Albert TRAN

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Billet de blog 3 décembre 2010

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Sur la définition des mots âme et esprit

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Sur la définition des mots ''âme'' et ''esprit''

Les mots âme et/ou esprit reviennent fréquemment dans la littérature, la poésie, la philosophie, la conversation et surtout les textes religieux. Mais savons-nous exactement ce qu'ils signifient?

Le Larousse définit: a) l'âme comme principe de vie et de pensée de l'homme animant son corps: (rendre l'âme, mourir); ce principe, conçu comme un être spirituel séparable du corps, immortel et destiné à être jugé et b) l'esprit comme principe immatériel, vital, substance incorporelle: (âme par opposition à chair, corps, matière). Par spirituel le Larousse entend qui est de l'ordre de l'esprit, de l'âme (vie spirituelle).

Le Robert définit: a) l'âme comme principe spirituel de l'homme conçu dans la religion comme séparable du corps, immortel et jugé par Dieu (sauver son âme) et b) l'esprit comme principe pensant en général, opposé à l'objet de pensée, à la matière; principe de la vie psychique, affective et intellectuelle, chez une personne. Par spirituel, le Robert entend qui est de l'ordre de l'esprit considéré comme un principe indépendant.

Comprenne qui pourra: âme et esprit se définissent mutuellement l'un l'autre!

Le flou qui entoure les définitions des mots âme et esprit ne date pas d'aujourd'hui: il dure depuis plus de deux millénaires! Il masque des connotations religieuses des définitions précédentes, connotations qui trouvent leur source dans les racines mêmes de la civilisation judéo-chrétienne, plus précisément dans le judaïsme et le christianisme, parce que dans ces temps reculés la culture était détenue par les religieux.

A la fois spirituel, psychique et matériel, l'homme est composé d'un esprit, d'une âme et d'un corps. Cette affirmation est de l'apôtre Paul, de son vrai nom Saul de Tarse en Cilicie (Turquie), l'une des figures principales du christianisme, puisque dans le Nouveau Testament, livre des Evangiles, de l'Apocalypse, des Actes des Apôtres et des Epîtres (lettres) dont treize sont attribuées à Paul. La Première Epître de Paul aux Thessaloniciens (la Thessalonique, en Macédoine grecque) mentionne en (I Th. 5:23): ''Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même et que tout votre être, l'esprit, l'âme et le corpssoit conservé irrépréhensible lors de l'avènement de notre Seigneur Jésus Christ ''.

Pour mieux cerner le sens des mots corps, âme et esprit, il sera nécessaire de se reporter au livre de la Genèse (Genèse, du grec qui signifie commencement, source), premier livre de la Torah (la Loi ou Pentateute), enseignement divin transmis par Moïse, première partie du Tanakh (acronyme hébreu de Torah, Neviim (les Prophètes) et Ketouvim (les autres écrits), la Bible hébraïque ou l'Ancien Testament. Sa lecture appelle bien des observations.

Citons les passages suivants:

(Genèse 1:20) Dieu dit: Que les eaux produisent en abondance des animaux vivants, et que les oiseaux volent sur la terre vers l'étendue du ciel.

(Genèse 1:21): Dieu créa les grands poissons et tous les animaux vivants qui se meuvent, et que les eaux produisent en abondance selon leur espèce; il créa aussi tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu dit que cela était bon.

(Genèse 1:26): Puis Dieu dit: Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre.

(Genèse 1:27): Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il créa l'homme et la femme.

Genèse (2:7): l'Eternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans les narines un souffle de vie et l'homme devint un être vivant.

Dans d'autres traductions, l'expression l'homme devint un être vivant est remplacée par l'homme devint une âme vivante.

Les termes originels désignant ''l'âme'' sont, en hébreu, nèphèsh (respirer) et, en grec, psukhê (souffle). Donc le souffle de vie signifie l'âme. Quand un homme est mort, il ne respire plus, il a rendu son dernier souffle, il a rendu l'âme (sous-entendu à Dieu), car l'âme est un don de Dieu.

En fait, les deux mots nèphèsh et psukhê désignent l'âme aussi bien en tant que personne (vivante) qu'en tant qu'animal (vivant) sans les connotations que le mot français âme implique.

La différence entre l'âme humaine et l'âme animale réside en ce que l'homme seul a été formé à l'image de Dieu, selon sa ressemblance.

Par ailleurs, selon le midrash [méthode d'exégèse herméneutique et homilétique ou, si l'on préfère, méthode d'étude approfondie de textes anciens comportant des interprétations et des commentaires], le nom d'ADAM, le premier être humain, serait formé de ED et de DAM; l'Ed est le siège de la terre et DAM qui désigne le sang, est le siège de l'âme: en perdant tout son sang, l'homme perd son âme. Ceci semble confirmé par les passages:

 

(Genèse 9:3): Tout ce qui se meut et qui a vie [dans le jardin d'Eden] vous [à Adam et à Eve] servira de nourriture; je vous donne tout cela comme l'herbe verte.

(Genèse 9:4): Seulement vous ne mangerez point de chair avec son âme, avec son sang.

(Lévitique 17:11): car l'âme de la chair est dans le sang .

Ou ces passages:

(Genèse 2:16): L'Eternel Dieu donna cet ordre à l'homme: Tu pourras manger de tous les arbres du jardin [d'Eden];

(Genèse 2:17): mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras.

(Genèse 3:4): Alors le serpent dit à la femme [Eve]: Vous ne mourrez point;

(Genèse 3:5): mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal [c'est toujours le serpent qui parle].

(Genèse 3:6): La femme [Eve] vit que l'arbre était bon et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence; elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari [Adam], qui était auprès d'elle, et il en mangea.

(Genèse 3:7): Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures.

(Genèse 3:9): Mais l'Eternel Dieu appela l'homme, et lui dit: Où es-tu?

(Genèse 3:10): Il répondit: J'ai entendu ta voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché.

(Genèse 3:11): Et l'Eternel Dieu dit: Qui t'as appris que tu es nu? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger?

(l'Evangile selon Matthieu 15:19): car du coeur sortent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les fornications, les vols, les faux témoignages, les injures.

(le Prophète Jérémie 17: 9): Le coeur est rusé, et désespérément malin par dessus toutes choses; qui le connaîtra?

 

 

 

Adam voit Dieu, Eve et l'arbre de la connaissance du bien et du mal, qui est dans le jardin d'Eden et dont le fruit tente Eve; mais il ne voit pas son propre corps dont il découvre la nudité après avoir mangé du fruit défendu et il en est de même d'Eve. Adam et Eve (créée par Dieu à l'image d'Adam) voient et entendent tout ce qui est du domaine divin, donc Dieu lui-même; mais ni Adam et ni Eve ne voient leurs propres corps, la réalité des choses, le monde réel tel qu'il se présente à nous. En d'autres termes, Adam, le premier homme de l'humanité, se comportait avant son péché comme s'il était dépourvu de tout sens physiologique, alors que Dieu lui avait permis de voir, d'entendre, d'avoir des envies, des désirs, des émotions, des tentations et bien d'autres choses et lui avait même laissé comme à Eve d'ailleurs la liberté de décider de suivre ou non les prescriptions, de respecter ou non les interdictions de Dieu.

Ne voyant pas son propre corps avant son péché, Adam ne pouvait pas être conscient de l'existence de ce corps et donc, il ne pouvait pas connaître son corps. Il en était de même des choses du monde réel dont l'existence était complètement ignorée d'Adam jusqu'à son péché.

Le serpent, être mauvais, condamné par Dieu à ramper est rusé et intelligent, capable d'argumentation et de persuasion, n'hésitant pas à accuser Dieu de mentir par omission, afin de garder pour lui seul le privilège de connaître le bien et le mal. Ses arguments ont convaincu Eve qui cède à la curiosité, à l'envie, au désir, à la tentation.

Après avoir mangé de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, les yeux d'Adam et d'Eve s'ouvrent sur le monde réel. La perception visuelle nouvelle pour Adam et Eve leur permet de prendre conscience du monde réel et d'accéder ainsi à la connaissance du bien et du mal. C'est que cette connaissance est du domaine réservé de Dieu.

Conséquence de cette désobéissance: Dieu retire l'Esprit Saint qu'il a soufflé en même temps que le souffle de vie dans les narines de ce qui a avait été formé de la poussière de la terre c'est-à-dire sans vie. C'est le souffle divin qui donne la vie, mais aussi l'Esprit Saint (avec des E et S majuscules) permettant l'accès aux choses spirituelles, au domaine de Dieu. Sans cet Esprit Saint, l'homme est spirituellement mort, n'a plus accès aux choses spirituelles. Il est toujours vivant grâce au souffle de vie qui n'a pas été retiré par Dieu; mais, ce qui a changé, c'est qu'il a maintenant accès aux connaissances scientifiques grâce à l'éveil de ses perceptions sensorielles, de sa conscience, et à son intelligence, à son discernement.

Les vols, les meurtres, les péchés de la chair, etc.. sont des comportements humains répréhensibles, mais en aucun cas ils ne peuvent être attribués au coeur, organe physiologique comme on le sait. C'est évidemment une image. Néanmoins, leur attribution demande à être corrigée.

Il ne faudrait pas confondre l'esprit (ruah en hébreu et pneuma en grec) avec l'âme (nèphèsh en hébreu et psukhê en grec), car la Parole de Dieu est vivante et efficace, et plus pénétrante que nulle épée à deux tranchants, et elle pénètre jusques à la division de l'âme, de l'esprit, des jointures et des moelles, et elle est juge des pensées et des intentions du coeur. (Hébreux 4:12).

De la lecture de la Bible découle ceci: l'âme en tant que nèphèsh/psukhê est la créature elle-même (de Dieu), tandis que l'esprit en tant que ruah/pneuma est sa force vitale, qui est à l'origine, est la cause de son action.

Le sens des mots comme les langues elles-mêmes indissociables des civilisations évolue avec le temps. Il n'est pas inutile de connaître le sens originel, l'étymologie d'un mot dont l'usage bon ou mauvais à des époques diverses, dans des contextes différents transforme le sens, qu'on le veuille ou non. C'est ainsi que s'explique la polysémie (grec polus, nombreux et séma, signe: plusieurs sens). Le sens d'un mot dépend finalement du contexte, donc de l'époque où le mot est utilisé.

En conclusion, l'homme peut être considéré comme constitué de trois composantes: l'homme matériel, l'homme psychique et l'homme spirituel. L'homme matériel est fait d'os, de chair et de sang. L'homme psychique abstrait est le siège des sentiments, des émotions, des tentations, de la force et de la faiblesse de caractère, des intuitions, de la subjectivité, de la personnalité; il est irrationnel. L'homme spirituel abstrait aussi est le siège de la raison, de la logique, de l'intelligence, de la conscience, de la volonté; il est rationnel.

A la lumière de l'analyse qui vient d'être exposée et afin d'éviter des connotations religieuses telles que celles contenues dans leurs définitions données par le Larousse et par le Robert, on peut raisonnablement aussi désigner par âme l'homme irrationnel et par esprit l'homme rationnel.

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