A écouter ce matin sur France Inter, Benjamin Stora et Jean-Charles Deniau évoquer la mémoire de Maurice Audin, j'avais les larmes aux yeux... Car j'avais brièvement rencontré ce jeune mathématicien au début de 1957 à Alger. Il savait que j'avais été l'ami d'Henri Maillot*, me faisait donc confiance et nous échangeames nos points de vues sur la répression féroce que le général Massu dirigeait sans état d'âme pour mater la résistance animée par le FLN dans le grand Alger.
Il devait être arrêté peu après et sa disparition fit l'objet d'un certain nombre de mensonges officiels qui ne découragèrent ni les journalistes d'investigation ni les historiens.
Ainsi Jean-Charles Deniau qui confessa le général Aussaresses avant sa mort, put-il affirmer : "La mort de Maurice Audin n'est pas une bavure. C'est un crime d'Etat." Et l'historien Benjamin Stora de conclure : "Audin a été tué pour l'exemple car il fallait terroriser les européens qui pouvaient aider le FLN."
Nous savons donc enfin aujourd'hui, cinquante-six ans après l'événement, que le jeune homme a été froidement assassiné par les paras de la Xe DP, sur ordre de Massu, avec probablement l'assentiment tacite du général de Gaulle.
Je comprends maintenant pourquoi la Commission de censure cinématographique avait dans ses attendus de sa décision d'interdiction de mon film "Dreyfus ou l'intolérable vérité" (en 1974), écrit :" la comparaison de l'affaire Dreyfus avec la disparition de Maurice Audin est absolument fallacieuse et les allégations de Monsieur Daniel Mayer sans aucun fondement."
Maurice Audin, l'intolérable vérité.
* l'aspirant Maillot, cadre du Parti communiste algérien (comme Maurice Audin) avait livré un camion d'armes de récupération au FLN. Il sera arrêté, condamné à mort et fusillé en 1956. (un livre, intitulé "Le maquis rouge de l'aspirant Maillot" lui a été consacré par Serge Kastell. Il est paru aux éditions l'Harmattan)