Mon activité professionnelle me contraignant à de nombreux trajets ferroviaires, j'ai, comme malheureusement beaucoup d'usagers de la SNCF, de nombreuses anecdotes plus ou moins désagréables à partager sur les retards, annulations, conditions de transport, accueil, politique tarifaire qu'elle pratique.
Comme beaucoup, les désagréments causés par ces expériences malheureuses font de moi un usager insatisfait mais silencieux, ces petits tracas témoignant d'un service très peu à la hauteur des ambitions affichées et des tarifs de la société ne me poussant pas à perdre encore un peu de temps supplémentaire en rendant compte publiquement de ces problèmes.
Jusqu'à mon trajet de jeudi 5 septembre. Pourquoi celui-là ? Sans doute la saturation, mais j'ai fini par me dire que partager cette expérience et quelques autres permettrait, à défaut de provoquer une prise de conscience de la SNCF de la nécessité de réformer en profondeur sa politique à l'égard de ses usagers, de donner de la visibilité aux mécontentements et de la contraindre à y répondre un peu moins mal.
Ce 5 septembre 2013, j'ai donc pris un train partant de la gare TGV de Belfort Montbéliard à destination de Lyon Part Dieu. Je devais enchaîner avec un trajet en avion et les retards s’avérant quasi systématique sur cette ligne, j'avais prévu 3h de battement. La navette aéroport est à la Part-Dieu, mon train était censé arriver à 17h, être à 20h à l'aéroport Saint-Exupéry me paraissait envisageable... Erreur que tout grand voyageur aurait pu me reprocher : ne jamais prévoir un autre trajet le même jour que l'on prend un train de la SNCF.
Le train est donc arrivé avec plus de 2h30 de retard. J'ai bien entendu loupé mon avion, et par conséquent perdu mes billets (207€ non remboursables) et dû me résoudre à être absent à la communion de mon neveu, les billets proposés au dernier moment étant à un tarif prohibitif. Je suis donc allé me renseigner sur les remboursements possibles auprès de l'accueil de la gare et on m'a répondu que la SNCF n'avait aucune procédure pour rembourser quoi que ce soit d'autres que ses trajets. Devant mon insistance pour que les conséquences de l'incapacité de la SNCF à délivrer le service pour lequel j'avais payé soient assumées, on a fini par me dire d'envoyer une réclamation au service client en me prévenant qu'elle n'aurait aucune chance d'aboutir. La position de la SNCF reste obstinément de considérer que sa responsabilité n'est engagée que dans notre transport d'un point A à un point B, refusant de reconnaître que ses passagers ne prennent pas le train pour se rendre d'un point A à un point B mais bien pour participer à une réunion, assister à un concert, passer un entretien d'embauche, prendre un avion. Il n'y aurait donc aucune raison de se rendre à ce point B, et donc d'utiliser le train si nous ne nous reposions pas sur l'espoir que la SNCF effectue son service en temps en en heure pour que nous puissions assister à un événement. La SNCF est un moyen (peu efficace j'en conviens) et non une fin. Les pénalités de retard existent dans la plupart des contrats liant un prestataire à ses clients. Celles-ci se fondent justement sur les divers manque-à-gagner que provoquent ces retards pour le client. Être licencié pour retards chroniques, ne pas être admis à un concours ou entendu à un entretien d'embauche, perdre son escapade week-end ou ses vacances paraissent bien ressembler à ces manque-à-gagner que l'on peut imputer aux manquements d'un prestataire. Outre ce refus illogique de responsabilité, ajoutons que des retards de plus d'une heure, voire dans mon cas de deux heures et demi, amènent des complications et des frais qui n'auraient jamais existé sans les manquements de la SNCF : frais de restauration, d'hôtel, perte de billets retour faute d'avoir pu se rendre à la destination. J'ai beau creuser, je ne vois pas à qui d'autre que la SNCF imputer ces responsabilités. J'ai envoyé, avec la présente lettre, une demande de remboursement au service client de mon programme grand voyageur. Espérons que la diffusion de leur manière d'assumer leurs responsabilités les amènera à réfléchir.
Quitte à rendre compte de cette mésaventure, je me suis dit que cela valait la peine d'en ajouter une autre qui me semble aussi très illustratrice du rapport qu'entretient la SNCF à ses clients.
Cette mésaventure s'est déroulée le 12 septembre 2012. Reprenant mes trajets réguliers sur la ligne Lyon-Strasbourg, je commets l'erreur de descendre du train à la gare de Belfort-Montbéliard TGV en oubliant de prendre mon sac de voyage. A peine sorti, je m'en rends compte et préviens le chef de gare, qui me répond le plus froidement possible qu'il ne peut rien faire. Devant mon insistance et déduisant que répondre à mes sollicitations lui sera moins coûteux que de continuer à ne rien faire, il finit par m'expliquer que les contrôleurs ne sont pas autorisés à toucher aux sacs de voyage. Je réponds que j'ai bien indiqué mes noms et adresses sur le sac, que je peux en faire une description précise, indiquer le wagon, l'étage, l'emplacement exact et donc satisfaire aux exigences de sécurité régulièrement rappelées en gare à l'égard de ce sac. L'employé m'explique alors qu'il ne peut pas joindre le contrôleur sur le train et que la seule gare où il peut demander à sortir le sac est Strasbourg. Ravi de voir enfin un début de solution se profiler (très étonné aussi que des impossibilités finissent par être envisageables, les services doivent être à ce point personnalisés que l'on finit par les rendre à l'insistance du client, tant pis pour les timides et les polis), je réponds que je suis prêt à payer les frais de rapatriements ou à me rendre sur place pour récupérer mon sac (où j'avais des vêtements de travail pour une semaine, plusieurs ouvrages professionnels, des affaires de course à pied, des produits de toilette, donc facilement 400 à 500€ de contenus). Le chef de gare fait alors mine de partir et je dois le rappeler pour lui demander comment je pourrai être tenu au courant. Il me propose d'inscrire mon numéro de téléphone sur un bout de feuille de papier prise au hasard.
Je me rends alors sur mon lieu de travail et ne reçois aucune nouvelle pendant la journée. En fin d'après-midi, j'essaie de joindre la gare et me rends alors compte qu'aucun moyen de contact n'est proposé pour joindre une gare. C'est loin d'être un détail à mon avis : tous les numéros de la SNCF vous donnent la possibilité de payer des choses, mais aucun de vous connecter avec leurs employés de gare. Je dois donc me déplacer jusqu'à la gare de Montbéliard pour leur demander de contacter la gare de Belfort-Montbéliard TGV. J'explique mon cas et lorsque la personne de la gare de Montbéliard en rend compte à son collègue, celui-ci répond que le sac est à Strasbourg. Je demande s'il a bien eu confirmation et il le garantit. Je prends alors en urgence un aller-retour pour Strasbourg car il commence à se faire tard et je devrai prendre le dernier train pour revenir à Montbéliard. Touchée par la complexité de mon cas, la guichetière de Montbéliard me donne le numéro du bureau des objets trouvés pour que je puisse les prévenir de mon arrivée et ne pas trouver porte close. Ce que j'effectue pendant le trajet et, nouvelle surprise, mon interlocuteur me répond très désagréablement qu'il ne voit pas de quoi je parle et qu'il n'a pas de sac correspondant à ma description. Arrivé à Strasbourg, je me rends au bureau, et là un employé très agressif m'explique qu'il n'a pas à s'occuper des sacs dans les trains et qu'il a juste à ouvrir son bureau et que de toute façon, ce qu'on m'a dit dans les autres gares, ça ne le concerne pas ! Voyant que mon sac n'était effectivement pas là et que les personnels de la SNCF n'étaient pas prêts à me rendre un quelconque service, je repars (frais supplémentaire d'une soixantaine d'euros à imputer à mon aventure pour un aller-retour inutile effectué sur la base des informations données par la SNCF).
Le lendemain, je me déplace à nouveau, cette fois à la gare de Belfort-Montbéliard TGV, pour leur demander des explications et où se trouve mon sac (je rappelle que j'avais indiqué exactement où il était et que toutes les informations permettant de ne pas le prendre pour un colis laissé anonymement étaient bien indiquées dessus). Le chef de gare me dit alors qu'il ne sait pas pourquoi on m'a envoyé à Strasbourg et que si le sac n'était pas là-bas c'est qu'il est en Allemagne et qu'il ne peut donc rien faire (un vrai leitmotiv). J'insiste en demandant qu'ils contactent leurs homologues allemands et l'employé me répond avec étonnement que la SNCF n'a aucun contact avec ses homologues. Je demande comment deux organisations gérant en commun des trains peuvent ne pas être liées, de voir avec les services centraux de la SNCF s'il existe un moyen de les contacter et ne reçois que des refus. L'employé va même jusqu'à m'expliquer d'un air contrit "vous savez, nous sommes une petite gare isolée". La SNCF ne serait donc qu'un rassemblement de gares déconnectées les unes les autres, sans organisation générale ? Après que l'on m'ait expliqué qu'il n'y avait aucun numéro à contacter pour signaler ce problème, aucun moyen de contacter d'autres gares ou le terminus allemand, j'obtiens de pouvoir inscrire sur une feuille jaunie une déclaration de perte dont j'ai les plus grands doutes qu'elle n'ait eu d'autre destin que de rejoindre la poubelle. Je me rends donc à mon domicile, trouve très facilement le site de la Deutsche Bahn, les homologues allemands de la SNCF, accède à une version française des pages de contact où se trouve bien mis en valeur un service de déclaration de perte. En naviguant un peu, je constate d'ailleurs qu'ils ont des bureaux parisiens parfaitement accessibles, pour moi et donc a priori pour leurs partenaires économiques... J'obtiens une réponse automatique m'expliquant que le sac sera recherché pendant une semaine, au delà de laquelle mon sac sera considéré définitivement perdu.
Bien entendu, mon sac n'a pas été retrouvé. J'imagine qu'il a fait un heureux parmi les derniers passagers. Mais la comparaison avec les services allemands m'a prouvé le niveau de qualité du service possible (et de volonté de les rendre). À titre de comparaison, je dispose d'une carte « grand voyageur le club » qui me donne accès à un ensemble de services et j'ai fini par garder avec moi les courriers m'ayant expliqué ces derniers pour pouvoir argumenter auprès des personnels à bord ou à quai qui me répondent sinon quasi-systématiquement que ce n'est pas possible et qu'ils ne connaissent pas ces services.
Voilà comment, alors qu'il suffisait de demander à un contrôleur de déposer un sac à une gare quelconque, j'ai perdu toutes mes affaires, deux jours de négociations et plus de 70€ de trajets inutiles. Le fait d'avoir eu des contacts avec les homologues allemands de la SNCF m'a pourtant permis de me rendre compte que ce genre de perte ne devrait pas avoir lieu, qu'il existe des procédures extrêmement simples et peu coûteuses (nécessitant néanmoins un peu de bonne volonté je le concède) pour les éviter. Et ceci paraît normal : parmi tous les voyageurs quotidiens circulant sur les lignes de la SNCF, ce genre de problème doit régulièrement se produire. Comment se fait-il qu'il n'y ait aucune procédure mise en place pour y répondre, aucun document où signaler une perte, etc (ou que les personnels de la SNCF ne les indiquent pas, ce qui revient au même pour l'usager). Je reconnais que je suis à l'origine de cette mésaventure : je n'avais qu'à pas oublier mon sac dans le train. Mais cet oubli très vite signalé justifie-t-il une telle sanction ?
Toutes ces histoires pourraient faire de bonnes scènes d'un film de Tati où tout le monde rirait de voir les personnages essayer de se dépêtrer au sein d'un système censé leur faciliter la vie et finissant dans l'absurdité totale, mais hélas, c'est la triste réalité et personne ne rit en sortant du train.
ps: sombre ironie du sort, j'ai le temps de finir cette lettre car je suis à Chaumont en train d'attendre un train annoncé avec 1h45 de retard. D'après les informations qu'on nous transmet, "un autre train est en panne" (ouvrir un blog répertoriant l'inanité des informations transmises aux passagers ferait un bel ensemble de brèves de gare). Les passagers locaux demandent s'ils peuvent repartir au moins une heure chez eux et on leur répond qu'il ne vaut mieux pas, au cas où un train de remplacement serait mis en place plus tôt... Le sens du service passe par le confort des usagers, les sièges sont tellement nombreux et confortables dans cette grande pièce ouverte aux quatre vents...