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Billet de blog 22 mars 2011

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1956: le retour?

En 1956, des démocraties populaires européennes (la Pologne et la Hongrie) brisaient leur carcan. Au milieu des craquements planétaires, la France se délitait.

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En 1956, des démocraties populaires européennes (la Pologne et la Hongrie) brisaient leur carcan. Au milieu des craquements planétaires, la France se délitait. L'extrême droite hexagonale, dominée par la haine mais habilement populiste et gouailleuse, avait trouvé en Pierre Poujade un bélier à même d'enfoncer la IVe République, incapable de décoloniser, s'épuisant dans les embarras du parlementarisme. Un Front républicain fut bricolé à gauche (escamotant au dernier moment Pierre Mendès France au profit de Guy Mollet).

Cinquante-cinq ans plus tard, en 2011, les régimes autoritaires arabes (à commencer par la Tunisie et l'Égypte) s'écroulent sous la protestation populaire. La Ve République se désagrège sous la poussée d'un Front national raffermi par Marine Le Pen. À droite, celle-ci passe désormais pour raisonnablement intransigeante, par rapport au déroutant Nicolas Sarkozy, qui épuise les inconvénients du présidentialisme.

En 2011 comme en 1956, l'invocation d'un Front républicain monte d'états-majors politiques déboussolés.

En 2011 comme en 1956, l'avilissement intérieur pousse à l'excitation extérieure. Le bouillant colonel Kadhafi fait aujourd'hui les frais du mouvement qui, jadis, visait l'impétueux colonel Nasser. Guy Mollet, flanqué du britannique Anthony Eden, avait assailli l'Égypte. Nicolas Sarkozy et son compère David Cameron bombardent la Libye.

En 1956, Paris et Londres avaient été ravalés à leur rang de puissance mineure par leur protecteur américain. Le président Eisenhower signifia la fin de l'expédition de Suez et Nasser transforma sa défaite militaire en victoire politique.

En 2011, Nicolas Sarkozy a violenté les instances internationales comme il fait fi des corps intermédiaires en France. Il n'a pas mieux manié les consultations multilatérales qu'il ne traite le dialogue social. Il est passé en force, avec le sentiment d'impunité qui lui a longtemps réussi.

L'hôte de l'Élysée a en tête la prouesse réalisée en 1991 par François Mitterrand. Celui-ci, à la faveur de la première guerre du Golfe, avait vu sa côte de popularité passer du gouffre au zénith. Chef de guerre ayant ramassé la mise, il avait pu, dans la foulée, congédier le Premier Ministre qui l'exaspérait (Michel Rocard).

Nicolas Sarkozy se voit déjà reprendre la main, bondir dans les sondages puis se débarrasser de l'encombrant François Fillon. Faire pilonner un pays arabe par deux anciennes puissances coloniales devrait, à ses yeux amnésiques, passer comme une lettre à la poste. Et si Washington, comme voilà cinquante-cinq ans, rappelait à leur devoir de caniches ses féaux présomptueux? Sarkozy finirait en Mollet, stade suprême de la déchéance extérieure et de l'indignité intérieure. Il n'y aurait pas de quoi s'en réjouir, ce qui ne doit pas nous empêcher de le voir venir...