VERS UNE EUROPE SOCIALE, DÉMOCRATIQUE ET FRATERNELLE
PAR UN RÉFORMISME RÉVOLUTIONNAIRE
Résumé :
C’est en 1850 que Marx et Engels utilisent pour la première fois l’expression « évolution révolutionnaire ». Jaurès s’en empara en 1898 et en fit l’un de ses combats théoriques, le considérant comme une nouvelle méthode socialiste. Méthode qui fut ensuite occultée, par les communistes notamment. Communistes soumis alors à la doxa stalinienne. Jaurès est alors érigé en icône, voire en fétiche, et la force subversive de son socialisme fut évacuée.
Henri Lefebvre, en 1968, utilisa l’expression « réformisme révolutionnaire », voisine mais plus moderne, en remplacement de la précédente. Mais l’occultation continua. Aujourd’hui, un historien (Jean-Paul Scot) y a consacré un livre (Jaurès et le réformisme révolutionnaire), et un philosophe, Yvon Quiniou, réactive aussi le sujet : « la révolution n’étant alors que le somme, étalée dans le temps, de réformes qui aboutissent à nous faire changer de société » (Retour à Marx).
Un enseignement essentiel à tirer de l’expérience grecque récente est, je crois, qu’un pays seul ne pourra jamais se sortir des eaux glacées du calcul égoïste de ceux qui dirigent l’Union européenne. En humiliant le peuple grec, c’est surtout une leçon magistrale qu’ils ont voulu donner aux autres peuples du Continent. Certains (de plus en plus ?) semblent maintenant prêts à emprunter la co-location nationaliste offerte par Marine Le Pen. Contre l’idée d’une dissolution de l’U.E., et le retour à des nationalismes d’un autre âge, une action concertée des peuples pour transformer celle-ci en une entité sociale, démocratique et fraternelle, avec la méthode, pour reprendre le mot de Jaurès, du réformisme révolutionnaire serait je crois plus appropriée à notre temps.
Pour y parvenir, quelques mesures phares, préalables, me semblent indispensables pour parvenir à une telle nouvelle Union européenne :
1 – Un même salaire minimum (SMIC) dans toute l’U.E.. Celui-ci est actuellement de 184 € mensuel en Bulgarie et de 1923 € au Luxembourg.
2 – Un même temps de travail légal dans toute l’U.E. et une même durée maximale autorisée de ce temps de travail.
3 – Une même fiscalité dans toute l’U.E. s’agissant notamment de l’impôt sur les sociétés, sans aucune mesure dérogatoire.
Ces trois harmonisations (SMIC, temps de travail, impôt sur les sociétés) sont aujourd’hui impossibles à réaliser car elles requièrent l’unanimité au Conseil des ministres des 28 États de l’Union. Elles ne sont cependant réalisables que dans le cadre de l’Union européenne. Elles sont pourtant capitales, car seules en état de mettre fin à la concurrence malsaine entre les femmes et les hommes des différents pays de l’Union (coûts du travail !). Ces réformes seraient un premier pas conduisant vers une Europe sociale, démocratique et fraternelle. Encore faudrait-il que ces questions soient posées.
Cela, c’est évident, ne viendra pas du fait d’un Conseil des ministres des 28 États membres de l’Union. Il faudra donc que cela soit imposé. Comment ? Par voie référendaire. Je n’en vois pas d’autre. Cela suppose une campagne exceptionnelle menée en ce sens. Pour y parvenir, les moyens pacifiques existent aujourd’hui : la pétition via Internet. Ce procédé a déjà à son actif de nombreuses victoires, sur des sujets les plus divers, quand les pétitionnaires se comptent par centaines de milliers. Ici, il faudrait qu’ils se comptent par dizaines de millions. Si cela « marchait », nul doute que les structures actuelles de l’U.E., devenues obsolètes, craqueraient. Il conviendrait alors d’élire une Assemblée européenne constituante pour en inventer d’autres.
Les questions centrales posées sont aujourd’hui : soit d’humaniser le capitalisme (Manuel Valls) où, si ce mode de production est en fin de vie, d’aller alors vers un « monde nouveau » ? Si on examine un certain nombre d’éléments comptables des économies nationales, il semble bien que la réponse à la seconde question soit oui. Jusqu’ici, les formes violentes de révolution, au 20e siècle, ont produit des sociétés pires que les systèmes capitalistes qu’elles ont remplacé. Reste le « réformisme révolutionnaire » comme méthode à tenter.
Avertissement : Cette chronique, très longue, sera divisée en trois parties, elles-mêmes longues. Elles seront mises en ligne à une semaine d’intervalle. Il sera donc possible, comme d’habitude, de les commenter. Les titres en sont :
I - DE KARL MARX À JEAN JAURÈS… ET HENRI LEFEBVRE : LE RÉFORMISME RÉVOLUTIONNAIRE
II - QUELLES RÉFORMES POUR QUELLES RÉVOLUTIONS ?
III – DU RÉALISME OU NON DE RÊVER UN « MONDE NOUVEAU » ?
I – De Karl Marx à Jean Jaurès… et Henri Lefebvre : le « réformisme révolutionnaire »
Accoucher d’un nouveau monde : au « forceps » ou « sans douleurs » ? Telle l’une des questions fondamentales aujourd’hui posées. L’exemple grec tendrait à plaider pour le « forceps ».
Pour changer de mode de production (de monde de la production), l’accouchement « sans douleurs » historiquement parlant n’a pas la cote. La Révolution française a été violente. Le peuple alors noyé dans les eaux glacées du calcul égoïste d’une royauté absolue a été contraint de recourir à la violence. En réponse à une autre violence donc, et on a alors coupé des têtes. Non par une volonté délibérée, mais en réaction précisément à cette autre violence. Ce n’était pas inéluctable hier, ça ne l’est pas aujourd’hui.
C’est Michel Onfray, dans l’un de ses cours à l’Université populaire de Caen Basse-Normandie (c’était le No 217 et c’était le 17 décembre 2012), cours portant sur le philosophe Henri Lefebvre et intitulé « Pour un réformisme révolutionnaire, qui attira mon attention sur le sujet. Cours remarquable où il cite Lefebvre plaidant pour « un réformisme révolutionnaire orienté par une transformation globale (industrielle et urbaine). Mais il faut, pour une meilleure compréhension, citer le passage entier tiré de Mai 68, L’irruption…, Syllepse, 1998 (l’édition originale étant de 1968) :
« Le dépérissement de l’État qui s’opère dans la forme de la politique absolue, peut s’utiliser pour un changement radical, dans la perspective d’un socialisme redéfini. Principes directeurs : l’autogestion généralisée, avec sa problématique, - la contestation incessante, avec sa confusion et son désordre générateurs d’un ordre nouveau – la constitution d’un réseau à la base d’organisations présentant (selon des règles qui ne seraient pas celles de la représentation) les intérêts des groupes constituant « le peuple » - l’utilisation optimale de tous les moyens techniques y compris le traitement scientifique de l’information. Ce qui détermine non pas un « état » mais un processus, au cours duquel des problèmes nouveaux se posent et peuvent se résoudre dans la pratique sociale. Hors de cette perspective, il y a risque de reconstituer non plus seulement la production économique (comme en 1945) mais les superstructures et les structures elles-mêmes en les adaptant : codes, législations. Réformisme révolutionnaire orienté par une théorie de la transformation globale (industrielle et urbaine) ? Peut-être. ».
Que faire, alors ? C’est par cette question précisément que Michel Onfray terminait son cours. Ainsi résumé par lui-même :
« a) Non pas opposer réforme / révolution
- Car la révolution est un ensemble de réformes avec pour but l’autogestion.
- Il faut « un réformisme révolutionnaire orienté par une théorie de la transformation globale (industrielle et urbaine) » (Mai 68, L’irruption, p.117, Syllepse)
b) Ni socialisme étatique de type bureaucratique
- Ni le réformisme dans le cadre de l’État
- Mais ce réformisme révolutionnaire libertaire
- Qui se réclame d’un Marx & Lénine libertaires
c) Pendant des décennies Henri Lefebvre a proposé au PCF de se ressourcer dans ce Marx libertaire
- On sait ce qu’il en fut…
- Nous en sommes toujours là… »
Mais Henri Lefebvre n’est pas l’inventeur du concept de réformisme révolutionnaire. L’idée vient de Marx en effet, et migra ensuite vers Jaurès.
Marx et Engels au départ donc du concept ? C’est en mars 1850 qu’ils rédigèrent L’adresse du Comité central à la Ligue des communistes où apparaît pour la première fois l’expression d’« évolution révolutionnaire » : « Si les ouvriers allemands ne peuvent s’emparer du pouvoir et faire triompher leurs intérêts de classe sans accomplir en entier une évolution révolutionnaire assez longue, ils ont cette fois du moins la certitude que le premier acte de ce drame révolutionnaire imminent coïncide avec la victoire directe de leur propre classe en France et s’en trouve accéléré. »
« Le texte allemand d’origine dit revolutonäre Entwicklung, ce qui signifie « développement révolutionnaire ». La traduction française est donc erronée, ou du moins inexacte, soit par inattention du traducteur, soit par choix délibéré gros de présupposés philosophico-politiques à ne pas vouloir distinguer scientifiquement évolution et développement » écrit dans une note Bruno Antonini à son article, Esquisse d’une théorie du dépassement du capitalisme (FondationS No 1, mars 2006. Revue qui fut édité par la Fondation Gabriel Péri et qui n’existe plus).
« L’idée fondamentale de l’Adresse est celle de la révolution ininterrompue amenant la suppression de la propriété privée et des classes, la création d’une société nouvelle » écrit Bruno Antonini dans son article.
À l’occasion du centenaire de la publication du Capital, Henri Lefebvre décrivait ainsi la position de Marx sur le sujet : « L’idée de la révolution totale apparaît dans l’œuvre de Marx comme abolition simultanée de toutes les aliénations. Ensuite, Marx répartit dans le temps les objectifs révolutionnaires : fin de la religion – dépassement de la philosophie par sa réalisation – fin de l’économie politique, cette répartition injuste de la pénurie, par l’abondance – dépérissement de l’État – disparition du Droit comme codification imposée à la société. Ces objectifs s’enchaînent et leur ensemble constitue la Révolution. » (En partant du “Capital”, ouvrage collectif sous la direction de Victor Fay, Anthropos, 1968).
Pour Henri Lefebvre, 70 ans après Marx, on l’a vu, le réformisme révolutionnaire (l’expression apparaît alors sous cette forme pour la première fois à ma connaissance) est orienté par une théorie de la transformation globale (le but dans le mouvement).
48 ans après Marx, en 1898, Jaurès reprenait le concept « d’évolution révolutionnaire ». Ceci était décrit dans l’article passionnant de Bruno Antonini, Esquisse d’une théorie du dépassement du capitalisme publié dans la revue FondationS No 1, déjà cité dans d’autres billets, et repris de son livre, État et socialisme chez Jean Jaurès (L’harmattan, coll. « Ouverture philosophique », 2004).
C’est donc Jaurès qui remettra au goût du jour l’idée d’évolution révolutionnaire, esquissant ainsi une nouvelle méthode socialiste : « Je me préoccupais surtout d’introduire jusque dans la société d’aujourd’hui des formes nouvelles de propriété, à la fois nationale et syndicale, communistes et prolétariennes, qui fissent peu à peu éclater les cadres du capitalisme […] J’étais donc dirigé par ce que Marx a nommé magnifiquement l’évolution révolutionnaire. Elle consiste, selon moi, à introduire dans la société d’aujourd’hui des formes de propriété qui la démentent et qui la dépassent, qui annoncent et préparent la société nouvelle, et par leur force organique hâtent la dissolution du monde ancien. […] Et je suis convaincu que dans l’évolution révolutionnaire qui nous conduira au communisme, la propriété collectiviste et la propriété individuelle, le communisme et le capitalisme seront longtemps juxtaposés ».
Évolutionnisme révolutionnaire, réformisme révolutionnaire ? Les deux expressions sont voisines. La seconde, moderne, est apparue plus tard, chez Henri Lefebvre peut-être, en 1968 ? Elle sonne mieux aujourd’hui à nos aux oreilles. Reste le « révolutionnaire » commun au deux expressions et qui change tout quant à leur contenu. La même année (1898), note Bruno Antonini dans son article, « Rosa Luxemburg affirmait dans Réformes sociales ou révolution ? qu’entre réforme sociale et révolution, il n’y avait pas grande différence, à la condition de ne jamais oublier le « but » dans le « mouvement » : la construction d’une société nouvelle. » Tout revient donc à choisir la « bonne » méthode.
Jaurès ne disait pas autre chose quand il écrivait en 1901 dans sa préface à la publication du manifeste communiste, publié alors aux Cahiers de la Quinzaine de Charles Péguy, préface intitulée justement Question de méthode : « L’histoire démontre que des formes diverses et même contradictoires ont souvent coexisté » Et Jaurès répète : « Et je suis convaincu que dans l’évolution révolutionnaire qui nous conduira au communisme, la propriété collectiviste et la propriété individuelle, le communisme et le capitalisme seront longtemps juxtaposés. C’est la loi même des grandes transformations. »
Récemment, un historien, Jean-Paul Scot, a publié un livre sur le sujet, Jaurès et le réformisme révolutionnaire, Le Seuil, 2014. Dans celui-ci, il raconte : « “Jaurès ne s’est jamais dit marxiste”. Telle était la conclusion formulée en 1977 par Madeleine Rebérioux, qui estimait cependant que Jaurès s’éloigne dès 1900 du marxisme et qu’il passe de la critique au silence dans les années 1905-1914. Nous ne partageons pas cette analyse parce que c’est justement au tournant du siècle que Jaurès s’interroge sur le “vrai marxisme” et l’“évolution révolutionnaire” qu’il considère comme la clé marxiste de son gradualisme ; les années suivantes, il dialogue, pratiquement sinon théoriquement, avec les marxistes sur les nouvelles questions qui interpellent tous les militants de l’Internationale socialiste, l’hypercapitalisme et l’oligarchie financière, la guerre et la paix, la nation et l’internationalisme. La spécialiste des études jaurésiennes a certainement été influencée, à son insu semble-t-il, par la thèse d’Althusser, largement acceptée alors, sur la “coupure épistémologique” entre le “jeune Marx” et le “Marx de la maturité”, thèse faisant curieusement du matérialisme marxiste un “antihumanisme” ».
L’histoire du concept est donc déjà longue, mais la vie d’un concept ne se termine qu’avec sa réalisation. Ce n’est pas encore le cas… et la vie continue. Jean-Paul Scot, interrogé à propos de son livre par le journaliste de L’Humanité, Pierre Chaillan, la décrit ainsi : « À gauche comme à droite, on honore Jaurès comme un défenseur de la République, de la justice, de la paix et des droits de l’homme et on ignore le plus souvent sa critique radicale du capitalisme […] Manuel Valls, qui lui préfère Clémenceau, ose déclarer qu’il aurait voté le pacte de responsabilité […] Il est donc grand temps de déconstruire le mythe de Jaurès “icône de la République” pour rétablir toute la force subversive de son socialisme. »
Jaurès ouvre en effet un chemin inattendu pour Jean-Paul Scot : « Par la formule de l’« évolution révolutionnaire » reliant deux termes à première vue antagoniques, Jaurès rejette aussi bien la stérile « phrase révolutionnaire » que toute illusion d’aménagement du capitalisme. […] Le socialisme s’imposera graduellement par l’introduction dans la société capitaliste, sous la pression du mouvement ouvrier, de “formes de propriété qui la démentent et qui la dépassent, qui annoncent et préparent la société nouvelle, et par leur force organique hâtent la dissolution du monde ancien”. »
Jean-Paul Scot ajoute : « Dès 1901, Jaurès renonce à l’idée de dictature du prolétariat et opte pour la voie démocratique ratifiée par le suffrage universel, même s’il n’écarte pas l’éventualité d’une prise du pouvoir à la suite de guerres ou de crises politique majeures. »
Pourquoi n’a-t-on pas essayé la « méthode » Jaurès ? interroge Pierre Chaillan. Réponse de l’historien : « Une fois soumis à la doxa stalinienne, les communistes abandonnèrent longtemps Jaurès au Parti socialiste. Léon Blum put donc se présenter comme son meilleur disciple et François Mitterrand s’arroger seul son aura au Panthéon en 1981. L’héritage de Jaurès a été oublié, ruiné, voire renié par ceux qui se sont prétendus ses plus fidèles héritiers. »
Il s’agit aujourd’hui d’assumer la véritable « Histoire » de Jaurès, et de faire revenir celle-ci dans l’actualité, parce que le concept inventé par Marx et actualisé par Jaurès doit et peut encore servir. C’est ce à quoi participe précisément le philosophe Yvon Quiniou. Qui explicite ainsi le concept : « … il y a deux types de réformisme qu’il ne faut pas confondre, ce qui non seulement clarifie la donne politique, mais évite aussi l’injure fondée sur l’amalgame de l’un à l’autre. Il y a un « mauvais » réformisme, en tout cas un réformisme insuffisant, qui est un réformisme de la fin, à savoir qui entend réformer le système de l’intérieur sans songer à le remettre en cause dans ses bases ou sa finalité essentielle – il veut changer la société sans vouloir changer de société, et cela n’a rien à voir avec la social-démocratie originelle : il a renoncé à l’objectif socialiste. Mais il y a aussi un « bon » réformisme, un réformisme de la méthode, qui, abandonnant le mythe du « grand soir », de la révolution instantanée et totale, sinon violente, maintient l’objectif d’une transformation complète du système (capitaliste), mais entend y parvenir par la méthode de réformes successives, quitte à ce qu’il y ait, bien sûr, des seuils de rupture incontournables – comme le changement de statut de la propriété économique dans un certain nombre de domaines, mais pas forcément tous. Il entend donc bien changer de société, mais progressivement et surtout démocratiquement, en ayant constamment l’aval de « l’immense majorité ». On peut le qualifier non de « réformisme radical » - cette formule tend à noyer le poisson : que veut dire « radical » ? – mais plutôt et paradoxalement de « réformisme révolutionnaire », la révolution n’étant alors que la somme, étalée dans le temps, de réformes qui aboutissent à nous faire changer de société. » (Retour à Marx, pour une société post-capitaliste, Buchet Chastel, 2013).
Les « réformes révolutionnaires » ne sont pas qu’un rêve, elles ont déjà marqué l’histoire sociale et politique de notre pays, même si la dimension révolutionnaire de ces réformes n’était pas clairement discernée. Il suffit de rappeler ces dates : 1936, 1945, pour que les yeux s’illuminent. La Seconde guerre mondiale, l’ignorance, le mépris quant à la « méthode » Jaurès par ceux qui auraient pu la porter, qui auraient dû la porter, la guerre froide, le replis ont fait que la « méthode » n’a pu porter ses fruits.
Dans un article percutant, non pas à propos du « réformisme révolutionnaire » mais de Thomas Piketty, l’économiste Frédéric Lordon, dans Le Monde diplomatique de juin 2015, rappelait cette période et ses promesses : « C’est parce que 1936 a préparé le terrain, parce que les élites libérales des années 1920-1930 ont été liquidées, parce que le patronat s’est couvert de honte dans la collaboration, parce que le Parti communiste français est à 25 % et parce que l’URSS tient les capitalistes en respect que le lendemain de la Seconde guerre mondiale voit un impressionnant mouvement de synchronisation institutionnelle au terme duquel le rapport - de forces – capital/travail bascule en faveur (relative) du second terme : contrôle serré des capitaux, réduction à croupion de la Bourse, concurrence internationale hautement régulée, politique économique orientée vers la croissance et l’emploi, dévaluations régulières, voilà ce qui fait la croissance à 5 % et le capital ramené (de force) à un peu plus de décence. »
Bienfaits économiques de cette période, bienfaits sociaux aussi. Faut-il rappeler les quarante heures, les congés payés, la Sécurité sociale et bien d’autres lois sociales. Ces réformes étaient porteuses de « révolutions ». Depuis, la marée montante des eaux glacées du calcul égoïste a ramené avec elle les successeurs de ce patronat collaborateur avec les nazis, le Parti communiste français n’est plus à 25 % mais plutôt à 2,5 % et l’URSS n’est plus.
Tout est à remettre sur le chantier donc, l’élaboration des objectifs d’un « réformisme révolutionnaire » d’abord et sa mise en œuvre ensuite.
Prochain billet : Quelles réformes pour quelles révolutions ?