Le repli de l'activité extractive de la Compagnie des Phosphates de Gafsa. Au regard des multiples interruptions de la production, du transport des phosphates ou des deux depuis le début de la révolution (l'activité étant réduite de 75 %) on pouvait s'attendre au pire n'eût été la conjonction favorable de deux facteurs : le prix de vente des phosphates ayant atteint des sommets (120$ à rapprocher à 30$ du coût de revient) et un stock de produits finis de plusieurs millions de tonnes.
La CPG a dû se résoudre à créer des sociétés de transport vu l'interdiction de la sous-traitance et de sociétés périphériques pour gérer les problèmes d'ordre environnemental vu que l'extraction des phosphates notamment dans les mines à ciel ouvert est polluante. Cette compagnie est dirigée par un staff logé au siège de Tunis ( ?) avec à sa tête un polytechnicien-ingénieur des Mines natif de Gafsa et qui connaît la maison en appliquant l'état de l'art en matière de gestion cartésienne mais cela ne suffit pas. Ceci étant, la CPG prévoit un repli de sa production à 4.6 Millions de tonnes au lieu de 8 pour 2012.
La corrélation entre les possibilités d'emploi et la qualification
Au plan logique, la CPG a été en tant qu'entreprise au-delà de ses possibilités intrinsèques en établissant un programme de recrutement de près de 4 000 personnes alors que ses effectifs sont de 5 000 employés (partant de 15 000, cet effectif ayant régressé suite à l'automatisation, la CPG étant contrainte à réduire annuellement sa voilure en matière de recrutement).On peut donc se demander comment et pourquoi cette entreprise est le point focal de toutes les récriminations quand justement elle fait un effort titanesque.Certes on peut lui reprocher son déficit communicationnel et la maladresse d'annonce de résultats des concours d'embauche au moment où le pays a un gouvernement démissionnaire quand on connaît la mollesse du gouvernement transitoire.Le problème est que l'embauche des 1 300 personnes dans le cadre de structures spécifiques chargées de l'environnement -ce qui est en soi louable et bénéfique- a été faite dans l'urgence sans programme ni vision prospective au moment où nous connaissons les ravages de la désertification et la dégradation des sols.Par une surenchère continue, ces personnes embauchées dans des conditions meilleures que celles du programme AMAL (salaire de début de 300 d, 500 d voire plus) ne font pas grand-chose et réclament maintenant d'intégrer l'entreprise mère sans avoir les qualifications requises.Autant je suis d'accord avec M Soufiane Ben Farhat qui relève dans le journal La presse le déficit de communication de la CPG, autant en tant que chef d'entreprise, je pense que son affirmation selon laquelle «l'écart entre postes disponibles et qualifications nécessaires ne convainc personne» est erronée.Si la CPG requiert un conducteur d'engins dont un simple pneu peut coûter 20 000 Dinars et qu'il ne figure sur la liste des postulants que des jeunes diplômés en lettres sans permis de conduire, que faire ?
La gestion de l'irrationnel et l'absence de l'Etat
Il est vrai, même si cela paraît irrecevable à un esprit cartésien, qu'un jeune diplômé en droit, chômeur dans la précarité, ne peut pas admettre s'il a postulé à un concours -organisé dans la plus grande transparence- qu'on ne lui accorde pas un poste disponible de conducteur d'engin pour lequel en son âme et conscience il sait qu'il n'a pas les qualifications.Il m'a été donné dans un précédent papier de relater comment le bassin minier dès le protectorat représentait un îlot de prospérité où la « Cobbania » se substituait à l'Etat pour fournir aux populations les fondamentaux des conditions de vie : électricité, eau, dispensaire, école, etc. Il est usuel que les grands groupes miniers (tel Mazembe ou au Kivu en RDC où des milices privées tiennent lieu de forces de l'ordre) deviennent un Etat dans l'Etat, mais ce qui a accentué le désengagement jusqu'à la démission de l'Etat dans le bassin minier et plus généralement dans la région de Gafsa, est le fait politique de la sécession Yousséfiste.Cette sécession a valu aux populations de la région de Gafsa une haine tenace de la part de feu Bourguiba qui a d'ailleurs scindé le gouvernorat rebelle en trois par extraction de Sidi Bouzid et Tozeur.Depuis, hormis l'appareil sécuritaire sur lequel s'est appuyé Ben Ali et le noyautage de quelques traîtres rcdistes à la cause ouvrière de l'UGTT, il n'y a pas de grands attributs de l'Etat dans la région.
Le dossier prioritaire du PM JEBALI
Il paraîtrait que le prochain Président M Marzouki réservera sa première visite à Kasserine, ce qui est une continuité de l'engagement de son militantisme.
Je suggère au chef de gouvernement pressenti M Hamadi Jebali de réserver sa première visite au bassin minier de Gafsa sachant que la solution aux problèmes de la région n'est pas obligatoirement d'ordre rationnel, ce qui lui donnera l'occasion d' en appeler au divin et les populations de ces régions peuvent lui promettre un auditoire plus large que celui auquel il s'est adressé dans sa région natale le Sahel, les gens du sud ayant une hospitalité légendaire!
Il verra que convaincre les mineurs est légèrement plus ardu que légiférer sur la minijupe !Si Gouvernement légitime il y a, il faut que l'Etat revienne par la grande porte dans ces contrées car la CPG n'est pas l'Etat et inversement.
Abderrazak LEJRI -ingénieur, chef d'entreprise natif de Gafsa
http://blogs.mediapart.fr/blog/abderrazak-lejri