Version audio : De l'écho à l'écologie
Au début des années 50, alors que le réchauffement climatique subit une accélération exponentielle et que la pollution prend des proportions dantesques, la scène artistique commence sérieusement à s'intéresser à la question. Pourtant, à la fin de la deuxième guerre mondiale, l'écologie, c'est le cadet de nos soucis. L'heure est au business et à la reconstruction, comme au Havre, ville totalement détruite.
A quelques 700 kilomètres au nord du Havre, la ville de Salford. Dans la banlieue ouvrière de Manchester, on a échappé aux bombardements. Salford est un centre industriel. L'industrie du coton y est florissante. Pour quelques privilégiés seulement. Les autres qui habitent près des usines sont asphyxiés par les fumées. Salford est un des premiers centres industriels de Grande Bretagne. Ewan MacColl y vit depuis sa naissance. Acteur, chanteur, écrivain, homme de théâtre et communiste, il écrit Dirty Old Town en 1949.
https://www.youtube.com/watch?v=4Wj7xZf8xm8
Une chanson qui fera son chemin jusque dans les années 80... reprise de multiples fois. Même en Français, par Gilles Servat, avant que The Pogues s'en empare. Succès mondial.
https://www.youtube.com/watch?v=s11BuatTuXk
Mais, il faut plus d'une chanson pour faire bouger les lignes. Et puis, la pollution industrielle et ses conséquences (le dérèglement climatique notamment), ce n'est pas un sujet majeur en 1950. D'autant qu'après la guerre, on focalise sur le nucléaire. Les essais dans l'atmosphère se sont multipliés dans l'atoll de Bikini... Les Français, eux, vont faire leur sale besogne dans le Sahara Algérien. En 1955, avec la java des bombes atomiques, Boris Vian voit dans l'atome une source d'inspiration. A travers la dérision, la dénonciation.
https://www.youtube.com/watch?v=eryzp0Pklc8
En France, au début des Trente Glorieuses, le diesel est roi, la consommation de masse, l'industrialisation à outrance... mais surtout pas le dérèglement climatique. Alors que la courbe du réchauffement est devenue exponentielle depuis la fin de la guerre. De l'écologie, on en parle... Un des signes évocateurs de la pollution avec la réindustrialisation : les fleurs se meurent à Paris...
http://www.ina.fr/audio/PHZ08000161/l-air-devient-impropre-a-la-consommation-audio.html
Cinq ans plus tard (nous sommes alors en 1964), avec Morning Dew, le jeune groupe Américain Grateful Dead a la vision d'un monde apocalyptique, dévasté par la bombe atomique. La chanson est inspirée du film On the beach, sorti au début des années 60 en France sous le titre : On the beach (Le dernier rivage), avec Gregory Peck, Ava Gardner, Fred Astaire et Anthony Perkins.
https://www.youtube.com/watch?v=LN0-gUohb9I
En 1964, on entend The Grateful Dead sur les ondes étasuniennes. C'est 10 ans après la catastrophe de l'Atoll de Bikini. Une bombe 1 000 fois plus puissante que celle d'Hiroshima y avait explosé. Bilan catastrophique pour les populations locales. Ses concepteurs avaient mal évalué la force de l'engin... Bikini deviendra dans les années 60 un joli deux pièces que Brigitte Bardot portera sur la plage de Cannes.
https://www.youtube.com/watch?v=ICkWjdQuK7Q
A l'époque des journaux oseront même titrer : une bombe anatomique... Les victimes des essais nucléaires sur l'atoll auront sûrement apprécié...
Alors, même si quelques catastrophes industrielles se produisent, tout ça reste finalement anecdotique...
Minamata, petite ville côtière et montagneuse de l'est du Japon, n'a pas autant marqué les esprits que le bikini de Bardot. Un mal mystérieux y sévit depuis les années 50. A Minamata, une usine pétrochimique rejette depuis longtemps du mercure dans la mer. La chaîne alimentaire fait le reste.
http://www.ina.fr/video/CAF89045254/minamata-video.html
Des dizaines de milliers de personnes, et leurs descendants, seront touchées par la maladie de Minamata. L'usine ne stoppera ses déversements de mercure qu'en 1966...
Cette année là, la courbe du réchauffement poursuit sa montée en flèche. La première alerte officielle ne tombera que cinq ans plus tard. En attendant, en France, Jean Ferrat impose sa petite parenthèse montagnarde, comme un hymne écolo avant l'heure...
La montage est belle, la mer moins... La première grande marée noire a lieu en mars 1967, entre les cotes anglaises et françaises. Quelques semaines après la catastrophe, Serge Gainsbourg écrit une chanson intitulée Torrey Canyon, le nom du pétrolier échoué.
https://www.youtube.com/watch?v=pXYUZSJ3opk
En 2010, on trouvait encore du pétrole du Torrey Canyon à Guernesey... Le pire dans cette histoire, c'est que finalement, ce sont les détergents utilisés pour lutter contre la marée noire qui auront irrémédiablement détruit une partie de l'écosystème…
Fin des années 60, les océans trinquent et la planète commence à chauffer sérieusement. Alors que le Torrey Canyon inaugure une longue série noire, aux États-Unis, une simulation sur un ordinateur de l'université de Princeton annonce un réchauffement climatique général de deux degrés d'ici l'année 2000. Les prévisions se révéleront terriblement proches de la réalité.
70's, l'alerte est donnée
En 1972, les câbles diplomatiques crépitent : à Stockholm, lors de la toute première conférence de l'ONU sur l'environnement, 30 scientifiques parlent d'un « risque de changement global climatique rapide et grave causé par les humains ». La prise de conscience des politiques sur l'état de la biodiversité et la menace du changement climatique ne va pas tarder.
Aux États-Unis, le 22 avril 1970, des millions de personnes ont déjà célébré le Earth day, Jour de la Terre "in french". L'événement signe une étape majeure sur le front de l'écologie politique. Une prise de conscience collective sur la pollution. Marvin Gaye s'engage lui aussi, et chante Mercy mercy me (the ecology)... pour s'excuser de l'état déplorable dans lequel l'homme met la planète....
https://www.youtube.com/watch?v=efiDnHS3fzk
Au cours des années 70, certains pays dont la France et les États-Unis prennent le pas des scientifiques. En 1974, le secrétaire d'État américain Henry Kissinger demande des investigations sur le changement climatique à long terme. En même temps, l'écologie est devenu un thème récurent dans la musique. La pollution atmosphérique, le nucléaire, la guerre écologique de masse menée en Asie du sud-est, où les effets de l'agent orange sont encore effrayants aujourd'hui : autant de sujets mobilisateurs pour les artistes.
Des Seventies, on retiendra par exemple, Joni Mitchell et son "Big Yellow Taxi", Radioactivity de Kraftwerk, The Kinks avec "Apeman", ou encore tout l'héritage du mouvement folk-hippie, mouvement longtemps tourné en ridicule.
https://www.youtube.com/watch?v=HZRWTq0yACI
Jean-François Bizot, créateur de Radio Nova entres-autres, rétablira la vérité, et leur rendra finalement justice... aux hippies.
http://www.ina.fr/video/I09202579/jean-francois-bizot-a-propos-des-hippies-video.html
Les hippies ont fait leur truc, les politiques aussi : depuis le début des années 70, en France, on a un ministre de la protection de la nature et de l'environnement. Et bim ! Tout ça rythmé par quelques voix déjà célèbres.
https://www.youtube.com/watch?v=Z8O_XEggIMs
https://www.youtube.com/watch?v=mZ1IpETIeV0
https://www.youtube.com/watch?v=-wgqxyOFngY
Dutronc, Ferrer, Polnareff évoquent la pollution, le béton et les dangers de la surconsommation. Même Johnny Hallyday s'y met, en publiant début 70 un album intitulé Vie, disque de l'après 68, poétique, contestataire, écologiste...
https://www.youtube.com/watch?v=zD5AGgKZ1Go
Johnny Hallyday voit même le monde entier sauter...
https://www.youtube.com/watch?v=zbM4MkyEhOc
Et puis, il y a eu Seveso et sa dioxine mortelle le 10 juillet 76, suivi deux ans plus tard par la marée noire de l'Amoco Cadiz... massive, la marée.
https://www.youtube.com/watch?v=USX0fZbO-ps
Jean Yanne et Michel Magne dans leurs œuvres. Jean Yanne qui, en 1977, et dans son style, dénonce un enfer automobile dans un feuilleton radio sobrement titré : l'apocalypse est pour demain !
L'apocalypse, la vraie, est évitée de justesse en 1979 autour de la centrale nucléaire de Three Miles Island. Pour la première fois, la population civile est directement concernée par les dégagements radioactifs. La nouvelle fait la Une du journal de 20h du 31 mars 1979 présenté par Léon Zitrone
https://www.youtube.com/watch?v=U8JeB3zZ_ZU
Dès la rentrée 79, le Muse, Musicians United for Safe Energy, organise une série de concerts au Madison Square Garden... Les No Nukes réunissent, entre-autres, Crosby, Stills & Nash, Bruce Springsteen, The Doobie Brothers, Tom Petty & The Heartbreakers, Ry Cooder ou encore le duo Joy Ryder / Avis Davis, pour ce titre punk anti nucléaire.
https://www.youtube.com/watch?v=9LKypBmoWow
Quant au site de Three Miles Island, plus assez rentable, il devrait définitivement fermer d'ici à septembre 2019.
Des années 70, outre cette avalanche de catastrophes, on retiendra quand même la création du Programme des Nations Unies pour l’Environnement en 1972, dans la foulée de la conférence de Stockholm.
En 1977, la première conférence internationale sur le changement climatique lance un appel à tous les gouvernements du monde face au dérèglement climatique. En France, plusieurs textes de protection de la nature sont votés.
Malgré tout, à la fin de l'année 79, face à Haroun Tazieff, c'est un mur de scepticisme qui se dresse. A la télévision, le vulcanologue veut alerter le grand public sur le réchauffement climatique.
Fin 70, la tendance au réchauffement général se confirme dangereusement. Il est presque déjà trop tard.
Or, les années 80 commenceront avec Reagan et Thatcher, en mode no future.
https://www.youtube.com/watch?v=AbDqXr6LbXo
Version audio : De l'écho à l'écologie