Catherine Martin-Zay, libraire et fille de l'ancien ministre Jean Zay assassiné par la milice en 1944, est décédée le 28 décembre.
Elle a été portée en terre, ce vendredi 5 janvier, au grand cimetière, après des obsèques célébrées au temple d'Orléans.
Catherine Martin-Zay, décédée le 28 décembre à l'âge de 87 ans, a été inhumée, ce vendredi après-midi, au grand cimetière d'Orléans.
Ses obsèques ont préalablement été célébrées à 15 heures, au temple protestant d'Orléans. Environ 270 personnes sont venues soutenir Christian de Montlibert, son compagnon, Sophie Todescato et Jérôme Martin, ses enfants, Gabriel, son petit-fils, Hélène Mouchard-Zay, sa sœur.
Des politiques, dont Jean-Pierre Sueur, ancien sénateur PS, et son successeur Christophe Chaillou, William Chancerelle, adjoint au maire d'Orléans, Marie-Agnès Courroy et Christine Tellier, conseillères départementales, et bien d'autres ont été attentifs aux diverses prises de parole, sobres, émouvantes, mettant en exergue l'histoire et les valeurs de la famille Zay.
Hélène Mouchard-Zay a ainsi lu deux textes de son père, Jean Zay, assassiné par la milice le 20 juin 1944. Deux textes, a-t-elle souligné, qui se sont imposés à elle car elle sait "l'importance qu'ils avaient" pour sa sœur.
"Mon petit Cathou bien aimé"
Le premier est une lettre d'octobre 1939 que la défunte avait souvent évoquée, publiquement. Jean Zay l'avait envoyée pour le troisième anniversaire de sa fille aînée. L'ancien ministre de l'Éducation nationale démarre par "Mon petit Cathou bien aimé", puis confie sa tristesse de ne pouvoir l'embrasser, ainsi que son amour pour elle et sa mère Madeleine qui font que, quoi qu'il arrive, il "ne peut rien craindre de l'avenir".
Le second est un passage, daté du 24 juin 1941, du livre de Jean Zay, Souvenirs et solitude, évoquant le pillage de l'appartement familial parisien et la disparition du mobilier, dont un petit piano d'enfant.
Quelques jours plus tard, Catherine remarque une voiture de la Wehrmarcht en ville et demande à sa mère s'ils n'ont pas de fusil. Madeleine Zay la rassure.
La fillette fait alors remarquer d'une petite voix, que, dans la voiture, il n'y a pas son petit piano...
Avec la mort de son père, elle est privée de son enfance.
Jean Zay aurait été fier du destin de sa fille, "née dans les livres" et devenue "une femme rayonnante et lumineuse qui a repris le flambeau de sa mère pour faire revivre la mémoire de l'action réformatrice si innovante de son père", a ensuite poursuivi Pierre Allorant.
Le président de l'Association des amis de Jean Zay s'est attaché à retracer l'histoire de ses parents.
"La fille du Front populaire"
Catherine, c'est "la fille du Front populaire et de son plus jeune ministre".
Elle est aussi devenue, en 1964, une libraire appréciée aux Temps modernes, qui forment "un point de passage entre deux époques de la cité.
La librairie est un îlot loin de l'austère fac de droit, un refuge où on peut feuilleter les livres sans les acheter tout en fumant des Gauloises bleues, une cabane protectrice des relents haineux qui subsistent encore à Orléans dans les années 60", raconte l'historien.
Une librairie qu'a parfaitement décrite Jean-Benoît Puech, écrivain orléanais qui fut le premier client à pousser ses portes et à découvrir cette femme charmante, intelligente, intimidante.
Sophie Todescato en a lu un extrait hier : "Nous avions l'intuition que nous attendaient des livres diHérents (...).
Nous étions attirés par la seule notion de la modernité."
Catherine Martin-Zay avait trouvé sa voie.
Agnès Lefranc, pasteur, le décrit joliment : elle cherchait "l'entrelacement des textes avec les fils de l'existence humaine".
Catherine Martin-Zay a construit, elle, la femme pleine de fantaisie, qui détestait le conformisme, "quelque chose de vivant et de joyeux", et a trouvé "une voie où elle se sentait libre".
Et d'insister, face à la notion de transmission : "Gardons-nous d'oublier l'histoire des parents de Catherine, l'histoire tragique de la France de Vichy.
Nous risquerions de revoir les fantômes du passé", citant clairement le risque antisémite.
"J'ai perdu un repère de vie"
L'assemblée se recueille. Les représentants du Cercle Jean-Zay, de l'association Guillaume-Budé, de la société des membres de la Légion d'honneur, de la FCPE, mais aussi des anonymes, comme Ludovic Bailly : "C'est normal de venir en tant qu'Orléanais.
C'est la fille de Jean Zay. C'est une partie de notre histoire."
Dehors, les cahiers de signature se remplissent, hommage des Orléanais.
"À mon professeur de français (...)
Pas une semaine sans penser à vous", "Avec toute mon admiration", "Dans l'abri de votre librairie ont éclos grâce à votre accueil nos valeurs humanistes que vous avez profondément partagées", "J'ai perdu un repère de vie avec le départ de Catherine, si amicale, si lumineuse", "C'est une page importante qui se tourne pour beaucoup d'entre nous"... Tout est dit.
Anne-Marie Coursimault