La jeunesse comme priorité nationale, c'était dans le discours de campagne de l'actuel Président, notamment la formation pour tous ceux qui quittent le système scolaire sans diplôme ou sans qualification. Deux exemples dans des établissements préparant à des formations techniques, montrent la difficulté et le chemin à parcourir pour que «les jeunes vivent mieux en 2017 qu'en 2012» (discours du candidat en janvier 2012).
Un établissement qui n'écoute pas les élèves
Dans un lycée du sud-ouest (Académie de Toulouse), dont nous tairons le nom, réputé pour ses formations en métiers d'art du bois et de l'ameublement, les résultats de juin dernier sont particulièrement négatifs, dans l'épreuve du BMA (Brevet des métiers d'art) ébéniste, 17 refusés sur 23 (pourcentage de réussite dans l'établissement 32 %, contre 65 % la moyenne nationale).
Les élèves auraient été préparés pour un examen type Bac-pro ébénisterie, sans que l'établissement s'organise et prenne en compte qu'il s'agissait d'orienter tout le long de l'année, la formation des jeunes dans les exigences du BMA, notamment sur le plan de l'atelier. L'établissement, dirigé par un directeur qui semble se repartir sur deux autres (?), a été alerté par les étudiants, sans en tenir compte. Les élèves ont fait des démarches directement auprès du ministère à Paris, ce qui n'a pas été apprécié par les responsables pédagogiques. Au lieu de s’intéresser à cette initiative des jeunes, celui qui a porté l'interrogation auprès des services du Ministère aurait été plutôt mal vu et peut être mal noté... (pédagogie du bouc émissaire?). On ne sait pas ce que l'administration centrale a fait de la sollicitation des jeunes lycéens.
Les parents d'élèves, les associations (la PEEP) et un délégué des élèves ont été reçus à Toulouse et, semble-t-il des instructions ont été données pour que les choses se modifient pour la prochaine rentrée (notamment l'intégration des redoublants qui le souhaitent). Il reste que ces élèves ont été recalés, et pour certains, c'est une année de retard. Mais surtout, ils ont fait le constat de l'insuffisance des adultes sensés les instruire et de leur incapacité à les écouter.
Quelle confiance ces jeunes peuvent avoir dans les adultes qui encadrent leur avenir scolaire? Quelle confiance auront les entreprises pour recevoir les stagiaires issus de cette sous-formation dans un établissement, fermé à l'écoute des élèves et des consignes du ministère? D'autant que ce seront les mêmes enseignants et la même équipe du lycée qui auront à faire en 2013-14 ce qui semble-t-il leur a échappé l'année précédente.
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La formation professionnelle, diplômante, par alternance est fréquemment évoquée comme une réponse pour les jeunes sans qualification. Mais elle a mauvaise presse, une orientation «faute de mieux», peu choisie par les parents, peu engageante pour les élèves et souvent peu investie par les équipes pédagogiques ou les enseignants.
Un exemple, certes circonscrit à un établissement, mais qui semble révélateur de l'état d'esprit, voire de l’importance accordée par les établissements ou les autorités qui ont la responsabilité et la tâche de l'éducation et de la formation de la jeunesse.
Un lycée dans la région parisienne, plus précisément à Paris, «accueille chaque année de nombreux élèves afin de les former aux métiers de l'électrotechnique... et met à disposition de ses élèves sa structure d’accueil où les meilleures conditions de travail et d’apprentissage sont réunies».
Dans sa carte de visite il y est inscrit le GRETA, organisme de formation pour adultes de l’Éducation Nationale. Ce lycée dit accompagner «les entreprises dans la gestion de leurs compétences et les salariés ou demandeurs d’emploi dans la construction de leur projet professionnel». Il s'estime même, sur son site «expert dans les domaines de l’industrie, il propose des formations diplômantes (du CAP au BTS), qualifiantes, en alternance ou à temps plein».
Équipe sans ressort, étudiants démobilisés!
Parmi ses formations, nous avons eu à connaître celle du CAP électricien, de septembre 2012 à la fin mai 2013, à plein temps avec deux stages en entreprise de trois semaines. Un groupe d'élèves entre 25 et 40 ans, avec des formations initiales distinctes, mais une expérience de vie, qui les motivaient à engager cette nouvelle orientation.
Dans un tour de table, à la fin de l'année, il a été question du 'manque de matériel dans l'atelier, chaque enseignant se surveillant, pour récupérer du matériel au détriment d'un autre pour pouvoir assurer son propre cours. Il est noté une totale absence de concertation entre les enseignants, le terme d'équipe pédagogique ne semblant pas adapté vu l'absence d'équipe. Les élèves seraient pris entre des informations soit contradictoires soit via la rumeur de couloir pour savoir ce qu'il y a à faire'. Les supports pédagogiques fournies des machines seraient parfois 'incomplets voire tronqués...'
L'intérêt de cette formation c'est en grande partie l'expérience du terrain. Or, 'L’absence de suivi a été soulignée par tous. Aucun moment d'échange formel avec un enseignant lors du retour du premier stage. Pour le second un bref tour de table, qui a surtout permis de dédouaner la responsabilité de l'enseignant qui aurait du assurer les visites -non faites- sur le lieu de stage.' Il est surprenant qu'à l'heure où le terreau de la réflexion pédagogique s'organise autour des échanges et de l'interactivité, il ne semble pas avoir eu de mise en commun des 'expériences afin de dresser une vision plus large que les simples conversations entre élèves autour d'un café'.
Ceci expliquerait qu'à 'chaque coupure dans la formation lors du stage, il a été noté une baisse dans la motivation du groupe, ce qu'aucun enseignant n'a su relever, ni s'adapter. Le retour du premier stage marqua une baisse importante dans l'implication des élèves, corrélant un laisser aller dans le contenu des enseignements. La situation s'est aggravée avec le retour du second stage et une explosion de l’absentéisme du à l'absence de matière dans les principaux cours entraînant un sentiment de perte de temps. Bien que l'absentéisme pris individuellement ne soit pas excusable, dès lors que cela concerne plus de 50% du groupe, on ne peut ignorer l'aspect symptomatique du phénomène'.
Et un des élèves, notait dans son bilan personnel que 'le sentiment général est d'avoir servi à remplir les budgets et les chiffres du GRETA sans une réelle réflexion pédagogique sur l’accueil et la formation d'un public ayant déjà une expérience du monde professionnel. Ce n'est peut-être pas la réalité, mais ce sentiment est le symptôme d'un manque dans la réflexion en amont et en cours de formation pour une pédagogie cohérente. S'agissant d'une formation censée servir de tremplin ou de réorientation professionnelle, dans une période sensible de chômage des jeunes, le manque de sérieux ressenti laisse un goût de déception'.
Un GRETA proche des élèves ou de l'administration?
Il est sans doute vraisemblable que dans d'autres lycées ou établissements scolaires, des équipes pédagogiques mènent pour de vrai une réflexion et une pensée pédagogique et nous savons que des enseignants motivés exercent leur office avec engagement et créativité.
Ce qui m'a amené à poser ici la question sur la formation professionnelle des jeunes et cette expérience signée GRETA, c'est le constat qu'on peut faire de l'absence de projet qui mobilise les élèves. L'entretien individuel prévu en début d'année, n'a concerné que quelques uns; on souligne également l'absence de professeur référent ou en tout cas d'un tutorat spécifique dans la promotion qui puisse permettre de faire unité et cohérence dans la formation.
Ce groupe d'élèves, déjà engagés pour certains dans le monde du travail et d'autres en recherche de l'être, en disponibilité donc, théoriquement, de mobilisation personnelle et professionnelle, auraient été progressivement jetés vers la sortie, du «vivement la quille»! S'agissant de la même équipe du Lycée, certains jeunes adultes se questionnaient sur la formation initiale dont ce lycée a la charge.
La jeunesse : vivront-ils mieux en 2017?
«Est-ce que les jeunes vivront mieux en 2017 qu'en 2012 ?» Phrase du discours du candidat Hollande (22 janvier 2012) qui pouvait tenir valeur d'engagement. Et trois mois plus tard (4 avril 2012) le candidat réitérait sa volonté de créer «un grand ministère d’État (qui) consacrera cette ambition», la jeunesse comme «seule priorité».
Ces deux exemples, limités par le nombre et les établissements concernés, suggèrent que le chemin pour modifier les habitudes et le «pré carré institutionnel» est long et semé d'embûches. L'écoute des élèves, qui dans les deux cas ont essayé de se faire entendre, ne semble pas toujours une priorité...
D'une administration d'établissement qui rate les orientations du Ministère sur le cursus qui doit préparer les élèves au brevet (BMA), à l'incohérence, voire désintérêt d'une administration de lycée qui traite par le moins-disant-d'apprentissage une formation diplômante (CAP électricien), on est loin du mot et des intentions sur la Jeunesse, un des thèmes favoris de campagne de l'actuel Président... Y-a-t-il encore des raisons d’espérer? Je veux bien le croire, à suivre...