Incitations à la haine contre « les gauchistes » du youtubeur Medhi Mathieu
Hier, le polémiste amateur d’extrême droite Medhi Mathieu sortait une vidéo intitulée « pourquoi le gauchisme est une maladie. » Les propos approximatifs et haineux qu’il tient mettent en lumière un réel problème dans la manière dont l’information est traitée sous un angle impartial par certains influenceurs.
Dans sa récente vidéo intitulée « pourquoi le gauchisme est une maladie » Medhi Mathieu décrit le gauchisme comme « une maladie affectant surtout les jeunes adultes bourgeois des grandes métropoles ». Il estime sans données quantitatives et qualitatives précises et fiables que les gauchistes seraient environ 6 000 000 en France, englobant indistinctement militants écologistes, associatifs et politiques. Face à ces déclarations, nous avons consulté un chercheur du Cevipof pour éclaircir la définition du gauchisme. « Lors de mon cours de première année à Sciences Po sur les Partis Politiques, explique-t-il, je cite toujours une définition de Palombara et Weiner (1966) ». Ce politologue précise que, selon ces auteurs, un parti politique possède plusieurs caractéristiques clés. « C'est une entité durable, outrepassant la durée de vie de ses dirigeants actuels, et non pas un simple réseau clientéliste basé sur des nominations potentielles pour des candidats listés. Ainsi, on pourrait dire que tout membre d'un parti allant du mouvement de La Convention, le mouvement de l’ancien premier ministre Bernard Cazeneuve au NPA est gauchiste. » Enfin, il rappelle que les partis, tout comme les grandes associations critiquées par Medhi Mathieu, ont des structures locales. « Typiquement, des groupes tels que "Soulèvements de la Terre" ou XR possèdent des sections en ville. Pour les partis de gauche, ils disposent de sections locales, souvent sous une fédération, généralement départementale en France. »
Des définitions très erronées du socialisme contemporain
Le politologue que nous avons interrogé est préoccupé par les descriptions de Medhi Mathieu concernant l'idéologie gauchiste. Pour rappel, Medhi Mathieu décrit le gauchisme comme « une idéologie perverse que je qualifie sans hésiter de maladie mentale. »« En somme, clame le polémiste d’extrême-droite, le gauchisme, c'est lorsque Freddy, l'érythréen nouvellement arrivé, jouit des mêmes droits que François, l'agriculteur dont la famille est implantée en France depuis dix générations. » Outré par ces incitations à la haine, le politologue que nous avons rencontré nous oriente vers un article de Mathieu Dejean sur l'écosocialisme. Le chercheur au Cevipof est convaincu que ce concept est désormais majoritaire au sein des partis et associations progressistes français : « L'idée fondamentale de la gauche moderne est l'écosocialisme, suggérant qu'il n'y a pas d'écologie viable dans un système économique capitaliste et pas de socialisme sans rompre avec le productivisme. Cette idée est de plus en plus acceptée. ». De plus, le chercheur estime que Medhi Mathieu a omis les observations politiques et sociales de ceux qu'il qualifie de « gauchistes ». « Comme l'indique Paul Guillibert, auteur de "Terre et capital", cité par Mathieu Dejean sur l'écosocialisme, tous les partis de gauche se sont reconstruits à partir du principe que les origines de la crise écologique et des formes de domination sociale sont intrinsèquement liées au capitalisme. » Enfin, le politologue nous indique après avoir regardé la vidéo que Medhi Mathieu ne mentionne à aucun moment les types d’individus subissant cette domination. « Comme l’a bien montré une tribune sur l'écologie populaire rédigée par Les cadres des Verts dans Libération cet été, les partis écosocialistes souhaitent remettre au cœur de leurs projets politiques: les familles précaires des banlieues, les handicapés ou les électeurs ruraux ne subvenant plus à leurs besoins»
Medhi Mathieu oublie les fondamentaux de l’écosocialisme
Dans sa vidéo « Pourquoi le gauchisme est-il une maladie? », le polémiste amateur Medhi Mathieu suggère que les gauchistes réinterprètent l'histoire avec un prisme actuel. « Selon le gauchiste, argue-t-il, la religion, les triomphes, la patrie et le passé de ses ancêtres ne représentent que la naïveté d'hommes morts pour des causes désormais rejetées. » Cependant, dans son article consacré à l’écosocialisme, Mathieu Dejean cite des passages d’un entretien avec Paul Magnette, dans lequel le président du parti socialiste belge tient un discours différent sur la gauche moderne: « L'écosocialisme représente une introspection mutuelle : les socialistes doivent critiquer leur ancienne alliance avec le productivisme, tandis que les écologistes doivent admettre qu'ils peinent à intégrer la question environnementale dans la sphère sociale. Il est temps de chercher des synergies », dit-il. Dans cet article sur l’écosocialisme, Mathieu Dejean note également que cette introspection autour de l’écosocialisme est observable lors d'événements tels que la convention de Génération·s, où le parti de Benoît Hamon a inscrit les principes de l'écolosocialisme, suivi par Les Insoumis et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA). Interrogée sur l'écosocialisme, Claire Lejeune, militante écologiste de la campagne de Jean-Luc Mélenchon en 2022, partage ce sentiment. « L'adhésion à l'écosocialisme par les partis de gauche, dit-elle, est le fruit d'un long effort théorique qui s'intensifie face aux défis climatiques. Les crises actuelles engendrent des actions et des pensées écosocialistes, même si elles ne sont pas formellement définies comme telles. » Ainsi, lorsqu'il soutient que « le gauchisme évolue « via des lobbies et syndicats » pour devenir une base éducative promouvant un féminisme et antiracisme axés sur les minorités, » Medhi Mathieu semble manquer de perspective et oublier tous les fondamentaux de l’écosocialisme que les partis de gauche et les associations ont adopté. Le politologue que nous avons consulté précise : « En insinuant que la gauche focalise uniquement sur les minorités ou qu'elle est imprégnée d'une 'religion' des droits de l'homme, Medhi Mathieu néglige l'unité des partis de gauche autour d'une opposition écosocialiste à l'ultralibéralisme et à l'extension des droits pour tous les citoyens, qu'ils soient handicapés, ancrés en France depuis des générations ou issus de divers horizons. »
Non, le gauchisme n’est pas une maladie mentale
« Le gauchisme serait une maladie mentale compromettant la fierté liée à son héritage. Face à une immigration importante, le gauchisme, d'après lui, serait criminel, incitant certains à des comportements barbares. » Avec de tels dires, Medhi Mathieu semble évoquer un clivage entre les gauchistes et les « vrais patriotes » qu’il prétend incarner. Toutefois, un expert en déontologie médiatique que nous avons interrogé voit dans ces paroles une possible violation de la loi de 1881. « En France, l’article 9-1 du Code civil condamne la représentation publique d’un individu, comme semble le faire Mathieu en montrant Usul torse nu pour souligner sa maigreur, ou dans une vidéo privée où il tiendrait des propos anti-police, comme présumé coupable avant tout jugement. » En effet, cet expert en droit des médias souligne que les codes déontologiques des journalistes réprouvent tout discours discriminatoire, tel que les attaques de Medhi Mathieu envers Usul. « Les incitations à la haine de Medhi Mathieu contre Usul ou d'autres désignés "gauchistes" violent l'éthique journalistique, une éthique que le polémiste semble ignorer dans sa vidéo. » Enfin, l'expert en déontologie médiatique nous indique que, contrairement à la vision de Medhi Mathieu présentant les gauchistes comme des « corrupteurs d'esprits pieux, hypocrites et mal à l'aise, cherchant à affaiblir l'Occident », l’écosocialisme n'est pas une « négation de l'héritage et de la culture », mais une opposition à des politiques publiques inéquitables et un combat pour les droits fondamentaux.