Sur fond de mouvement social grandissant et de guérilla quotidienne à Notre Dame des Landes, l'exécutif En Marche vient de fêter son premier anniversaire. Nous aurons une pensée émue pour François Bayrou, petit ange parti trop tôt après le bruyant scandale des emplois fictifs du MoDem au parlement européen. Si la rhétorique macroniste semble huilée comme un acteur de gonzo en plein acte, elle est aussi la source d'incohérences de plus en plus nombreuses qui marquent des divergences de discours entre marcheurs. Si la vision autocratique d'Emmanuel Macron semble claire, elle n'est pas toujours partagée par son entourage politique. Loi Alimentation, loi asile et immigration, réforme constitutionnelle, gestion des banlieues, le gouvernement semble avoir choisi la ligne politique dite du "faites ce que je dis, pas ce que je fais" pour défendre son programme de réformes. Analyse de ce qui se montre comme le gouvernement des lâches.

J'ai encore en mémoire le Make our planet great again ! lancé d'un air grave par notre bon président Emmanuel Macron le 1er juin 2017 suite à la décision des Etats-Unis de sortir de l'Accord de Paris sur le climat. Outre me faire paraître encore plus étrange l’ambiguë relation entre Trump et Macron, cette réinvention du célèbre slogan américain nous laissait entendre que le mandat du français serait marqué par une forte orientation écologiste et écoresponsable. Les députés LREM viennent pourtant d'adopter la loi agriculture et alimentation, pilotée par le ministère de l'Agriculture et qui fait grand bruit puisque elle est marquée par le rejet de plusieurs amendements gravant notamment dans la loi l’engagement présidentiel d'interdire l'usage du glyphosate, cet herbicide qui provoque plus de cancers chez les agriculteurs que les Gitanes Maïs. De façon cohérente, l'interdiction des épandages de pesticides à proximité des lieux de vie a aussi été écartée, tout comme le projet d’établir, sur un autre dossier, un Fonds d’indemnisation des victimes des produits phytosanitaires, et même l’interdiction de l’épandage aérien des pesticides est remise en cause. Le projet de surveillance par caméras des abattoirs a aussi été modifié, afin que ce ne soit pas obligatoire mais soumis au bon vouloir des abattoirs eux-même. Alors que les apiculteurs de tout l'hexagone défilaient à Paris pour dénoncer les pertes catastrophiques d'abeilles cette année, entre 50 à 90% dans certaines régions, cette loi entérine la mort programmée de notre écosystème et la notre si toutes les abeilles venaient à être empoisonnées.
La loi Asile et Immigration est certainement le pire outrage à ce que certains inconscients se risquent encore à appeler le "pays des Droits de l'Homme". En effet, si le ministère de l'Intérieur souhaite réduire le droit de manifester des français depuis le début du mouvement social par une ultra-présence violente de CRS et de Gendarmes Mobiles à chaque manifestation, le gouvernement s'attaque avec cette loi aux droits des migrants afin de rendre le calvaire d'une régularisation encore plus difficile. En effet, les réfugiés obtenant un visa verront la durée de ce dernier augmentée de 1 à 4 ans, ce qui leur éviterait des procédures administratives annuelles, le problème étant qu'en cas de rejet de leur demande par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), les aspirants à l’asile n’auront plus que quinze jours, contre un mois auparavant pour déposer un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), de plus dans certains cas, quand une personne a formé un recours devant la CNDA, ce dernier ne sera plus suspensif, ce qui signifie qu’elle pourra quand même être expulsée du territoire français avant de recevoir un verdict. Enfin, à différents moments de la procédure, le recours à des audiences vidéo sera facilité ce qui peut être extrêmement pénible pour des nouveaux arrivants ne maîtrisant pas le français. Le 27 juillet dernier, Emmanuel Macron disait vouloir "protéger et accueillir" les migrant originaires de pays à risques. Ce texte de loi fait débat au sein même de la majorité et a été vivement critiqué par certains députés LREM, notamment Sonia Krimi députée de la Manche et Martine Wonner députée du Bas-Rhin, s'insurgeant en commission des lois de la rétention d'enfants mineurs.
Plus inquiétant pour la démocratie, la volonté autocratique d'Emmanuel Macron serait en passe de s'exprimer au delà de ses apparitions jupitériennes. En effet, le gouvernement s'est lancé dans un projet de réforme constitutionnelle qui pourrait réduire les pouvoirs du parlement au profit de l'exécutif, pouvoir déjà bien limité par la constitution de 1958 notamment sur le droit d'amendement. Si le parlement a en théorie toujours le dernier mot, l'article 49.3 marque la prépondérance manifeste de l'exécutif dans son pouvoir décisionnel. La réforme constitutionnelle pourrait permettre au gouvernement d'inscrire plus facilement à l’ordre du jour des assemblées certains projets de loi jugés prioritaires et ainsi d'orienter les débats dans les domaines économique, social ou environnemental, si les conférences des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ne s’y opposent pas. Initialement, le gouvernement contrôlait quasi intégralement cet ordre du jour. La réforme constitutionnelle de 2008 a partagé cette prérogative. Deux semaines sur quatre maximum ont été préservées au bénéfice exclusif du gouvernement, mais l’ordre du jour des deux semaines restantes est désormais fixé par les assemblées. Le gouvernement, qui oriente son champ lexical sur le dialogue, semble donc de fait vouloir gouverner selon son bon vouloir. François de Rugy, ancien candidat aux primaires du PS de 2017 s'étant depuis recyclé député LREM, président de l'Assemblée Nationale a déclaré le 18 avril dernier que « la majorité » ne pouvait pas « s’y retrouver » en l’état. En effet, la réduction du pouvoir des parlementaires fait grincer des dents jusqu'aux bancs de la majorité.
Sur la gestion des banlieues, Emmanuel Macron a refusé d'entériner le "plan Borloo" qu'il avait commandé et qui préconisait pourtant de sanctuariser 10 milliards d'euros pour financer le rattrapage des services publics dans les quartiers. Notre bon président a tenu un discours explicite avec quelques blagues ratées où il explique que concrètement, le plan du gouvernement pour les banlieues, c'est qu'il n'y a pas de plan. Il a même accentué l'hypocrisie en déclarant que "Deux mâles blancs qui ne vivent pas dans les banlieues s'échangent un rapport, l'autre disant 'on m'a remis un plan, je l'ai découvert...' non, ça ne marche plus comme ça".
La politique du gouvernement apparaît donc claire dans son hypocrisie et sa lâcheté. Avec Emmanuel Macron, nous sommes définitivement entrés dans l'époque où le marketing et la communication priment sur les qualités de gestionnaire. Nous avons élu un personnage dont le dessein doit se lire entre les lignes.