Durant ces blogs d’été, j’ai convié de manière totalement imaginaire, des personnalités françaises pour décrypter l’actualité. Et cette fois, j’ai invité le Pancho Villa des salons, le Che Guevara parisien, l’aristo-philosophe BHL qui se lâche à son tour …
BHL SE LACHE …
Pour commencer, comment avez-vous vécu le confinement ?
On a trop cédé à cette épidémie de peur. Il y a eu le conconvirus. Et le virus du virus » ! D’ailleurs dans mon livre « Ce virus qui rend fou », je reviens sur la vague de peur que celle-ci a engendrée. Mais aussi sur l’appli Stop Covid, les « écolos culpabilisateurs », le deuil terrible de ceux qui ont perdu un proche, le « mensonge chinois » et, le « monde d’après » …
Et vous avez réagi avec ce dernier pamphlet ?
Je me cite : « Le moment fut celui d’une stupéfaction. La France entière est rentrée chez elle, sur un claquement de doigt du pouvoir et sans débat. La peur était partout. Toutes les questions étaient, au moins durant le premier mois, balayées au nom de la rhétorique de l’union sacrée. Le gouvernement donnait l’impression de se revancher sur les Français de ce qu’il n’avait pas su, non plus que ses prédécesseurs, prévoir ou organiser, et sans doute le faisait-il aussi pour se protéger lui-même. Les voix dissidentes étaient rares. On sentait pourtant comme une gêne confuse devant ce qui apparaissait comme un excès.
Et comment jugez-vous les actions du gouvernement ?
Je suis très critique du manque de discernement, du défaut d’arbitrage et de calcul qui a conduit au confinement intégral et réfractaire à cette fausse opposition de l’« économie » et de « la vie » inlassablement reprise. Je suis aussi réfractaire à cet état d’urgence approuvé jusqu’à l’extrême gauche et qui, si elle est mis en œuvre à chaque crise, annoncerait peut-être la fin de la démocratie … Je suis réfractaire à toutes ces marottes opportunément ressorties, de l’écologie apocalyptique au souverainisme béat, quand la crise demandait au contraire un souci plus exigeant du réel.
Cela vous surprend ?
Je me sens totalement étranger au monde des « religiosités laïques » et des nouvelles superstitions de l’après Dieu. Et je conteste l’abdication du politique devant le discours, non de la science mais de l’absolutisme scientiste ! Pour moi, Il y a dans nos erreurs, dans notre oubli, quelque chose de facile et d’inéluctable qui évoque une … malédiction.
Comment viviez-vous cette période spéciale ?
Ce n’est pas le premier virus de l’histoire de l’humanité. Aussi, je suis contre le fait de nous dire que cette épidémie était sans précédent. C’est inexact ! On a terrorisé « les gens », en le leur disant alors que c’était une escroquerie car il y a eu des virus encore plus méchants, plus contagieux que le conconvirus ! De plus, je condamne le traitement « absolument anxiogène » de l’actualité par l’ensemble des médias.
Pourquoi ces craintes ?
Pour lutter contre cette bascule bien trop aisée dans la servitude volontaire, dans le gouvernement de “la vie“ qui révèle en creux notre plus profond péril : le préoccupant recul du goût de la Liberté … Je suis contre ces Khmers blancs du risque zéro ! Le malheur des uns faisant le bonheur des autres et notamment des animaux déconfinés ; j’ai été ravi de l'apparition spontanée des animaux au cœur des villes et, de la victoire par KO du capitalisme mondial par une épidémie plus forte que Greta Thunberg, qui va pouvoir retourner à l'école.
Ne fallait-il pas protéger les français et les plus faibles ?
Mais pendant ce temps, les Erdogan, Orbàn, Poutine, Xi Ping comme des chefs de bandes mafieux ont pu prospérer sans un regard et sans la moindre controverse. Jamais nous n'avons été aussi autocentrés. Jamais nous n'avons laissé se propager, derrière le voile de fer de l'état d'urgence, une telle épidémie de rétrécissement de nos libertés.
En feuilletant le recueil de vos chroniques, j’ai relu celles de l’année 2001 dont : « Lettre à ceux qui se sont trompés ». L’État n’a-t’il pas aussi le droit à l’erreur … qui a cependant permis de sauver de nombreuses vies ?
Nous évoluons désormais dans un monde où la vie, devenue sacrée, passe en premier, ce qui n’était pas le cas il y a 60 ans. Cette idée que la vie est sacrée est un progrès extraordinaire. Mais ce qui est malheureux, c’est la viralité extrême de notre système d’information, qui contribue à générer une hystérie dans la perception des choses et dans le débat.
Vous-même, n’avez-vous pas fait une erreur en prenant la défense du Professeur Raouffe contre le duo Buzyn-Lévi ?
Face à la ligne officielle du ministère, j’ai voulu être une passerelle entre les deux. Et en soutenant Raouffe, je ne validais absolument pas le choix industriel de Novartis, mais pensais davantage aux vies à sauver, alors que la France comptait 1.000 morts par semaine…
Et regrettez-vous votre prise de position sur les gilets jaunes ?
J’ai effectivement eu le courage de dénoncer ce mouvement qui n’a pas « le courage de virer les fachos de droite et de gauche » qui l’infestent. Et j’ai appelé à soutenir la politique d’Emmanuel Macron ; la seule option digne face à la montée en puissance des fachos, des factieux et des ennemis de la République … Je persiste et je signe !
Comme vous ne mâchez pas vos mots et vos pensées, quel regard portez-vous aujourd’hui sur ce nouveau (?) gouvernement Macron, en place depuis quatorze jours ?
Rien de nouveau à l’horizon étroit de la vie politique. Cependant, un casting anachronique avec deux curieux choix ! En nommant Dupont-Moretti, on a lancé une grenade dégoupillée au ministère de la Justice. Il me fait penser à Philippe Seguin ou devrais-je dire Sanguin qui passait son temps à faire des scènes et à claquer Ies portes en démissionnant bruyamment.
En choisissant Bachelot à la Culture, ne donne-t’on pas aussi un mauvais signal aux artistes. Ancienne chroniqueuse de l'émission d'Europe 1 de Cyril Hanouna, elle fut omniprésente durant plus d’un septennat dans le petit écran : Le grand 8, Les Grosses Têtes, Les enfants de la télé, Les reines du shopping, Fort Boyard … et même animatrice “politique“ dans l’Heure Bachelot. Ces huit années passées à ripailler à la télévision démonétisent et ringardisent l'ancienne ministre, surnommée la « Tata Flingueuse ». Il ne suffit pas d’aimer Verdi pour pouvoir composer une vraie politique culturelle pour notre pays …
L’affaire du manque de masques l’a semble-t-il complètement réhabilitée ?
Vous voulez dire qu’une nouvelle bourde effacerait une ancienne ? Curieux cheminement intellectuel. Lors de la grippe H1N1 en 2009, l’État français a acheté 94 millions de doses de vaccins et 1,7 millions de masques chirurgicaux et FFP2 pour près de 200 millions d’€uros. Pour éviter une pandémie, il suffit de vacciner 50% des français soit 34 millions alors pourquoi en acheter 3 fois plus ! Quant aux masques, il en faut un par habitant et s’il protège pendant quatre jours, il en faut 175 millions par semaine ! Dans tous les cas, « le compte n’y est pas. »
N’êtes-vous pas très et trop sévère en critiquant une femme, par ailleurs passionnée et sympathique ?
Donc, on pardonne tout à une femme parce que femme : Georgina Dufoix, Roselyne Bachelot, Marisol Touraine, Agnès Buzyn et compagnies ? Alors ne nommons que des femmes au gouvernement et vogue la galère … Si on veut respecter les femmes, soyons exigeant sur leurs compétences ! L’Homme parfait n’existe pas comme la Femme parfaite n’existe pas. Par contre je citerai le grand Stendhal : « L'admission de la femme à “l'égalité parfaite“ serait la marque la plus sûre de la civilisation ; elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain et ses chances de bonheur. »
Et que pensez-vous de sa première mesure comme ministre de la Culture, de reconstruire à l’identique la charpente et la flèche de Notre-Dame de Paris ?
Il fallait effectivement trancher entre les partisans d’une reconstruction à l’identique selon les plans de Viollet-le-Duc et les défenseurs d’un geste architectural contemporain. Je rappellerai qu’au XIX° siècle, l’architecte Viollet-le-Duc avait à l’époque, réalisé un geste architectural contemporain, s’affranchissant des plans de ses prédécesseurs. De plus, l’Histoire nous apprend que les bâtisseurs de Cathédrale étaient toujours “à la pointe de l’innovation“ … Hélas, le résultat conservateur et traditionnaliste ne me surprend pas quand on choisit quelqu’un non pas sur ses compétences mais sur d’autres critères politico-sexiste : parité + madame tout le monde + de droite + atypique + sympathique …
Selon vous, la composition du gouvernement incarne-t’elle "le nouveau chemin" souhaité par Emmanuel Macron pour les deux prochaines années ?
Comme Trump, le président Macron use des réseaux sociaux pour tweeter aux français, les grandes lignes de la dernière partie de son quinquennat : ce “gouvernement de mission et de rassemblement“ devra mettre en œuvre : « relance de l’économie, poursuite de la refondation de notre protection sociale et de l’environnement, rétablissement d’un ordre républicain juste et, défense de la souveraineté européenne ».
Voici venir le temps du “sarkomacronisme” avec l’idée d’une équipe de choc soudée autour de quelques ténors et “grognards”. Avec pareil équipage, je doute de sa réussite à recoller les morceaux avec l’électorat macronien d’origine, c’est-à-dire urbain, jeune, branché digital et lassé des éternelles combines politiciennes … sans parler des retraités, des ruraux, des petits patrons. Les classes moyennes inquiètes du communautarisme seront, sans aucun doute, les nouvelles et principales cibles de l’hydre “Sarkomacron”.
Que manque-t’il selon vous à ce gouvernement de mission ?
Le grand challenge de demain, c’est l’Intelligence Artificielle et donc le numérique avec les smart cités ! Emmanuel Macron en a parlé à Angela Merkel lors du sommet franco-allemand et la Chancelière en a fait sa ligne industrielle prioritaire mais la France qui avait auparavant un secrétariat au numérique n’a même plus de strapontin pour cet enjeu primordial !
C’est dramatique car l’IA et l’Aérospatiale devraient être les deux priorités économiques de la France et de l’€urope pour lutter à armes égales face à l’Amérique et à l’Asie … De même que l’énergie propre avec la conception puis la construction de batteries européennes dans le cadre d’une politique durable et autonome ! Hélas, il me semble que ce gouvernement privilégie davantage le programme des futures présidentielles que l’avenir … des français !
N’êtes-vous pas résolument pessimiste pour ce XXI siècle, pour la France et pour l’€urope ?
Pourquoi rester de gauche quand il n’y a plus aucune raison ? Je regarde devant et cherche,
avec la lampe torche de ma méditation, à percer les ténèbres de l’avenir politique.
Michel Foucault, à la fin de sa vie, était obsédé par ce qu'il appelait le triomphe du « pouvoir médical » et la « médicalisation » généralisée de la société. Presque quarante ans plus tard, avec le conconvirus, nous en sommes là. On voit bien aujourd’hui quasiment tous les dirigeants du monde s'entourer de conseils scientifiques auréolés d'un prestige qu'ils aimeraient capter comme un gri-gri. Nous devons évidemment refuser de céder à leur prêchi-prêcha moralisateur et défendre notre démocratie !
À ce sujet, que pensez-vous du référendum à initiative citoyenne ?
Vous avez raison : sondons les enfants dès la maternelle sans oublier leurs papys dans les maisons de retraite ! Supprimons aussi les deux chambres et gouvernons par sondage. N’oublions pas de nommer comme Président, le directeur d’un institut de sondages qui laissera sa place à un confrère tous les cinq ans. Je me demande si le conconvirus n’a finalement pas fait plus de dégâts … dans nos cerveaux et si la septième extinction, celle des humains n’est pas déjà en route …
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Bernard-Henri Lévy, souvent désigné par ses initiales BHL, né le 5 novembre 1948 à Beni Saf (Algérie) est multi-touche-à-tout : écrivain, romancier, essayiste, dramaturge, philosophe, intellectuel, chroniqueur et cinéaste … Marié à Arielle Dombasle depuis 1993, il s’engage sur le chemin des droits de l’Homme et combat contre la purification ethnique au Kosovo puis contre l’islamisme radical … mais il soutient aussi Roman Polanski considérant que c'était un scandale d’arrêter un homme plus de trente ans après les faits. Il a fait d'ailleurs signer une pétition dans ce sens, sur son site.