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Billet de blog 11 avril 2017

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Vote de Combat Républicain

Inspiré par les multiples prises de parole populaires contre le Front National, j'essaie d'écrire ce qui me passe par la tête et me motive dans ce sprint final vers l'élection présidentielle. Né Européen, le danger du FN m'est très réel, et il m'est un devoir de contre-attaquer l'offensive de l'extrême-droite. Mon vote ne sera pas qu'utile, il sera vote de combat pour la République.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est le sprint final de l’élection présidentielle, et le blog de campagne fait par l’ECF m’inspire. J’ai été pris par le désir d’écrire il y a bien longtemps et j’ai décidé de m’y autoriser, l’angoisse causée par l’élection aidant probablement un peu. Dans ma famille, on ne parlait pas beaucoup de politique, et surement pas en public. Moi j’en ai envie.

J’ai grandi à Douai, à quelques encablures d’Hénin-Beaumont, dans une zone d’éducation prioritaire et j’y ai passé toute ma scolarité. Que le Front National soit parvenu à quelques victoires dans le coin ne me surprend pas. Le racisme, l’anticommunisme, les skinheads, et le lot de violences qui va avec, c’était quotidien. Moi je suis Européen : issu du melting-pot de la région, entre Flandres, Pologne et France. J’ai beaucoup voyagé et remarqué que si on joue trop sur la fibre nationaliste, les conflits émergeront vite. Il n’y a qu’à voir les supporters de football pour en être convaincu rapidement. Et puis, le deuxième conflit mondial a marqué profondément l’histoire de ma région, de ma famille, et j’ai grandi avec les récits des bombardements, de la destruction, de l’occupation, mais aussi de la joie de la libération et la conviction que l’espoir ne suffisait pas et qu’il faudrait agir pour éviter ça.

J’aborde toujours les Présidentielles avec une certaine ouverture d’esprit, sans trop m’attarder sur les appareils politiques, et j’écoute les candidats de tous bords. La première présidentielle que j’ai intensément vécu était celle de 2002, le choc m’a stupéfait : je savais que la région que j’habitais alors pouvait vite basculer à l’extrême-droite, mais voir que la France entière pouvait se laisser séduire par Le Pen m’a laissé sans voix. Avais-je oublié, ou peu creusé, la France de la 3ème République ? L’Education Nationale avait-elle omis de parler de Maurras, Daudet, et de la tentation antirépublicaine de l’époque ? Certes, il y avait plus de talent littéraire que dans le vulgaire Front National, mais tout de même. Le Nationalisme en France, ce n’est pas nouveau.

L’illusion ne m’a pas été permise. Ce sentiment que je ne peux qu’imaginer agréable de pouvoir librement voter pour le candidat qui saurait créer le désir, sans calculer les conséquences, je ne l’ai pas. En vérité, j’accepte de le sacrifier, c’est ce qu’on appelle une concession, pour quelque chose de plus grand : la République. Car dans la République, je me sens Français. Pas besoin d’agiter un drapeau bleu-blanc-rouge à outrance, pas besoin de me faire rêver sur un soi-disant passé où tout était mieux, ou d’une orgie de symboles jusqu’à l’overdose : la République, c’est Liberté, Egalité, Fraternité, et c’est en ça peut être que je peux me sentir français, ce qui était loin d’être un acquis.

Mon vote sera donc un vote contre le Front National. C’est la priorité. Comme disent les anglo-saxons, I don’t buy cette Marine Le Pen qui serait républicaine, exorcisée, soudainement cultivée à coup de name-dropping. Pour autant elle n’est pas dénue de talent, très loin de là. Ne surtout pas la sous-estimer. Elle mène la danse et parvient à imposer ses thèmes. En stratégie – ce qui m’est cher – on dirait qu’elle a l’initiative : elle force ses adversaires à être dans la réaction. Quelle inversion des rôles ! Dans la société actuelle, les réactionnaires ont l’initiative.

Ce Front est complètement illisible, et c’est pour ça qu’il est dangereux. La ligne directrice, c’est le nationalisme. Un nationalisme polymorphe, qui mange à tous les râteliers, récupère tout ce qui passe comme faits divers, les déforme, voire invente, à son loisir. Il ne me fait pas l’ombre d’un doute que ce qui permet cette force de frappe du FN, ce sont les nouvelles technologies. La masse d’information à traiter étant devenue trop importante, depuis une dizaine d’années Internet a cessé de modérer. Etait-ce par esprit libertaire, comme cela est expliqué aujourd’hui ? J’en doute. Sincèrement. Je travaille dans ce domaine, et j’y ai plutôt vu une incapacité technique et financière à modérer, à laquelle il faut ajouter l’apprentissage à contourner les diverses chartes ou règles, qui ont fait que la modération ne concerne plus que les pires extrémismes. Ce Front National se nourrit de la liberté d’expression et du monde libéral. Il utilise Facebook, Youtube, Reddit, Discord, envahit les forums de jeux vidéo. Quel comble !

Essayer d’y voir plus clair et de mettre de la lumière là où règne l’obscurité la plus totale n’est pas aisé, mais nécessaire. Comprendre le projet de son adversaire, savoir ce qu’il va cibler, ce qui le motive, c’est la base de la stratégie. Et lorsqu’on l’on souhaite faire un vote de combat, mieux vaut être informé. La difficulté avec le Front National, c’est que s’il est toujours vulgaire, il est beaucoup plus nébuleux qu’à l’époque de Jean-Marie Le Pen.

La ligne économique est autant tentée par Trump ou Reagan que par un socialisme à préférence nationale, même si elles sont diamétralement opposées, ces deux nuances sont maintenant présentes. Concernant la laïcité et la religion, on retrouve la même cohabitation entre un courant anticlérical (le catholicisme et ses valeurs sont en opposition complète avec le projet du Front National) et un courant qui fait de la lutte pour les crèches en mairie une priorité du débat national (ce passage m’a vraiment étourdi). Constante du FN : l’Islam n’a pas sa place en France. Là dessus ils semblent à peu près tous d’accord. D’un point de vue social, il reste un mystère : la présence de Philippot au sein d’un parti qui n’a pas toujours retenu son homophobie… Quand à la politique internationale, elle reste assez claire : prise de parti pour la Russie. Une position cohérente avec le reste du discours, qui pose bien des problèmes à ses adversaires politiques.

Je dois avouer que nos candidats m’ont tous déçu sur un point : la frilosité lorsqu’il s’agit d’attaquer Marine Le Pen. Il y a pourtant de nombreuses brèches au discours de notre extrême-droite. Ont-ils peur ? Est-ce un calcul ? Qu’est ce qui m’effraie dans ce constat ? Les candidats les plus critiqués – de loin – ont été François Fillon et Emmanuel Macron. L’un a été cloué au pilori, et l’autre est assiégé de toutes parts, à la recherche de la moindre faille. Le FN fait la course en tête, sans être inquiété. Veulent-ils tous la deuxième place au premier tour ?

La critique de Macron et Fillon – avant même les affaires – a pris une forme inquiétante. C’est peut-être ce qui m’inquiète le plus après la possibilité de voir le FN remporter l’élection. Ils ont tous les deux étés désignés comme représentants du « monde libéral », et de nombreux glissements de sens ont eu lieu, dans tous les secteurs de la société, y compris à l’école, dans la presse, dans la gauche modérée, sur ce qu’est le libéralisme. Glissements ignorants qui ont joyeusement mêlés libéralisme politique, libertarisme, libéralisme économique. J’ai pu lire que la France était victime de son ultralibéralisme économique ( !), par exemple.

Notre devise est bien Liberté, Egalité, Fraternité, et l’enjeu est bien de réunir ses trois concepts et d’être capable de les allier. C’est ça la France, c’est ça la République. Qui sera à la hauteur ?

Une chose est sûre : mon vote sera utile, quoi qu’il arrive. Car la victoire de la République ne peut être que la défaite du Front National. Je ne sais pas encore pour qui je vais voter. J’essaierai de l’écrire les jours à venir.

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