions dans les halls et les caves, les seringues abandonnées ainsi que la délinquance pouvant être liée à l’usage de drogues, pacifier l’espace public, réduire les représentations négatives envers les usagers et apaiser les relations entre habitants et usagers.

1.2 - LES RAISONS DU BLOCAGE FRANÇAIS

Pourtant, les responsables gouvernementaux en France ont fermé la porte à tout projet innovant. On peut s’interroger sur le choix d’adopter une posture morale face à des arguments scientifiques. Pourquoi évoquer l’incitation à l’usage et revenir à l’idéologie de la « guerre à la drogue », alors que ces programmes ne concernent en aucun cas les usagers occasionnels mais des personnes pour lesquelles l’addiction est une maladie chronique qui doit pouvoir être évoquée et traitée comme toute autre maladie chronique ?

Trois hypothèses sont envisageables.

- La première serait celle d'un gouvernement ayant adopté une mauvaise lecture politique du débat en cours dans lequel il ne verrait qu’un premier pas vers une dépénalisation de l’usage des drogues. Si cette hypothèse était avérée, elle démontrerait une grande méconnaissance des préoccupations des professionnels et acteurs de terrain. La MILDT, placée sous l'autorité du Premier ministre, ne doit pas oublier qu’elle est chargée de « l’observation et de la prévention de la toxicomanie, de l'accueil, des soins et de la réinsertion des toxicomanes, de la formation des professionnels, de la recherche, de l'information ». Les propos récents de son président illustrent un certain retour en arrière depuis le début des années 2000, où la MIDLT avait été le fer de lance d'une politique de drogues réaliste et pragmatique, basée sur des études scientifiques et adaptée aux pratiques.

- Deuxième hypothèse, le gouvernement souhaite avant tout privilégier l’interpellation et la sanction au détriment des politiques de santé publique et d’insertion. Or, si les risques sanitaires sont aujourd’hui bien documentés, l’impact des politiques répressives reste incertain. Comme le montrent les études menées par l’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies, on ne peut pas corréler la plus ou moins grande sévérité des politiques pénales avec l’évolution du niveau de consommation. Et, contrairement à ce qu’affirme le président de la MILDT, la diminution de la consommation en France ne peut s’expliquer par l’augmentation des interpellations pour usage. Cette diminution a en effet débuté en 2002 de sorte qu’elle ne peut en aucun cas être imputée à la politique actuelle. En rompant ainsi l’équilibre d’une politique cohérente en matière d’addiction qui s’appuie sur la prévention, le soin, la réduction des risques et la répression, le gouvernement prend le risque de compromettre les bénéfices obtenus en terme de santé publique. Le volet répressif, nécessaire et utile à une politique globale bien comprise, doit avant tout se concentrer sur la lutte contre les trafics et non sur les usagers.

- La troisième hypothèse est que le gouvernement, plus globalement, est déconnecté des expériences plus pragmatiques et des attentes de la population, fondées sur l’expérience et non sur des positions idéologiques. En ne prenant pas les moyens de proposer aux populations les plus

2.2 - UNE METHODOLOGIE ET UNE CONCERTATION RESPONSABLES

Une salle de consommation n’est pas une structure isolée, elle n’a de sens que si elle s’appuie sur les autres dispositifs qui peuvent être développés localement (ex : actions de prévention, formation et soutien aux professionnels, échanges de pratiques, travail en réseau et partenariat, dispositif de soins, programmes de substitution…). Une salle de consommation s’envisage dans la cohérence d’une politique globale et dans un ensemble allant au-delà du système de soin. Elle nécessite un partenariat et un consensus afin de construire des conditions favorables à une expérimentation. La terminologie de « salle de shoot » ne reflète pas la réalité de ce dispositif sanitaire et social, fondé sur le droit et l’accès à la santé, mais conforte les peurs et les représentations négatives de la population à l’égard des usagers de drogue. La pédagogie doit aussi s’adresser à la population.

L’expérimentation doit intégrer un diagnostic préalable, une évaluation précise des objectifs fixés et un accompagnement territorial.

Soutenu politiquement par les élus locaux, le diagnostic associe l’ensemble des acteurs intervenant dans le processus : institutions sanitaires, policières, judiciaires, représentants de l’Etat, acteurs associatifs, société civile et habitants. Un état des lieux précis du territoire doit comprendre des indicateurs non seulement sanitaires mais également de sécurité publique. Il doit révéler les forces, les faiblesses et les opportunités locales ainsi que les réponses apportées en termes de prévention, de soin, de réduction des risques et de lutte contre les trafics. Il s’accompagne de l’examen des données sanitaires et des services de police et de justice disponibles.

De plus, des outils d’évaluation sanitaires, sociaux et criminologiques sont à construire. L’évaluation se prévoit avant ouverture et doit régulièrement être conduite au cours du fonctionnement de l’équipement. Elle doit mesurer les effets sur les usagers et sur le territoire tels que l’amélioration de leur santé physique et mentale, l’accès vers le soin, la diminution des nuisances et de la délinquance. Cette évaluation peut prévoir l’étude des nuisances publiques et l’évolution de la délinquance via des questionnaires (délinquance auto reportée et enquêtes de victimation), des enquêtes sur les représentations de la population sur les usagers de drogues ainsi que l’examen des données de la Police et de la Justice. L’examen des coûts de cette expérimentation est à étudier précisément, en croisant son efficience avec les coûts évités, notamment ceux d’une prise en charge de traitements du VIH et VHC, comme le souligne l’association « Elus contre le SIDA », mais aussi ceux résultant de la marginalisation sociale croissante de ces usagers.

Enfin, le cadre de cette expérimentation doit être défini en partenariat avec les acteurs institutionnels (sanitaires, sociaux, policiers et judiciaires) et avec les acteurs associatifs notamment dans un comité de pilotage qui, réuni régulièrement, permet le suivi et l’accompagnement du processus et les recadrages nécessaires.

Au-delà du partenariat entre les acteurs, les habitants doivent également être associés dans l’ensemble de la démarche, en toute transparence et dans un souci de dialogue et de communication afin qu’ils valident l’implantation de la salle. Cette pédagogie et ce dialogue visent à prévenir le phénomène de rejet dit « phénomène Nimby » (Not in my backyard), qui qualifie l’opposition de populations riveraines à l’implantation de certains équipements publics à proximité de chez eux. Celui-ci ne concerne pas seulement les salles de consommation mais aussi des centres pour mineurs délinquants, des centres d’hébergement pour personnes en difficulté, ou des lieux d’accueil à bas seuil pour usagers de drogues encore actifs (CAARUD). Mais ce dialogue doit aussi viser à associer les habitants aux choix opérés, à leur faire partager les objectifs poursuivis et à réajuster les moyens mis en œuvre en fonction de l’évaluation de l’impact tant pour les usagers de drogue que pour la population riveraine.

Les bénéfices peuvent être attendus si un tel cadre est organisé et si un effort d’explication est réalisé sur les bénéfices attendus en termes de politique sanitaire et de sécurité notamment pour les usagers mieux pris en charge sur le plan sanitaire et social, pour les professionnels intervenant dans des conditions plus sereines, et pour les habitants qui voient les nuisances diminuer, sans oublier l’impact sur le contribuable. Les conditions d’hygiène et de sécurité favorisent l’amélioration de la prise en charge sanitaire et sociale des usagers les plus vulnérables. La salle de consommation pacifie l’espace public et permet la réduction des nuisances, de la délinquance et l’usage de drogues sur le territoire visé. Des craintes restent à dissiper sur l’incitation à l’usage et l’affluence des usagers sur le lieu d’implantation par une communication transparente.

Le débat doit être posé politiquement sur les conséquences attendues tant dans le domaine sanitaire que dans celui de la cohésion sociale et de la sécurité publique.


[1] Proposition de recommandations du Parlement européen à l’intention du conseil sur la stratégie anti-drogue de l’UE. 2005/2012.

[2] Etienne Apaire, éditorial « À propos des salles de consommation », Lettre de la MILDT, n°39, septembre 2010.

[3] Principe posé par Nicole Maestracci, lors de sa présidence de la Mission Interministérielle de Lutte contre les Dépendances et les Toxicomanies (1998-2002) : « La réduction des risques, c’est admettre qu’une société sans drogue n’existe pas, et n’a jamais existé ».

[4] Parmi ces prises de position, on peut notamment citer l'appel à l'expérimentation lancé par le collectif d’associations de Réduction des Risques (dont ASUD, Act-Up Paris, Association Nationale des Intervenants en Toxicomanies et en addictologie (ANITEA), Association Française de Réduction des Risques (AFR)… ), la note du secrétaire général des Nations Unies (Nations unies, AG A/65/255 du 6 août 2010) qui constate l’échec de la politique exclusivement basée sur la répression, la Déclaration de Vienne, signée en juillet 2010 notamment par Françoise Barré-Sinoussi, Prix Nobel de Médecine et co-découvreuse du VIH, l’association « Elus, Santé Publique et Territoire » commanditée par la Mairie de Paris, l’association « Elus contre le Sida », le vœu du Conseil de Paris, le 19 octobre 2010, et le président du Sénat, Gérard Larcher, qui a créé le 20 octobre 2010 une mission parlementaire sur les salles de consommation.

[5] Sources : « Réduction des risques chez les usagers de drogues - Synthèse et recommandations », Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), 2010. Cristina Diaz Gomez, « Les salles de consommation en Europe. Synthèse de la revue de littérature internationale », OFDT Note n° 09- 4. « Avis sur la pertinence des services d'injection supervisée. Analyse critique de la littérature », Institut national de santé publique du Québec, 2009. “Harm reduction : evidence, impacts and challenges - Chapter 11 : Drug consumption facilities in Europe and Beyond”, European Monitoring Center for Drugs and Drug Addiction (EMCDDA), 2010.

[6] Anne Coppel, « la politique de lutte contre la drogue : le tournant de la réduction des risques », Cahiers de l’ACTIF, n°310-311, mars/avril 2002.

[7] Circulaire DGS/S6B/DSS/1A/DGAS/5C n°2006-01 du 2 janvier 2006 relative à la structuration du dispositif de réduction des risques, à la mise en place des centres d’accueil et d’accompagnement, à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD) et à leur financement par l’assurance maladie.

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