Mon cher Jacques, permets-moi de te tutoyer. Comme on tutoie son père. Mon père de cœur. Le papa de tous les enfants un peu seuls.
Mon cher Jacques donc. J'aimais ta façon de marcher. À chaque fois que je te voyais déambuler sur la scène immense de ton existence, tu me rappelais l'albatros et ses ailes trop grandes, dont les marins se moquaient et qui, lorsqu'il prenait son envol, imposait le respect.
Jacques, quand tu chantais, tu volais haut dans le ciel, au-dessus de nos têtes d'ahuris. Je te regardais voler mon cœur, mon âme pour me la rendre plus belle.
Mon cher Jacques. J'aimais quand tu t'exprimais, toujours le sourire au coin des lèvres, la main vagabonde dans tes cheveux fous (de Bassan).
J'étais saoul de tes paroles. Je rêvais de m'enfuir en toi, de prendre ma part de folie douce, optimiste et généreuse.
Mon cher Jacques, je me laissais bercer par ton regard d'éternel adolescent, couvert que j'étais par ta jeunesse d'esprit, ton cœur fêlé de trop d'émotions.
Mon cher Jacques, tes fêlures, je les aimaient plus que tout. Elles couvraient les miennes. Alchimiste magicien, quand les larmes se mêlaient aux sourires.
Mon cher Jacques, j'aimais ta fidélité. Aux tiens. Les vivants comme les morts. Quand tu débarquais chez Tao, à Calvi. Je te guettais, ado, dans l'espoir d'une parenthèse où tu chantais la vie... avec des petits bouts de mort dedans.
La mort a logiquement pris la place qui lui revenait.
Où que tu sois Jacques, là-haut, en bas ou ailleurs, ton amour nous irradie pour toujours, nous les enfants perdus.